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Vrai “made in France” ou French-washing ? Ne pas se faire avoir

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“Designé en France”, “Imaginé en France avec amour”… Les marques redoublent d’inventivité pour semer le trouble dans l’esprit des consommateur·ice·s, au profit de leur chiffre d’affaires et au détriment de nombre de valeurs. Manque à gagner économique et social, accumulation des kilomètres sur la chaîne de production, perte des savoir-faire et commerce déloyal : les conséquences des fausses allégations sont nombreuses et la responsabilité repose malheureusement sur les épaules des client·e·s, à leur insu. Si la réglementation change [1], la loi du portefeuille reste la plus efficace pour contrer le bullshit marketing et faire changer concrètement les pratiques des marques qui fraudent. Dans cet article, on vous donne les clefs pour reconnaître le vrai du faux made in France, illustré par une marque exemplaire de body made in Troyes en Champagne, Flair.

Reconnaître en un coup d’oeil les tournures marketing mensongères 

Le French washing est le pendant géographique des abus marketing (green, pink, feminism washing). Il fait référence aux allégations mensongères de marques qui assurent vendre des produits garantis “100% made in France”,  tandis que bien souvent, seule une infime partie de la chaîne de production s’y trouve effectivement. 

Tout d’abord, est-il possible de réaliser un vêtement intégralement en France et si oui, comment ? 

Pour comprendre les enjeux de la fabrication française, il faut décomposer le produit fini en étapes de production : un vêtement est composé d’une ou plusieurs matières premières, d’origine naturelle (comme du coton), artificielle (c’est-à-dire naturelle transformée chimiquement comme le lyocell) ou synthétique (c’est-à-dire issue de la pétrochimie). Ces matières sont rarement cultivées en France, à de rares exceptions près comme le coton recyclé issu de vêtements collectés et transformés à nouveau en fil sur le territoire, ou le lin qui pousse en Normandie

Une fois créée, la matière est filée, +/- teintée, tissée ou tricotée en un textile qui peut lui même subir des finitions ou apprêts lui conférant des qualités esthétiques ou techniques (comme l’imperméabilisation par exemple). Elle est ensuite découpée selon un patron, puis assemblée, en un vêtement qui sera empaqueté et livré à une marque, un stock, une plateforme logistique… Aux matières, on ajoute des éléments de mercerie (boutons, zips etc), des étiquettes (taille, composition, marque). 

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Il est rarissime que toutes ces étapes soient réalisées sur un seul territoire. Bien souvent, les marques jouent sur la confusion des termes, tels que “Designé en France” ou “Imaginé à Paris” pour vendre via des biais, affectif et cognitif, un produit en réalité fabriqué dans 90% des cas [5] en Chine. Ces deux formules sont particulièrement trompeuses. Autre cas de figure, une marque peut libeller un produit “Made in France” tandis qu’il est constitué d’une matière cultivée en Chine, tissée ou tricotée en France, assemblée en Pologne, avant d’être vendue internationalement… 

Le site Flair, body made in France

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Que dit la loi au sujet du “made in France” ?

Le problème majeur réside dans la confusion des termes et l’absence de régulation stricte les concernant : le label made in France n’existe pas. De même, le pourcentage ou le nombre d’étapes minimales à réaliser en France pour avoir la possibilité d’apposer une étiquette “Made in France n’est pas précisément défini. 

La douane (DGDDI pour Direction Générale des Douanes et Droits Indirects) est chargée, à l’importation, de protéger le marquage de l’origine française sur les produits et contrôle la conformité du marquage « Made in France » et « fabriqué en France ».

Un produit est considéré Made in France, s’il répond aux critères suivants :

– Une transformation substantielle qui aboutit à un nouveau produit (par exemple l’importation de tissu, qui subit une transformation spécifique pour devenir une chemise, confectionnée dans un atelier équipée à cet effet) [3]
– Un pourcentage minimal de son prix de revient unitaire acquis en France, c’est-à-dire économiquement avantageux pour le territoire.

De fait, le seul fait de coudre une étiquette en France sur un produit réalisé quasi intégralement en Chine, autorise la marque à employer de cette formule, précisément sur cette même étiquette… 

Par ailleurs, à contrario des denrées alimentaires, les fabricants de biens non consommables n’ont pas l’obligation d’indiquer l’origine de leurs produits.

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Comment savoir alors, si un produit est réellement fabriqué en France, du moins la majorité de ses étapes de fabrication ? 

