Le vrai coût de la fabrication en France
Depuis quelques décennies, entre les promos permanentes et le luxe industriel vendu à prix exorbitants, il est impossible de connaître la valeur d’un vêtement. Pour le client final, le prix affiché est totalement décorrélé du coût réel et de la qualité. Par manque de culture textile et vestimentaire générale, on s’habitue à la guerre des prix, à la course aux produits pratiquées par les marques et on a tendance à trouver la mode éthique très chère, particulièrement quand elle est fabriquée en France. Il nous faut réapprendre à raisonner. Pour vous aider à aborder cet article fort détaillé (et on l’espère, instructif !), on vous propose de simuler l’achat d’un produit courant : un sous-vêtement. Vous êtes devant un boxer, le Marius, proposé par Le Slip Français à 40€. Dans un autre onglet, une marque de fast-fashion le vend à 8,99€. Vous trouvez que l’une des deux marques se moque de vous ? Vous avez raison, mais laquelle ?… Voici comment est calculé le prix juste d’un vêtement made in France et des clefs pour comprendre la valeur réelle d’un produit durable.
Comment est fixé le prix juste d’un vêtement ?
Des coûts différents entre marques éthiques et marques conventionnelles
Le coût final, d’un vêtement est la somme de tous les coûts liés à sa fabrication : coût de revient + de production + marketing etc.
Le coût de revient, c’est le prix d’un vêtement fini payé par une marque, lorsqu’il sort d’une usine. Aujourd’hui, dans la grande majorité des cas, les marques ne possèdent pas leurs usines et une usine travaille avec plusieurs marques.
Le coût de production est le prix global d’un vêtement pour une marque, du croquis initial à l’étape de la vente. Toutes les étapes de production sont identiques entre les marques (choix des matières, confection, marketing, emballages etc). Cependant chaque étape présente des variables qualitatives et quantitatives qui engagent plus ou moins la marque et son éthique. Sans surprise, l’engagement a un (sur)coût :
- Le choix des matières premières conditionne la qualité, la durabilité, l’impact l’environnement, la traçabilité, la présence d’une certification…
- Le choix du lieu de confection, préférentiellement local, en circuits courts, assure un moindre impact environnemental, la pérennité des savoir-faire, la transmission d’une expertise…
- Le nombre de prototypes et de tests de qualité en quête d’un produit parfait… etc.
En fonction des choix qu’elle fait, une marque peut ainsi “écraser” les coûts de production d’un facteur 1 à un facteur 20.
A ceci s’ajoutent :
Le coût marketing : ce que la marque dépense en publicité (affichage physique ou sur le web, Google Ads, influence/égérie, médias). Ce coût varie de 0% à jusqu’à 20-30% du Chiffre d’Affaire annuel (ce qui est littéralement monstrueux, NDLR). Comme toutes les bonnes choses dans la vie, il faut une balance, de la modération, un entre-deux qu’on aime bien situer autour de 2 à 3% chez les marques éthiques. +30% dans le marketing, c’est ça de moins dans le coût de production donc la qualité du produit fini, ou ça de plus dans le prix final… Dans les deux cas, la client·e est perdant·e.
Le coût de distribution : ou de méthode de vente d’un produit. Elle peut être directe (en ligne ou en physique, par exemple sur un marché de créateurs), ou indirecte (via une market place, un réseau de boutiques, des grands magasins).
Les coûts de structure, si la marque a une boutique : loyers, bureaux, fournisseur d’énergie.
Le boxer Marius – Le Slip Français
Alors, comment on fixe le prix ?
Le coefficient de marge brute correspond au nombre par lequel la marque multiplie le coût final pour arriver au prix de vente. On dit d’une marque qu’elle “marge à x“. En moyenne 3, jusqu’à 30 ou 40 voire plus dans les prêt-à-porter de luxe, comme chez Zadig & Voltaire épinglé dans une émission il y a quelques années. Vous l’avez bien lu, la marque met alors 30 fois dans sa poche le coût final du vêtement, ce qui signifie que la qualité du vêtement acheté est 30 fois inférieure à celle correspondant à la somme que vous dépensez…
C’est aussi ce qui permet à ces marques d’effectuer des ventes privées et des soldes à -70 ou -90% tout en restant rentables, et en vous persuadant éhontément que vous faites une bonne affaire.
