Étude de cas : les engagements RSE de Bompard

Luxe discret et minimaliste. La maison Bompard produit historiquement des pièces destinées à trouver une place à vie dans les garde-robes exigeantes en qualité, bien avant que le quiet luxury ne soit une tendance. Mais la seule durabilité d’un vêtement gage-t-elle de la responsabilité d’une marque ? Qu’est-ce qu’un cachemire éthique et quels engagements tient Bompard au-delà du produit ? Nous avons interrogé la marque sur la consolidation de sa stratégie RSE.

Les produits Bompard sont intrinsèquement durables

Un socle solide : petites collections, hautes exigences et discrétion

Quels sont les ingrédients socles d’un vêtement peu polluant ?

• Côté marque : une production raisonnée en petites quantités, des circuits les plus courts qui soient, un choix de mono matière, idéalement naturelle et certifiée – à minima non toxique Œko-Tex et idéalement biologique – des teintures naturelles, peu ou pas d’apprêts.
• Côté consommateur·ice : l’achat en conscience d’un produit de qualité, dont on prend soin, que l’on porte souvent, que l’on répare et que l’on garde à vie, revend ou transmet après des années.
• En fin de parcours : ce vêtement est upcyclé ou recyclé, ce d’autant plus facilement que la matière est unique et de qualité et que le produit est déposé au bon endroit, vers une filière de collecte et de tri.

La recette paraît simple ? Pourtant très peu de marques la suivent à la lettre, sans mentionner la traçabilité associée à toutes ces étapes qui est une cerise sur le gâteau dont on se délecte rarement.

Bons points pour Bompard, l’ADN de la maison est naturellement constitué de ces éléments. En 1985, Eric et Rose Bompard réalisent le tour de force de s’imposer dans la discrétion avec peu de collections, des pièces en cachemire de qualité exceptionnelle, des vêtements et des accessoires intemporels, déclinés en coloris adaptés à la versatilité des usages, et un positionnement de luxe qui engage les client·e·s à percevoir la valeur du produit. L’innovation créative n’est pas en reste : déclinaison des méthodes de tricot, coupes plastrons, top cropped, vestes ceinturées, coloris punchy ou designs matelassés qui traversent pourtant les époques et les tendances.
De prime abord, Bompard produit des vêtements haut-de-gamme à l’obsolescence émotionnelle quasi nulle : ils perdurent dans les dressings et se passent entre les générations.

Le site Bompard

Qu’est-ce qu’un cachemire responsable ?

Le cercle vicieux du cachemire bas de gamme

Le cachemire est une fibre protéique naturelle issue de la chèvre cachemire. Les chèvres cachemire ont deux manteaux : un manteau extérieur bien épais et un manteau intérieur doux et fin qui agit comme une isolation supplémentaire pendant l’hiver. La laine de cachemire provient du pelage intérieur doux, qui ne représente qu’un faible pourcentage de la toison d’une chèvre. Ce pelage intérieur tombe naturellement au printemps, lorsque la toison est récoltée. Les chèvres peuvent être complètement tondues, mais comme il est difficile de séparer les fibres fines et grossières, le cachemire de haute qualité est généralement récolté à la main à l’aide d’un peigne qui recueille les poils fins du pelage intérieur. Une fois la fine couche intérieure retirée, la toison extérieure est généralement tondue et utilisée à des fins non vestimentaires. Le rendement est faible : un seul pull nécessite la toison de 4 à 6 chèvres, faisant de cette laine un matériau de haute valeur. Mais la concurrence chinoise a fait baissé le prix du marché international, en écho à une forte augmentation de la demande. Les fournisseurs de cachemire ont eu du mal à répondre à cette demande croissante et aux prix bas, au détriment de l’environnement, de la qualité de la fibre et des communautés d’éleveurs.