Il y a plusieurs astuces pour connaître la provenance d’un produit. Comme toujours dans la mode responsable, l’étape d’information est cruciale et on ne peut malheureusement pas se reposer sur la bonne foi d’une simple mention “made in France” d’une marque

Le made in France peut être repéré grâce à trois critères :

– Le savoir-faire exceptionnel d’une entreprise (artisanale ou industrielle) ;
Les caractéristiques spécifiques d’un terroir ayant une histoire et une expertise dans une discipline (comme par exemple le tricot à Troyes, où Flair fabrique ses bodys ;
– L’impact favorable pour l’économie, c’est-à-dire que l’argent que vous allez dépenser irrigue directement une marque établie en France, qui y paie non seulement la majorité de ses employés ou partenaires, mais aussi ses impôts. 

Le site Flair, body made in France

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3 logos à retenir dans le made in France dans la mode

Il existe des labels qui certifient l’origine de fabrication française. Ils imposent des cahiers des charges stricts.

Le label Origine France Garantie (OFG)

Cette appellation est défendue par l’association de professionnels Pro France, créée en juin 2010, valorise les produits de fabrication française et les entreprises qui les produisent. Les marques certifiées par ce label sont soumises à un cahier des charges ayant fait l’objet d’une concertation avec des centaines d’acteurs économiques. Le label a été approuvé par l’Assemblée nationale en mai 2011. Pour qu’un produit soit certifié Origine France Garantie, il doit respecter ces 2 critères :

– Le lieu où le produit prend ses caractéristiques essentielles est situé en France
50% au moins des coûts de fabrication d’un produit (matières premières, main-d’œuvre, charges d’exploitation…) proviennent de France.

Le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV)

Le label Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) est une marque de reconnaissance de l’État, mise en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence. Le label est renouvelé tous les cinq ans.

Le label Terre Textile

Le label Terre Textile a été créé en 2008, par la Fédération France Terre Textile, qui s’attache à refléter le savoir-faire textile propre à chaque région. Il se décline en 5 sous-labels : Vosges, Alsace, Nord, Troyes – Champagne et Auvergne Rhône-Alpes. Les audits sont menés par deux organismes indépendants : l’Institut Français du Textile et de l’Habillement et le CETELOR – Centre d’Essais Textile Lorrain.

Le site Flair, body made in France

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Prenons l’exemple d’un vêtement vraiment fabriqué en France, un body Flair 

Une marque ne peut se prononcer que sur ce qu’elle connaît

Flair est une marque de body et de prêt-à-porter féminin qui peut revendiquer légitimement une fabrication française. La marque est transparente sur ce qu’elle maîtrise ou non dans l’ensemble de sa chaîne de valeur : par exemple, au sujet de l’origine des fils qui ne proviennent pas de France. Afin d’en minimiser l’empreinte environnementale et sociale, les fils une fois reçus sont teints et tricotés en France, notamment leur velours de coton.

A partir de l’étape de filature, la traçabilité est intégrale : Flair connaît directement toute personne ou entreprise qui travaille le body et les mailles qui le constituent. Celui-ci est tricoté, teint et assemblé à Troyes, considéré Made in Troyes avant d’être Made in France ! Les ateliers et fournisseurs partenaires sont tous visités une dizaine de fois par an par l’équipe Flair, Troyes se situant à 160 km seulement de la capitale où la marque a ses bureaux. Là encore, cette information est cruciale, car il existe malheureusement, comme en Angleterre ou aux Etats-Unis, des ateliers clandestins ou dont les conditions de travail sont illégales en termes de paiement, d’horaires ou encore de sécurité sur le site, et ce au cœur-même de Paris et en proche banlieue. Ainsi, la proximité d’une marque avec ces fournisseurs est essentielle, au-delà d’un “Made in” déshumanisé. 

Tout est ensuite, toujours, réalisé à Troyes : la confection, les étiquettes marque, taille et celles de composition, les hang tag (étiquettes détachables attestant du caractère neuf du produit), la logistique. L’histoire de Flair est celle d’une grande famille de partenaires, tous situés dans un rayon de 10km dans l’agglomération troyenne, jusqu’aux clientes situées majoritairement en France et à Paris, fier·e·s de porter les valeurs et les couleurs tricolores. 

Le site Flair, body made in France

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Patrimoine, savoir-faire, intérêt économique et social : les valeurs concrètes portées par le vrai made in France sont aussi défendues par la marque

Le Made in France est une course de fond, un engagement dans le temps long entre toutes les parties prenantes d’une industrie. C’est pour cela que, après la délocalisation massive des années 80/90 vers l’Asie, il est si coûteux et complexe de relancer la machine industrielle hexagonale. Sans un minimum de volumes de commandes, les coûts humains et des parcs techniques (machines, entretien etc) ne sont pas rentabilisés. De même, sans un·e client·e final·e (vous ?) prêt à jouer le jeu d’un coût d’achat élevé pour un produit fabriqué localement, impossible de maintenir une activité à long terme. 

