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Crise climatique : pourquoi n’a-t-on pas conscience de l’imminence du danger ?

L'art de fermer les yeux

Les scientifiques sont unanimes : le réchauffement climatique engendre la fonte des glaces, la hausse des catastrophes naturelles et de grandes sécheresses, entre autres. Ils ne se privent pas de nous le dire et rassemblent les informations dans des rapports, comme le 6ème du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) dont nous avons fait la synthèse. Malgré toutes ces connaissances à disposition, beaucoup choisissent simplement de monter le son pour faire la sourde oreille, à la façon d’Orelsan dans son titre Baise le monde. Pourquoi personne ne fait rien ?  Si vous vous posez cette question, ou que vous vous l’êtes déjà posée : bonne nouvelle, vous en avez fini avec le déni, souvent suivi de colère et de frustration, dans l’ordre des différentes étapes de l’éco-anxiété. Dans cet article, on vous donne des pistes de réflexion pour comprendre d’où vient le déni général, afin de pouvoir en sortir (et agir!) avec sérénité et lucidité. 

Pourquoi est-il plus facile de vivre dans le déni ?

La peur de l’inconnu

La première raison du déni réside dans ce constat : L’Homme a peur de ce qu’il ne connaît pas. Il préfère se complaire dans un système qui va droit vers le mur, mais dans lequel il a des repères, plutôt que de déconstruire ce qu’il connaît pour penser différemment. II poursuit sa course effréné à la surconsommation au lieu de ralentir pour constater l’ampleur des dégâts et emprunter une route différente. Pessimistes pour le futur, on le déconnecte du présent pour ne pas y penser et on se cache derrière des habitudes réconfortantes

L’incompréhension générale lié au trop plein d’informations peu qualitatives et contradictoires 

Nul besoin de se sentir concerné·e par l’urgence climatique pour entendre parler d’écologie. Les termes “green”, “éco-responsable” et “transition écologique” sont utilisés à tort et à travers, autant sur les étiquettes de nos produits que dans la bouche des politicien·ne·s. La nécessité d’un développement durable est même expliquée aux enfants dès l’école primaire. Pourtant, personne ne semble en saisir les enjeux.
Le problème est tel qu’on se perd dans sa complexité, dans la divergence des opinions et dans les différentes sources d’informations qui le traitent. Ce phénomène d’”infobésité” dessert la cause car il est anxiogène. Pourtant, si les comptes-rendus scientifiques sont parfois complexes, de nombreux médias les vulgarisent afin qu’ils soient accessibles au grand public : Novethic, Usbek&Rica, Bon pote, l’Info durable, PositivR, nous !

Le sentiment d’impuissance

Le constat est une chose, l’action en est une autre. En réalité, beaucoup d’entre nous préfèrent ignorer le problème car ils ne savent pas comment y remédier, submergés par un sentiment de fatalité et d’impuissance. Le problème est insoluble, trop grand pour nous. Si les grandes entreprises ne font rien, pourquoi faire des efforts ? Nos actes ont-ils vraiment un impact à l’échelle planétaire ? Comment agir à l’échelle individuelle, alors que les grands dirigeants ne parviennent pas à mettre en place des solutions concrètes et atteignables lors des COP?

Nous ne nous sentons pas concerné·e·s par les victimes 

On ne peut pas s’identifier à elle, selon la loi de la proximité 

La loi de la proximité, ca vous parle ? Staline l’expliquait avant nous : La mort d’un homme est une tragédie. La mort d’un million d’hommes est une statistique.* On a tendance à se sentir moins concerné·es par ce qui ne nous touchent pas directement. Par exemple, des millions de personnes meurent en Inde à cause de la pollution, mais cela nous atteint difficilement, en raison du manque de proximité :  

  • Affective (indifférence car on ne connaît pas les victimes personnellement) 
  • Géographique (le phénomène de “mort kilométrique” : plus les victimes sont géographiquement éloignées de nous, moins on se sent concerné·e·s)
  • Socioprofessionnelle (la pollution touche davantage les populations les plus pauvres)
  • Temporelle (Le phénomène arrive régulièrement et il n’y a donc pas de sentiment d’urgence liée à l’immédiateté de l’information)

Ce phénomène est aussi valable pour les population Ouïghours qui conçoivent dans des conditions de travail déplorables des vêtements pour les grandes marques de fast fashion. Il sont si éloignés de nous sur tous les niveaux de l’échelle de proximité, que l’on ne peut pas s’identifier à eux, ni comprendre ce qu’ils traversent. Notre cerveau n’est pas programmé pour répondre au danger qu’il ne voit pas. 

*On décorelle l’idéologie politique de la citation, employée ici car elle illustre très efficacement le propos – NDLR 

Il est difficile de comprendre et de faire preuve d’empathie envers celleux qu’on ne connaît pas personnellement. En ce temps de repli sur soi, intensifié par la pandémie, Charles Pépin démontre dans son ouvrage La Rencontre que l’on ne peut pas vraiment comprendre les autres si on n’apprend pas à les connaître. Pour avoir de l’empathie, il faut créer une relation avec une personne.

“ Mais ces générations futures ne sont pas encore nées… Comment nous sentir responsables d’êtres que nous ne rencontrerons pas, dont nous ne connaissons pas le visage ?”

©Charles Pépin

Ce phénomène entrave notre prise de conscience écologique, car nous ne pouvons pas comprendre le désarroi d’un·e habitant·e d’Amazonie devant la déforestation, ni ce que traverse un Inuit en constatant jour après jour la disparition de la faune environnante. Selon le même raisonnement, il est difficile de penser aux générations futures car nous ne les connaissons pas personnellement.

