Köpskam, avez-vous honte d’acheter des vêtements neufs ?

   Attention, biais de jugement. #culturegé

Le “Köpskam” est un néologisme, un nouveau mot venu de Scandinavie. Il désigne la honte d’acheter des vêtements neufs… Et nous ne sommes pas d’accord avec sa signification ! La réduction drastique des achats, le boycott des soldes et du black friday ou le boom de la seconde-main sont des nouvelles réjouissantes qui traduisent une mutation profonde positive de nos comportements. Nous n’avons pas honte d’acheter moins de vêtements ! Ne serait-ce pas là un raccourci utilisé par les médias conventionnels, au service d’une industrie capitaliste vieille école ? Pensons-nous raisonnablement encore qu’en 2020, le bien-être est corrélé à la possession matérielle ? Pourquoi l’écologie est-elle systématiquement associée à honte et la frustration ? Réflexion.

L’écologie est une science neutre que les médias rendent sinistre

Honte de ne pas trier ses poubelles correctement, honte de prendre l’avion, honte de faire du jet-ski (ok, ça vous pouvez), honte d’être flexitarien et pas végé…
En lisant les gros titres affolés autour du Köpskamla honte d’acheter des vêtements – il nous vient une pensée : l’écologie n’a t’elle pas plus de portée quand elle inspire au lieu de condamner ? Essayons d’être objectifs et de comprendre ce qui pousse chaque magazine à s’emparer du sujet : faire état de la menace que représente ce mouvement pour le business de la mode, bien plus que du véritable mal être sociétal dont il témoigne. La consommation, ultime graal d’une humanité capitaliste, ne remplie plus sa promesse de bonheur.

Pourtant, le fait que l’accomplissement de soi soit de moins en moins lié à la possession matérielle n’est pas nouveau. Après la vague de decluttering de Marie Kondo et la recrudescence des achats/reventes seconde main ces dernières années, nous assistons à de nouveaux usages tels que la location ou le leasing dont les modèles sont balbutiants mais tournés vers l’avenir.
Nous n’allons pas ré-écrire l’histoire et l’intérêt de l’économie circulaire dans la mode.
Ce qu’on remarque de nouveau, c’est l’acharnement de l’ancien monde à présenter négativement une mutation profonde de nos comportements d’achat et à présenter ces données comme une menace.

Avons nous vraiment honte d’acheter ?

Systématiquement, quand on entend parler d’écologie, il est question de privations, d’amputer ses privilèges, de restreindre ses libertés.
Or, l’image de la « honte » associée à l’achat :
– déplace la responsabilité, à nouveau mise sur le dos du consommateur (les pollueurs n’ont pas honte de produire n’importe quoi dans n’importe quelles conditions, mais les consommateurs doivent se repentir de céder à la tentation de leur offre);
– laisse à penser que nous sommes nostalgiques d’un état antérieur auquel nous aspirons naturellement à revenir (…ce qui arrange toujours les mêmes pollueurs).

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Comment les études détournent les faits

Le quotidien suédois Aftonbladet [1] est le premier à avoir rapporté les résultats de l’étude publiée par HUI Research (Bureau d’étude et de conseils) concluant en août 2019 que les chaînes de magasins « souffraient » des baisses de vente et que ce phénomène allait se répandre. La souffrance est donc celle du marché… que l’on déplace habillement vers le consommateur.

Pourtant, à observer nos lecteurs, il semble que refuser d’acheter des vêtements neufs ou de craquer pour des soldes ne soit pas lié à la honte mais à une envie de bien faire, de rétribuer des marques vertueuses, d’effectuer des achats conscients et informés, valoriser des acteurs du changement. Ces mêmes acteurs sont des marques engagées ayant entamé une transformation profonde de leurs modèles ou construits leurs modèles sur un système de valeurs qui ne repose pas uniquement sur le profit.
L’épanouissement au travail comme chez Noah.

La solidarité internationale.
La solidarité entre femmes
Le respect du bien être animal.
La réduction de son impact environnemental.
Ces acheteurs avertis sont aussi ceux qui se ruent vers la seconde main. Un marché qui, selon l’observatoire économique de la Fédération française du prêt-à-porter féminin (FFPAPF) &l’IFM [2], est évalué à un milliard d’euros en 2018 dans l’Hexagone. Un marché prévu supérieur aux achats neufs en 2028, selon le dernier rapport de GlobalData, publié par thredUP [3]. Quelle cohérence y’a t’il alors entre ces résultats et le Köpskam résumé à “la honte d’acheter” à quelques lignes d’écart dans un même article (x 10 sources différentes) ?

Le pouvoir du non-achat

Le pouvoir n’est peut-être plus celui de l’achat.
Le bulletin de vote n’est peut-être plus situé dans nos porte-monnaies mais dans le refus de les utiliser. Le refus des vêtements et des objets inutiles, mal conçus, jetables, fabriqués aux dépens de nos éco-systèmes ou de nos pairs à l’autre bout du monde. Le refus de l’étiquette de « la honte » qui rassure les cabinets de conseils. Le refus de réduire l’écologie à une discipline frustrante et punitive. Si le Köpskam pénalise les habitués de l’unboxing et les hauls d’achats neufs sur les réseaux sociaux, on ne s’en cache pas, on s’en réjouit !

Notre perception du réel, notre capacité à imaginer le futur sont le résultat d’une bataille entre espoir et catastrophisme : tout dépend du scénario que notre cerveau (et les médias qui le relaient…) ont envie de créer. Pour nous, le Köpskam décrit un changement spectaculaire dans nos comportements d’achat et dénonce l’absence de responsabilité écologique des gens lorsqu’ils achètent des quantités excessives de vêtements neufs mal conçus. Ce sont des faits. Et on aime mieux les faits que les jugements.

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Références

[1] AFTONBLADET
[2] FFPAP/IFM
[3] THREAD UP

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