Les coût et les prix peuvent être soumis à des biais
Le prix juste
Le prix juste reflète le coût réel de production du vêtement dans une dimension éthique et responsable, socialement et environnementalement. Pourtant il est possible que ce prix là vous choque : pourquoi payer un boxer 40€ quand on peut l’avoir à 8,99€ ? La réponse dépend de plusieurs paramètres :
- Choisir un produit de qualité assure sa durabilité, on amortit son coût avec les années. C’est la différence entre coût d’achat et coût d’usage, on y revient juste en dessous ;
- Parce que cet achat contribue à irriguer l’économie de son pays. Les entreprises françaises qui paient leurs impôts en France (donc nos services publics) ;
- Parce que le savoir-faire textile français est extraordinaire et fait partie de notre patrimoine. Si on ne l’exerce pas, on le perd. C’est ce qui s’est passé, entre autres, avec les filatures de lin ;
- Parce que le prix juste reflète le coût réel de production du vêtement, celui qui assure un salaire décent aux ouvrier·es, couvre les coûts de production et de fonctionnement de l’entreprise et lui permet de dégager une marge suffisante pour investir dans la relocalisation de la filière textile française, comme par exemple dans le projet Mon Coton ;
- Parce que la première personne que vous respectez en achetant de la qualité, c’est vous.
Le prix perçu ou prix psychologique
Voilà un sacré tour de passe-passe à l’origine de notre système détraqué. Le prix perçu est lié à l’image de marque : celle que l’on s’en fait. Dépenser 295€ pour une chemise Amazon Fashion ne vous viendrait pas à l’idée ? Pourtant vous l’envisagez peut-être chez The Kooples. Or la qualité et le coût final diffèrent peu… Le prix perçu ou prix psychologique est totalement décorrélé du coût réel de fabrication.
La première marque se positionne en acteur de la fast-fashion, elle vend à prix cassés des pièces en très grandes quantités. La seconde cultive une image de “faux-luxe” à l’aide de stratégies marketing qui font croire à un produit d’exception, le prix fait partie intégrante de cette stratégie. Là encore, des ventes privées ou une braderie à -70% n’auront pas d’impact sur les bénéfices de la marque qui pratique des marges exorbitantes.
Le prix d’acceptabilité
Le prix d’acceptabilité est le prix que la marque considère “acceptable” par les client·es. Il détermine aussi la marge. Si l’on en revient à notre boxer, proposer un prix final de 90€ serait inacceptable comparativement au prix moyen des sous-vêtements sur le marché et non justifié par le coût final… A l’inverse, une marque de luxe industriel comme Balenciaga sait que l’acceptabilité du prix d’une paire de sneakers peut aller facilement à plus de 1000€. Là encore, les client·es peuvent décider de soutenir une marque éthique qui ne tient pas compte de l’acceptabilité mais seulement du prix juste, ou bien d’”accepter” un prix complètement décorrélé.
Le prix d’achat vs le prix d’usage
Toujours devant notre boxer et même si les maths et vous font 42, faisons un rapide calcul : un achat à 40€ dont la qualité garantit un usage sur 5 ans revient moins cher que d’acheter un boxer à 8,99€ par an. CQFD. Quand on sait que chaque vêtement produit pollue, c’est rentable et pour vous et pour l’environnement ! C’est la différence entre le coût d’achat qui paraît piquer à la caisse et le coût d’usage qui nous permet de réaliser que cet investissement sera amorti dans le temps. On vous avait dit que c’était facile !
Alors Marius, on met le paquet mais qu’est-ce qu’on paie ?
29 ateliers partenaires en France
Pour Le Slip Français, “Fabriqué en France” signifie à moins de 250 km de chez vous, grâce à 29 ateliers partenaires à travers l’hexagone. Teinture, tissage, tricotage, découpe, confection et distribution : toutes les étapes de fabrication sont assurées en France.
8 partenaires sont labellisés EPV pour Entreprise du Patrimoine Vivant, un label qui distingue des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence.
Pour le soutien apporté à l’industrie textile française depuis 9 ans et sa contribution au développement de l’activité économique du territoire, Le Slip Français a obtenu le statut d’Entreprise à Mission en juillet 2020.

Une marge raisonnée pour un prix juste
Pour un Marius comme pour l’ensemble des produits proposés, la marge se situe entre x 3 et x 4 chez Le Slip. C’est ce qui permet à chaque acteur·ice de la chaîne d’être justement rétribué·e et à la marque d’économiser pour investir et s’améliorer. Par exemple, les investissements réalisés ces dernières années portent sur l’usage de matières écologiques telles que le lin, le tencel ou la laine française et le développement d’une filière de recyclage du coton.
Les calculs sont les bons, Marius !

Voilà le prix juste et transparent d’un Marius proposé à 40€.
Bravo si vous êtes arrivé·es jusqu’ici ! Qu’il s’agisse de votre intimité, de la planète ou de l’économie de notre pays, on est convaincu que Marius respecte toutes les parties.
Références
- CEPII
- Multinationals and Anti-Sweatshop Activism, American Economic Review, 100(1) : 247-273.
- Netexplorer
- Les Echos
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