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Éco-anxiété : préserver la santé mentale des activistes

Je dissone, tu dissones #culture 

Nombreuses sont les personnes qui s’engagent du côté vert de la force : réduction de la consommation de viande, achats en vrac, seconde main privilégiée au neuf ou boycott des grands distributeurs au profit des marchés locaux. Ces actions quotidiennes découlent d’une prise de conscience de plus en plus massive, individuelle et collective. Seulement voilà : il n’est pas rare que l’on passe innocemment d’un tuto de cuisine végé à un documentaire insoutenable qui décourage plus qu’il  ne motive… Et ce découragement coupable porte un nom : l’éco-anxiété. Comment se manifeste-t-elle ? Est-il possible de l’éviter ? Comment passer outre afin de voguer sereinement sur les flots écolos ?

 

ECO ANXIETE 1

 

Un mal-être contemporain 

Si nous sommes de plus en plus lucides sur les problématiques écologiques, nous sommes aussi davantage à nous en inquiéter. Entre la pollution de l’air, des océans, des sols, la fonte des glaces, la déforestation, la destruction de la biodiversité… Il y a de quoi avoir le tournis.
L’éco-anxiété, aussi nommée solastalgie, est un concept amené par le professeur Glenn Albrecht en 2003. Etymologiquement, il relie la désolation / la solitude (solari) à la douleur physique et morale (algia). Plutôt équivoque.
Ainsi, ce terme traduit un stress important et constant allant de l’inconfort à la grande détresse, teinté d’un sentiment d’impuissance et de fatalité. Au choix, et graduellement, il peut se traduire ainsi :
– Préoccupation continue concernant les problématiques écologiques ;
– Défaut d’empathie et de patience envers les individus peu préoccupés par la transition ;
– Répulsion des lieux à forts coûts environnementaux (centres commerciaux, fast-food…) ;
– Manifestation de stress physique lors d’échanges autour des thématiques environnementales (mains moites, sueurs froides, difficultés respiratoires, tachycardie) ;
– Troubles du sommeil, de l’appétit et/ou des relations sociales ;
– Incapacité à entreprendre des projets à court et/ou moyen terme par peur de l’effondrement ;
– À l’extrême : état dépressif, apathique et découragement total.

 

L’une des sanctions d’un activisme écologique est que l’on vit seul dans un monde de blessures. Une grande partie des dégâts infligés à la terre est assez invisible pour les profanes. Un écologiste doit soit s’endurcir et se résoudre à ne pas se mêler des conséquences de la science, soit être le médecin qui perçoit la mort imminente d’une communauté persuadée d’aller bien et qui refuse qu’on lui dise le contraire.

Aldo Leopold

  

Oui, on a connu plus exaltant comme programme. Alors, est-ce que l’on peut s’en préserver ?

 

Une étape obligatoire ? 

Selon un sondage mené par l’IFOP en 2018 [1], 85 % des Français.e.s se disent inquiété.e.s par le réchauffement climatique. Parmi eux, 29 % le sont fortement. Si l’anxiété n’est pas automatique, l’appréhension des modifications climatiques est très répandue.
Pourquoi l’angoisse ? Elle est définie comme une menace imminente, cependant floue, qui induit un état d’alerte permanent et épuisant. C’est ici ce flou qui crée l’angoisse : les gros titres catastrophistes fusent, pourtant les informations délivrées sont peu approfondies. Les preuves tangibles semblent lointaines ou se contredire, les études scientifiques sont indigestes ou restent méconnues du grand public.
Enfin, problème majeur : ces données sont rarement présentées avec les solutions pour y remédier ! Pourtant, dans la mode comme ailleurs, elles existent. Ainsi croît le risque d’être envahi.e par la crainte d’un avenir plus qu’incertain, et la nostalgie d’une société plus équilibrée passée.

 

ECO ANXIETE 2

 

De quoi avons nous peur ? 

Très probablement, d’aller vers l’inconnu. Le monde tel que nous le connaissons se meurt, un nouveau adviendra à l’aide de notre bonne volonté et d’actions de bon sens.
Entre les deux, il faut faire le deuil de l’idylle capitaliste à croissance débridée, le deuil de la vie que l’on connaît.

Par chance, le deuil, on connaît ! Il s’agit d’un processus très étudié, notamment par la psychiatre Elisabeth Kübler Ross qui l’a découpé en 5 étapes successives. Et… magie ! Beaucoup peuvent y reconnaître l’évolution de leur chemin écologique. 