Nous n’arrivons pas à nous projeter sur le long terme  

Nous avons une vision pessimiste du futur car nous sommes incapables de nous ancrer dans une stratégie long-termiste. Ce phénomène est entretenu par notre mode de consommation mais aussi par les dirigeants au pouvoir. 

La société de consommation est régi par l’immédiateté 

Selon les statistiques de Weforum  : le nombre de vêtements achetés par habitant entre 2000 et 2020 a quasiment doublé. Aujourd’hui, nous évoluons dans une société de consommation dans laquelle les achats sont plus souvent compulsifs que réfléchis. On répond à des pulsions consuméristes, sans prendre en compte le passé ou le futur du produit. On ne réfléchit pas aux kilomètres parcourus, au travail sous-payé de femmes exploitées ou à la teinture toxique qui a permis de le colorer. On néglige également ce que l’avenir réserve à notre achat : un coin de dressing avant de finir dans des bennes de collectes puis se retrouver au Ghana, poubelle textile du mondeIl est plus facile de vivre dans le déni car il permet d’assouvir des pulsions immédiates, même si le plaisir suscité par l’achat décroît facilement une fois celui-ci effectué. Pourtant, en rééduquant son cerveau, on découvre le sentiment d’accomplissement que procure une consommation plus consciente et moins matérielle.

La projection des Francais·e·s s’arrête au quinquennat 

En France, le régime gouvernemental en place limite les projections à 5 ans. Si un président décide d’instaurer certaines mesures, celles-ci restent provisoires et leur pérennité dépendra de l’arrivée d’un nouveau parti au pouvoir. Il est donc d’autant plus difficile pour les pays comme la France d’avoir des projets politiques fiables sur le long terme. En Chine, par exemple, le président Xi Jinping gouverne le pays depuis plus de 8 ans, ce qui permet aux citoyen·nes de savoir à quoi ressembleront les prochaines années. Si le président instaure des mesures, la population chinoise sera certaine que celles-ci auront des conséquences.

Don’t look up, un ton satirique qui dénonce la décrédibilisation de ces sujets par les médias

Sorti sur Netflix le 24 décembre 2020, le film Dont look up, déni cosmique illustre ce déni général de manière très caricaturale. Avec un humour cinglant, le réalisateur Adam McKay dresse un portrait satirique de notre société actuelle, de notre incapacité à écouter ce que nous disent les scientifiques et de l’inaction du gouvernement. Sur les réseaux sociaux, de nombreux·ses expert·es ont pris la parole pour témoigner du réel problème que soulève le long métrage. Bon pote, média piquant et sans langue de bois sur le réchauffement climatique, en parlait aussi dans un post sur Instagram, montrant du doigt via les datas des requêtes Google la façon dont les sujets occupent plus (comme Zemmour) ou moins (comme le GIEC) la scène médiatique. 

©L’article de Bon Pote, Netflix

Comment se sentir plus concerné·e·s ? 

S’informer de manière apaisée

On ne va pas vous laisser sans solution. Comme on est aussi passé par là, voici une liste de conseils pour sortir du déni sans tomber dans l’éco-anxiété. 

  • Trier ses sources d’informations. S’il est nécessaire de toujours croiser ses sources d’information, s’en tenir à deux ou trois sources fiables peut être un bon moyen de s’informer sans tomber dans l’anxiété ni se perdre dans la surinformation. Paramétrez un Reedit ou un FlickR, ou encore les alertes Google basées sur des mots clefs, pour voir arriver dans vos boîtes emails des informations de qualité triées en amont par vos soins. À l’heure de la cancel culture, des troll et des fake news, veillez à varier les sources et croiser les infos ! 
  • Regarder des documentaires sur le sujet. L’objectif n’est pas de culpabiliser mais de s’informer, car c’est le meilleur moyen de prendre conscience du problème. Si vous êtes sujet à l’angoisse mais que vous souhaitez en apprendre plus sur l’enjeux écologique, évitez les reportages alarmistes. On vous conseille plutôt les documentaires qui constatent le problème tout en donnant des clefs de réflexion et des solutions concrètes, comme les films de Cyril Dion Demain ou Animal. Vous pouvez lire ici l’interview de l’un des deux protagonistes, Vipulan Puvaneswaran.
  • Se mettre à la place des autres. Lire des ouvrages ou regarder des documentaires sur les populations directement touchées par le dérèglement climatique est un bon moyen de mieux les comprendre et de faire preuve d’empathie à leur égard.
  • Prendre conscience de son pouvoir en tant que consommateur·ice est un bon moyen de se sentir plus concerné·e par le problème. Le pouvoir du boycott est trop sous-estimé, les marques dépendent directement de nos choix de consommation.
  • Prendre conscience de notre pouvoir collectif. La pandémie mondiale récente et la pause économique forcée à permis de constater qu’en peu de temps, la pollution atmosphérique a grandement diminué. Selon cet article de Nature France, les confinements ont entraîné une baisse de près de 40 % des émissions de CO2 au-dessus des grandes villes chinoises.
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Commentaires 4
  1. Article très pertinent ?Pas simple d’ouvrir les yeux même sur l’évidence.. pour parrer à ce phénomène nous avons un devoir d’INFORMATIONS. Il faut des médias tel que The GoodGoods pour donner la parole et pour relayer les informations lié à la consommation responsable ?

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