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Comment réduire sa pollution numérique en tant que citoyen·ne ?

Sans retourner à l'âge d'Hatari

Certains déchets sont aussi invisibles à l’œil nu que massifs dans notre environnement. S’il est aisé de comprendre que les prospectus polluent, que le tri sélectif devrait être réflexe et le vrac une bonne alternative au plastique à usage unique, une menace insoupçonnée plane : la pollution numérique. Ecrire un article web sur le sujet, c’est effectivement paradoxal, mais on n’en est plus à une dissonance près n’est-ce-pas ? La problématique spécifique de ce type de pollution, c’est qu’elle est abstraite, impalpable. Il est facile de s’insurger contre les banques qui persistent à nous envoyer des relevés postaux en 2021, bien plus complexe de se représenter un danger que l’on ne peut voir. Lorsqu’on apprend que les boîtes emails de 100 salarié·es émettent en un an autant de C02 que 13 allers-retours Paris à New York1, il est intéressant de remettre en question le bien-fondé de la dématérialisation à tout va. Les yeux rivés sur la corbeille de papier pleine, on a occulté sa version virtuelle. Dans cet article, on reprend les bases : pourquoi le numérique pollue ? Et comment réduire significativement son impact en tant que citoyen·ne ?

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Pourquoi le numérique pollue ?

La pollution peut-être schématiquement décomposée en 4 étapes.

1) La fabrication des appareils électroniques

L’impact environnemental de notre portable ne débute pas lorsqu’on l’allume pour la première fois, mais bien dès les premières minutes de sa conception. La production d’un smartphone, tablette, ordinateur ou box Alexa nécessite l’extraction de métaux rares qui épuise des ressources non renouvelables. L’utilisation d’or, de cristaux et diamants demande une quantité massive d’eau et de produits chimiques, la plupart du temps dans des zones pauvres sujettes à conflits géopolitiques et où l’encadrement écologique est inexistant. On a connu des cocktails plus réjouissants en somme.

Les chiffres étant toujours plus parlant que les images mojitonniennes, pour fabriquer un ordinateur de 2kg, il faudra 800kg2 de matières premières. La liste des ingrédients étant transmise, vous voilà fins prêt·es à utiliser vos précieux objets connectés.

2) Les réseaux 

La joyeuse bardée de tuyaux, pipelines, tunnels créés pour faire passer câbles sous-marins qui alimentent nos routers…

3) L’usage des appareils électroniques et les data centers

Après le temps de la création vient celui de l’usage et de son ami le réseau internet qui n’est pas si immatériel qu’il y paraît : entre le transfert d’une donnée (mail, requête web…) qui effectue en moyenne 15 000 km3 entre les serveurs, le stockage tant dans les immenses data centers énergivores que dans nos propres ordinateurs, l’addition est salée. A chaque battement de papillon sa tornade, à chaque recherche Google ses 10g de CO2.
Quelques données chocs. Chaque seconde dans le monde (2019 Shift Project), on génère :

  • 3 millions de recherches sur Google
  • 50k photos postées sur Instagram
  • 700k chansons streamées sur Spotify
  • 4M vidéos visionnées sur YouTube 

Chaque heure sont envoyés 12 milliards d’emails, soient la production électrique de 18 centrales nucléaires pendant une heure. 80% d’entre eux ne seront jamais ouverts.

La pollution numérique est estimée responsable de 4% des émissions G.E.S dans le monde, ce qui est supérieur au transport aérien. Si nos factures d’électricité augmentent par la multitude d’appareils constamment alimentés, la planète aussi vide le fond de ses poches au moment de régler. L’entrée fracassante du streaming dans nos vies, Youtube, Netflix et consorts, ont libéré nos plus beaux déhanchés sur du Beyoncé, mais aussi 300 millions de tonnes de CO2 par an, soit la pollution de l’Espagne4.
Mais alors, la solution résiderait dans la séparation avec l’objet ? Malheureusement, la fin de l’usage n’est pas synonyme de la fin de son impact.

4) La fin de vie destruction des objets connectés 

Toute bonne montre connectée a une fin, et celle-ci est savamment orchestrée. L’obsolescence programmée, aka le joli nom qui désigne les techniques utilisées pour définir une durée de vie précise et inciter au rachat, est une réalité. En 2019, ce sont 53,6 millions de tonnes de déchets électroniques qui ont été recensés (aka beaucoup de baleines), et seulement 17,4%5 d’entre eux ont été recyclés dans les règles de l’art. En effet, les appareils contiennent des composés dangereux qui se répandent et contaminent les sols et nappes phréatiques. Comme on peut s’en douter, ceci a de larges conséquences sur la biodiversité, donc plus largement sur le Vivant. La surconsommation popularisée par la publicité prend de l’ampleur et inquiète pour le futur : plus on est nombreux·ses à adopter le dernier téléphone hype alors que le précédent est toujours fonctionnel, plus la montagne d’ordure grossit. Il suffit de prendre connaissance du classement des pays enregistrant le plus de déchets numériques pour réaliser que les champions sont occidentaux, obnubilés par la nouveauté.

On vous rejoint : tout cela est loin d’être réjouissant. Cependant on ne vous a pas habitué·es à vous laisser sans plan. Il existe des gestes et autres bonnes habitudes à adopter au quotidien pour alléger son impact numérique individuel, en parallèle d’actions de grandes entreprises indispensables pour un changement réellement visible. Suivez le guide !