1) Le déni

« La Terre va au meilleur de sa forme, vive les humains, vive la société de consommation ! »

2) La colère

« Mais pourquoi les générations précédentes ont construit ce monde à court terme, et puis moi je n’ai rien demandé, et le gouvernement ne fait rien, et les lobbies, et les gens qui jettent leurs déchets par la fenêtre, et ma grand-mère qui n’y comprend rien…” (Ça vous rappelle quelqu’un ?).

3) Le marchandage

« Bon. Si je deviens végétarien.ne, je peux quand même prendre un peu l’avion, ça compense, on est d’accord ? »

4) La dépression

« C’est foutu, c’est trop tard, on est trop minuscules pour faire quoi que ce soit, autant abandonner, tout va disparaître, inutile de se battre, c’est fini ». 

5) L’acceptation

« En fait je ne sais pas si je vais changer les choses, mais le fait est que je suis là, et que je vais évoluer à mon échelle, essayer de faire mieux chaque jour, me déconditionner, apprendre, inspirer mon entourage, rejoindre des collectifs, interpeller les politiques, refuser la passivité, refuser ce système. Pas le temps d’être pessimiste, tant qu’on est là on y croit ».
Bon. On peut être rassuré.e.s sur deux points :
Le sentiment d’être abattu.e est normal, à tel point qu’il est à lui seul une phase entière de la résilience.
Cette période dépressive n’est pas la fin du processus mais son avant-dernier point. Ce qui signifie que c’est constitutif de la réflexion, ce n’est pas la conclusion.
Le Graal de l’activiste écologique serait de parvenir à surpasser cet état pour passer au suivant, plus épanouissant, plus proactif et plus serein. Ok, mais comment ? 

 

ECO ANXIETE 3

Prendre soin de son esprit pour mieux lutter

Souffler

Tout d’abord, l’ennemi du bien est la culpabilité : ne pas s’infliger de pression supplémentaire en se dénigrant si l’on entre, stagne ou revient à cet épisode dépressif. Tu es humain.e, et les humains sont des êtres émotifs, instables, parfois fatigués, découragés, déboussolés. Accueillir ses émotions est le premier pas (et le plus difficile, on ne va pas se mentir) pour les accepter puis les dépasser. Garder à l’esprit que l’on n’est pas seul.e.s (en témoignent les nombreux groupes d’entraides comme Transition écologique et éco-anxiété sur Facebook.

Se déconnecter

Internet est une invention formidable, mais elle peut vite se transformer en outil de torture lorsqu’elle abreuve en continu d’informations toutes plus lourdes les unes que les autres. Accorde-toi des breaks de news plus ou moins régulièrement pour apprécier le calme, essentiel à ta sérénité et à ta réflexion. 

Communiquer

Renfermer ses émotions et son anxiété est le meilleur moyen pour l’amplifier, tout comme ignorer que l’on peut avoir des proches aussi concernés. Partager son expérience avec son entourage, c’est s’offrir la possibilité de se délester d’un poids trop conséquent, trouver du réconfort et réaliser que l’on n’est pas isolé.e.

Changer d’angle de vue

Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur l’actualité environnementale triste et préoccupante, mais bien de s’intéresser aux avancées positives : les progrès, les découvertes, les nouvelles lois, les actions collectives qui fonctionnent… (cf @lesbellesnouvelles)

S’engager

La plupart des militant.e.s sont unanimes : s’investir et transformer son mode de vie afin qu’il soit cohérent avec nos idéaux est un excellent moyen pour aller mieux. Plus ton environnement proche correspond à tes attentes globales, plus tes questionnements seront supportables.

Consulter

Il n’y a pas de honte à avoir envie / besoin de demander de l’aide à un.e professionnel.le si l’on se sent accablé.e par la situation. Une thérapie à plus ou moins long terme peut être une béquille non-négligeable pour sortir de la paralysie et poursuivre plus paisiblement.
Ainsi se présentent les pistes que tu peux prendre pour continuer ta lancée engagée avec ferveur et douceur. Je te souhaite de prendre soin de toi, et tu verras, le reste suivra.

 

Quelques références :

[1] LES FRANÇAIS ET LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE – BALISE D’OPINION #42
[2] DIVERSES
– Qu’allons-nous faire de l’angoisse écologique ? France Inter, 25/01/2020
– Podcast UP Conférences, épisode « Eco-anxiété : agir pour la transition sans dépression »
– Podcast Je fais de mon mieux, épisode « La Solastalgie ou éco-anxiété – Le jour où j’ai arrêté de me réveiller en hurlant »
– Livre « Comment rester écolo sans finir dépressif » de Laure Noualhat

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