BALSA est une maison de maroquinerie colombienne de tradition. L’atelier colombien familial travaille un cuir local, tanné sans chrome et des peaux issues de filières d’élevages respectueuses de l’animal. Dans cet article, Victoire questionne la mémoire de sa famille et son rapport au cuir, à travers un objet durable par essence : une sacoche en cuir de plus de 40 ans.
Une brève histoire de ma famille
J’ai appris à voyager avec ma grand-mère paternelle. C’est avec elle que j’ai mes premiers souvenirs de grands trajets en train couchette, que j’ai foulé les pavés londoniens à 7 ans, crapahuté dans les Cinque Terre et traqué les druides jurassiens. Les premiers albums de voyage que j’ai épluché sont les siens : Népal, Birmanie, Norvège, Patagonie. J’ai été biberonnée aux bivouacs et habituée au minimalisme du backpacker. Bien que j’adapte aujourd’hui mes trajets, cette fièvre ne m’a plus quittée.
Est-ce l’observation de l’environnement qui a contribué à mon éveil écologique ?
Est-ce la proximité des façonniers du bout du monde qui a nourrit mon respect pour l’artisanat ?
Ma grand-mère fascinante et adorée n’est plus là pour en parler, mais elle m’a laissé quelques objets en héritage. Un jour enfant, alors que j’avais besoin d’un bagage de la taille d’un cartable, elle a sorti une sacoche en cuir couleur chocolat, élimée, vieillie par les années et les kilomètres de bourlingue. À l’extérieur, un vieil autocollant corné et jaunie indiquait dans une police désuète : Hôtel de l’Anapurna, Khatmandu. J’avais grimacé devant cette relique défraîchie avant d’en arracher le sticker comme un vulgaire cheveu blanc, provoquant chez elle un « Non ! » aussi désespéré que résigné devant mon acte irréversible. L’Anapurna, c’est l’endroit où elle se trouvait en 1984. Ce sac, elle l’avait acheté pour transporter son matériel photo, des papiers et quelques souvenirs glanés en redescendant de l’ascension de sa vie, après plusieurs jours de grimpe et nuits en campements d’étapes. Un cuir épais, un rien rugueux, des coutures serrées et des finitions prêtes à toutes les conditions climatiques des sommets hostiles. 15 ans après, il avait sa mémoire dans la peau. Plus sensé, riche et écolo que tout ce que ses homologues en polyester griffés d’une marque en virgule pourraient jamais égaler. Les mêmes sur lesquels je jetais mon dévolu à l’époque, pourtant.
14 ans qu’elle n’est plus là et que je voyage en son nom. J’ai appris des objets qui traversent le temps qu’ils portent l’âme de ceux qui le font et la mémoire de ceux qui les possèdent, avant qu’ils ne nous soient transmis pour le meilleur du souvenir et des expériences à venir. C’est pour cette raison là je crois, que j’ai fait du durable mon cheval de bataille. Parce que l’intensité se dilue dans l’instantanéité, et que diluer notre existence déjà si courte, c’est se condamner à l’infinitésimal.
Porte-document Sencillo Cognac – 195€
Qu’est-ce qui fait sens pour moi ?
Quand la marque Balsa a toqué chez The Good Goods, j’ai d’abord tiqué. Du cuir, que faire ? Où en suis-je de mes quêtes insolubles :
Qui du cuir ou polyuréthane est le plus délétère pour l’environnement ?
Qui des textiles vegan en matières naturelles sont les plus durables (> à 2 ans) ?
Je n’arrivais pas à me décider, jusqu’à ce que cette anecdote me revienne en mémoire. Si les heures passées à éplucher la littérature scientifique ne m’ont pas permis de choisir définitivement un camp, c’est probablement à cause de la sacoche du Népal.
Balsa fabrique des sacs en cuir
Balsa est une marque colombienne familiale, dont l’histoire commence… En 1984. L’atelier a été fondé en 1984 par Edwin Agudelo. L’activité était et est restée la confection d’articles de maroquinerie pour différentes marques, Bogota, en Colombie. Les produits de grande qualité sont rapidement connus dans son pays, puis au Mexique et aux États-Unis. En 2015, né BALSA, la marque en nom propre de l’atelier. Les valeurs de la marque sont restées les mêmes depuis, comme l’ensemble de la chaine de production qui est gérée par la Maison.
Duffle Bag – 310€
La Matière Première
La peau est issue de filières d’élevage respectueux d’animaux en liberté dans les grandes plaines et des champs, à des fins alimentaires. Il s’agit d’un sous-produit de cette industrie. Les sacs portent ainsi les marques naturelles de la vie de l’animal, de l’empreinte des piqûres de moustiques à celle des griffures de plantes. Tout comme le bois, la matière première à la mémoire de ses imperfections et de ce que le temps apporte à un matériau vivant.
Les peaux sont acheminées brutes au sein de l’entreprise qui réalise elle même l’ensemble des étapes de fabrication :
- Le traitement, sans aniline, sans chimiques, ce qui explique certaines aspérités qui font la signature unique de chaque produit (et que la détersion chimique détruit),
- Le tannage, naturel
- Le séchage, à même le jardin des tanneries
- La découpe manuelle, avec des outils traditionnels
- L’assemblage / couture également à la main
L’ensemble des eaux d’usage sont traitées et nettoyées avant d’être rendues à Mère Nature.
L’Atelier de Production
Il est composée à 70% de femmes, dont 65% sont mères célibataires. Ces maroquinier•es travaillent dans des conditions favorables : ils et elles sont bien rémunérées, bénéficient d’une protection sociale, de primes semestrielles et de la possibilité de travailler à domicile lorsque c’est plus confortable.
Classique with a twist.
Les Produits
Pas de superflu nécessaire. La simplicité est un parti pris, de même que des collections qui sont fixes, en dehors des cycles de mode, faites de basiques élégants et fonctionnels. Des multipoches et des rangements pensés comme des compagnons de travail ou de voyage. De même, la gamme de trois coloris – café, cognac et noir – est un choix qui s’inscrit dans une volonté de produire moins et des pièces dont on se lassera moins.
Chaque peau à un vécu, chaque sac attend son dépositaire. Celui qui l’amènera aux confins du monde, y posera des stickers, avant de le léguer à un enfant maladroit qui n’aura d’yeux que pour un homologue à virgule avant de le rencontrer et de perpétuer sa mémoire.
En espagnol, le mot Balsa désigne un radeau dans lequel les indigènes conservaient leurs trésors. À vous d’y ranger vos histoires.
Le site Balsa
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Trousse de toilette