Les chèvres cachemire peuvent détruire la terre, surtout si elles sont sur-pâturées. En effet, elles consomment quotidiennement plus de 10 pour cent de leur poids corporel en fourrage grossier. Elles mangent une plus grande gamme d’espèces végétales que les moutons, se nourrissent de manière plus agressive et ont tendance à détruire la plante, en la consommant entière jusqu’à la racine. Leurs sabots transpercent le sol, endommageant la couche arable et le système racinaire de l’herbe, empêchant l’herbe de repousser. De nombreuses prairies riches en Chine et en Mongolie souffrent ainsi de désertification, aggravées par des quantités excessives de fumier et d’autres toxines pénétrant dans le sol peuvent dégrader la qualité du sol et contaminer les cours d’eau, contribuant ainsi à des problèmes comme l’eutrophisation.
Plus de demande en cachemire signifie augmenter le rendement, donc plus de chèvres signifie plus de pâturages, une dégradation des prairies, des animaux sous-alimentés et des poils plus grossiers, soit in fine, une diminution de l’offre de cachemire de haute qualité. Pour compenser la perte de revenus, les éleveurs élèvent des troupeaux plus grands, en un cercle vicieux…

Le choix de Bompard : un cachemire responsable transformé en circuit court

La qualité du cachemire est liée à la longueur et au micronnage des fibres, leur conférant un grade selon la nomenclature internationale, A étant le plus élevé, celui choisi par Bompard. La qualité de la matière première est intrinsèquement liée à celle de vie de l’animal et donc, de ses conditions d’élevage et de facteurs environnementaux, tels que les températures et le régime alimentaire des chèvres. Pour cette raison, la production est sensible : les années de sécheresse ou les hivers rigoureux peuvent avoir un impact significatif sur l’offre et les concepteurs doivent calculer sur la base de quantités quelque peu imprévisibles. La préservation du climat est donc dans l’intérêt direct des acteurs de la filière. 

Les pulls Bompard sont dessinés en France et fabriqués localement en Mongolie Intérieure, là où les chèvres sont élevées dans un environnement climatique idéal, dans leur pays d’origine où le savoir-faire et la bien traitance animale sont ancestraux et inchangés, loin de l’élevage de masse. Pour assure cela, depuis 40 ans, la Maison est partenaire du réseau d’éleveurs et de l’usine dont l’activité économique indépendante s’est développée en même temps que celle de la marque. 

Bien que le Devoir de Vigilance engage désormais les marques à connaître l’ensemble de la chaîne de valeurs, peu s’y conforment actuellement et celles qui en ont une connaissance historique sont très rares. C’est un gage supplémentaire de responsabilité, facilité par le fait de proposer une gamme restreinte de produits. En réduisant le nombre des composants et des fournisseurs, on réduit également le nombre d’intermédiaires dans la filière textile ou la chaîne de production. 

Lire aussi : Notre article sur la face cachée de l’industrie du coton et du cachemire

Bompard travaille en étroite collaboration avec l’IFTH sur des enjeux de qualité et de durabilité des produits et est membre de the Aid by Trade Foundation (AbTF), une fondation en charge du label The Good Cashmere Standard®. 

Parmi les certifications obtenues et contrôlées chez les partenaires de Bompard : 

• Concernant l’éthique animale / environnementale / du travail : 
  • Le RWS (RESPONSIBLE WOOL STANDARD®) engage les fournisseurs à signer et respecter une charte sur la bien-traitance ainsi qu’un code de bonne conduite éthique et environnementale. 
  • THE GOOD CACHEMIRE STANDARD® (GCS), une certification soumise à audits indépendants, ayant pour objectif d’améliorer le bien-être des chèvres de Cachemire, les conditions de travail des fermiers et des employés des élevages ainsi que l’environnement dans lequel ils vivent. 
• Concernant l’innocuité des produits : les labels OEKO-TEX® Standard 100 et OEKO-TEX® MADE IN GREEN assurent l’absence de substances nocives ou irritantes pour la peau, telles que des colorants azoïques, de formaldéhyde, de cadmium, de nickel et de nombreux autres produits chimiques pour 94% des produits.

Le site Bompard

Transmission de savoir-faire et tricot low-déchet

Le tricotage est réalisé selon une méthode zéro-déchet. Il garantit l’utilisation de l’entièreté de la fibre animale et un assemblage sans excédent de matière. Les savoir-faire techniques sont transmis en héritage et gagent de l’exigence de la marque depuis 1985. La rigueur coûte cher mais rapporte son lot de bénéfices collatéraux, comme des coups de pub inattendus pour la marque, de la part des meilleur·e·s ambassadeur·ice·s (les client·e·s). En témoigne un extrait au buzz sans préavis du podcast « Les rois du scale », où l’invitée déclarait préférer investir dans un cachemire Bompard à plusieurs centaines d’euros à garder une vie que d’acheter plusieurs modèles chez un concurrent aux modèles bon marché médiocres.

Comment la marque Bompard consolide-t-elle sa stratégie RSE ?