De fait, il n’est pas possible de s’engager dans le Made in France à la légère. Chez Flair, la volonté de faire du Made in France n’est pas opportuniste et n’a pas changé depuis 5 ans, en dépit des difficultés économiques actuelles et des surcoûts énergétiques [4]. Clémence, la fondatrice, a cette volonté chevillée au corps depuis le début de la marque. Originaire du bassin troyen, sa conviction pour le Made in France est plurifactorielle dont sentimentale, une partie de sa famille ayant été dans le textile. Cela se ressent dans la communication de la marque, honnête et engagée.   

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Les valeurs défendues par Flair sont nombreuses

– Écologique : du fait d’un mix énergétique peu carboné, tous les partenaires de Flair se trouvant dans un rayon de 10km à Troyes, les produits fabriqués en France sont bien moins impactants. Un kilo de textile importé générerait aujourd’hui 54 kilos d’équivalent CO2, soit deux fois plus que s’il était produit intégralement en France (27,7 kilos d’équivalent CO2). La production textile française est donc deux fois moins impactante pour le climat que la production importée. L’empreinte carbone pourrait être également réduite d’un quart grâce à la baisse des invendus et à une production juste à temps. [Etude Cycleco pour l’UIT, « Empreinte carbone du textile en France » 2022.]
Patrimoniale : tout comme chez Petit Bateau, entreprise familiale française, née en 1893 à Troyes, les métiers techniques du textile existent à Troyes depuis plusieurs siècles et transmettent leur savoir-faire en interne, de génération en génération. Flair travaille d’ailleurs avec un atelier fondé en 1876, partagé avec des grandes Maisons de luxe. Maintenir une activité, c’est préserver ce patrimoine historique. La région est passée de 30 à 4 ateliers en  quelques décennies, faute d’activité…
– Socio-économique : chaque point de relocalisation gagné, soit 1% de consommation de textile réorientée au profit de textile produit en France, pourrait générer 5 500 tonnes de production supplémentaire en France, créer plus de 4 000 emplois et économiser 140 000 tonnes d’équivalent CO2. [Etude Cycleco pour l’UIT, « Empreinte carbone du textile en France » 2022]. Par ailleurs, d’après une étude réalisée par OpinionWay en février 2022 auprès de 1.016 personnes âgées de 18 ans et plus, 58% des consommateur·ice·s déclarent que le Made in France représenterait un critère prioritaire de leurs actes d’achats. Le renouveau du potentiel de ce marché semble évident, en particulier à l’heure d’une crise économique et énergétique mondiale où la proximité et la solidarité sont clés.
– Culturelle : la France est internationalement renommée comme LE pays de la mode, cependant pouvons-nous prétendre mériter ce titre en exportant des croquis dont la réalisation est exécutée au bout du monde …? Flair s’engage à défendre et faire croître cette richesse culturelle, textile et à perpétuer ces savoir-faire et cette terre textile.  

Le site Flair, body made in France

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En résumé 

L’équation est simple : nous devons réduire par 3 la quantité de biens de consommation courante, qui se doivent aussi d’être plus qualitatifs et durables. Investir dans un produit de qualité, bien fait, traçable et le plus localement possible est le meilleur atout pour une valorisation maximale de notre patrimoine commun : environnemental, culturel et économique. 

Les marques vraiment Made in France doivent être en capacité d’ouvrir les portes de leurs ateliers partenaires, de déployer les certificats ou les factures des fournisseurs et des partenaires de confection sans se faire prier ni sourciller, sans – à l’inverse – user partout de ces arguments comme faire-valoir marketing. Le “bien faire” doit être vérifiable facilement, compréhensible par toutes et tous, à l’heure où les lois nous demandent encore de lire entre leurs lignes et ne punissent pas suffisamment les termes abusifs. 

La responsabilité est partagée entre les mains citoyennes et la conscience des acteurs de la mode en France, qui souhaitent défendre avec justesse la richesse que nous avons (encore) au bout des doigts. 

Le site Flair, body made in France

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Références

[1] Loi AGEC

[2] https://fashionunited.fr/actualite/business/le-made-in-france-permet-de-reduire-l-empreinte-carbone/2021020225828 

[3] https://fr.fashionnetwork.com/news/-french-washing-comment-le-reperer-et-ne-pas-tomber-dans-le-piege-,1471551.html#fashion-week-paris-men-ungaro 

[4] https://www.liberation.fr/economie/social/autour-de-troyes-lexplosion-des-prix-de-lenergie-donne-du-fil-a-retordre-a-lindustrie-textile-20221213_MOFRS3NB3NCSLGFAU4ULCJIDQI/ 

[5] https://www.economie.gouv.fr/particuliers/produit-made-in-france 

[6] https://www.marques-de-france.fr/comment-reconnaitre-un-produit-made-in-france/ 

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