Le bon sens qui pousse les équipes Bompard à faire du haut de gamme est nécessaire, mais néanmoins pas suffisant pour qualifier la marque d’”engagée”. À cet effet, plusieurs axes d’amélioration sont en cours et quelques suggestions s’envisagent.

Réduction d’empreinte carbone et rapport RSE

En parallèle des exigences galopantes de la réglementation concernant l’affichage environnemental des produits ou la destruction des invendus, les marques peuvent prendre les devants et agir sur leurs émissions GES et leurs externalités négatives, ce qui constitue à la fois un acte bénéfique pour l’environnement et un avantage concurrentiel, à l’heure où les consommateur·ice·s exigent des engagements. Bompard vise à pour objectif de certifier et tracer 100% des productions d’ici à 2025 et s’engage à publier la cartographie intégrale de sa chaîne d’approvisionnement. 

La marque a également initié une relocalisation de sa production en France avec une première collection sortie en 2023, développée avec une tricoteuse 3D assurant un vêtement sans couture et très confortable, ne requérant pas d’éléments de mercerie ou de fil additionnel. La marque est en cours de rédaction d’un rapport RSE public, prévu à la diffusion en décembre 2023.

Lire aussi : “Dire ce qu’on va faire et faire ce qu’on a dit” notre article sur le Devoir de Vigilance des entreprises

Le site Bompard

Prolonger la durée de vie des vêtements et promouvoir la circularité

Offrir à un vêtement de multiples vies est la meilleure manière de réduire son impact. La réparation est aujourd’hui en vogue, du fait du renouvellement d’agrément de la Responsabilité Élargie du Producteur (REP), de la mise en place du fonds réparation par l’Etat et de la multiplicité des acteurs tech qui proposent ce service en Saas (Software as a Service). Mais là encore, certaines marques cultivent discrètement le bon sens, sans en faire un argument marketing. Le savoir-faire du pull en cachemire est complexe, le remaillage requiert une expertise, de même que la manipulation du cachemire, imposant des contraintes de sourcing et des enjeux de formation de talents locaux. Bompard propose un service de réparation en boutique et en ligne où retouches, remaillage et reprises sont assurées. 

La marque s’associe à l’atelier de réinsertion professionnelle Les Résilientes x Emmaüs Alternatives pour permettre aux client·e·s de choisir également une option upcycling, au cas où le produit n’est plus utilisable ou mal aimé. Auquel cas, l’ancien produit sera échangé contre un bon d’achat. Les pulls collectés puis transformés donneront vie à « RE-CRÉATIONS », une collection d’objets proposée à la vente dans certaines boutiques Eric Bompard. De même, bien que l’entretien du cachemire soit plus simple en réalité que dans l’imaginaire collectif qui en fait un produit fragile, un service de pressing est aussi disponible pour assurer la “longue vie” du cachemire. 

Rendez-vous en boutique ou contactez le Service Longue Vie du Cachemire de Bompard

Quels axes d’amélioration pour Bompard ?

Parmi les questions en suspens : 

PRODUCTION 

• L’origine et le type des teintures utilisées, issues ou pas de la pétrochimie ; aller vers le no dye ou le plant dye
• L’inventaire et la gestion prévue des invendus ;
• L’implémentation de fibres recyclées dans les collections, certifiées GRS® ;
• La question de la nécessité de diversifier les produits et les matières, comme le denim, récemment apparu dans les collections ;

CIRCULARITÉ 

• La mise en place d’une offre de seconde main en ligne et en boutique
• Assurer la biodégradabilité du produit (hors condition industrielles)

MESURE D’IMPACT & TRAÇABILITÉ 

• La mise en place de l’affichage environnemental des produits, associée à une technologie fiable de traçabilité
• Le scope 1 : l’impact des équipes (bureaux, commerciales), des boutiques, et les dispositifs de packagings et d’installations en magasins (cintres etc)

Références

• Textilepedia
• “Soft Cashmere Is Hard on the Environment” by NRDC Clean By Design
• The Textile Exchange Preferred Fiber Materials Market Report
• Common Objective (CO) Fiber Briefing: Cashmere
• https://sustainablefibre.org/environment/
• “Is Cashmere Sustainable?” From The Nature Conservancy
• Video: “A Cashmere Story” by Pearly Jacob
• “Recycled Cashmere Is Guilt-Free and Just as Soft” By Megan Gustashaw, GQ
• Achieving Green and Inclusive Growth in Mongolia