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Les habitudes à prendre pour limiter son impact numérique 

Déconsommer

  • Repenser l’achat : BackMarket est une plateforme de vente reconditionnée où des particuliers font don de leurs appareils électroniques remis à neuf avant d’être disponible à la vente. En plus du large choix, tant au niveau des marques que des produits, ces derniers sont garantis plusieurs mois, de quoi se rassurer sur la longévité de l’acquisition. Par ce biais on évite la construction à zéro d’un nouvel objet et donc les inconvénients liés à cela ;
  • Prendre soin de ses appareils : à l’ère où le jetable a pris une place très importante dans nos quotidiens, la réparation semble désuète. Pourtant, la vie de nos appareils est très souvent prolongeable si l’on a de bonnes connaissances en la matière, ou une bonne aide. Outre les professionnels, il existe aussi des associations comme les repair café où des bénévoles peuvent venir sauver votre cher et tendre cellulaire ; 
  • Accepter de ne pas suivre la cadence : chaque année, les nouveautés pleuvent, accompagnées de leurs gadgets et nouvelles fonctionnalités attrayantes. Usons jusqu’à la moelle nos appareils, car comme la mode n’est qu’un éternel renouveau, votre portable actuel sera sûrement in d’ici quelques années. Tout vient à point à qui sait attendre, vous connaissez la chanson ;
  • Limiter sa consommation générale : Alors oui, presque facile à dire, très complexe à faire. Pourtant, au-delà des effets bénéfiques d’un point de vue écologique, c’est aussi au niveau de l’optimisation de son temps et de son bien-être mental que tu pourras voir une différence. A titre personnel, je fais depuis 1 an un défi que j’ai nommé #lundivraievie pour me couper des réseaux sociaux et autres plateformes de visionnage pendant 24h. D’expérience, je peux désormais vous dire qu’on ne loupe jamais une story qui manquera à notre vie ;. 
  • Limiter sa consommation de streaming et préférer télécharger plutôt que regarder en instantanée. Oui, ce conseil est osé en ces temps de séries à tire larigot, mais le retour au DVD a comme un goût de plaisir régressif sous-coté (et de moins d’émissions carboniques, accessoirement) ;. 
  • Utiliser le WI-FI plutôt que la 4 (5 ?) G si possible : en effet, la 4G consomme 23x plus d’énergie et donc de gaz à effet de serre. Donc on évite de regarder un film de 2h30 dans le TGV en full data mobiles et on essaye – dans la mesure du possible – de profiter au maximum du WI-FI lors de nos déplacements. Aussi, on déconnecte la géolocalisation quand elle n’est pas nécessaire. Une fois n’est pas coutume, on s’aventure même à demander son chemin à un autre être humain. Tinder de la vraie vie, le chopage 3.0 est de retour dans la vie réelle ; 
  • Baisser la résolution : Plus la définition est diminuée, plus l’impact environnemental l’est. Difficile de se passer de la HD lorsque notre œil s’y est habitué, mais en baissant au fur et à mesure je promets que le regard finit par se faire aux pixels plus légers.   

Les gestes à adopter lors de sa navigation 

  • Utiliser un moteur de recherche solidaire comme Ecosia qui reverse 80% de ses bénéfices à des programmes de reforestation ou encore Lilo où qui propose de financer des projets solidaires choisis par les internautes ;
  • Mettre  sites / applications utilisées quotidiennement, comme la boîte email, en favoris : au-delà du gain de temps qui t’évite de taper chaque jour la même demande, cela permet d’économiser une étape énergétique pour y accéder ; 
  • Ne pas ouvrir trop d’onglets en simultané : logiquement, plus on traite d’informations dans un même temps, plus la consommation croît. Dans la mesure du possible, il s’agirait de réduire ses fenêtres ouvertes pour ne s’attarder que sur une action à la fois (et c’est également un bon point pour le temps de cerveau disponible) ; .
  • Trier ses mails : nous sommes nombreux·ses à ne pas ouvrir une grande majorité de nos mails, enseveli·e·s· sous une montagne de newsletters et autres spams dont l’accumulation est loin d’être neutre en carbone. Alors oui, quand on a accumulé les promotions depuis 2015 après avoir souscrit par malheur à un abonnement en magasin, on peut être tétanisé·e face au travail colossal qui nous attend. Mais magie : il existe un service en ligne nommé CleanFox qui permet de gagner un temps fou dans le tri de tes mails en les regroupant par catégorie et en proposant de se désabonner facilement des newsletters. Simple, basique ; 
  • Mettre des alarmes pour contrôler son temps d’écran et éviter de se perdre dans la spirale infernale d’internet. Certaines applications, comme Instagram, proposent des alertes automatiquement dans leurs réglages, sinon il est possible de télécharger des applications spécialisées comme Screen Time.  
  • Installer l’extension Carbonalyser si on n’est pas trop sujet·te à l’anxiété de connaître à l’instant “t” les émissions de gaz à effet de serre de sa navigation web. Au quotidien, c’est un outil terriblement pratique pour prendre conscience de l’impact de ses pratiques sur le climat. 

Et n’oublions pas : le plus difficile dans le processus de perdre ou remodeler une habitude, c’est de prendre conscience du bien-fondé de le faire. En lisant tout ceci, vous avez déjà fait le moove le plus complexe de la démarche. Le reste suivra, à votre rythme. Allez, posez donc cet écran pour aller converser avec un·e vrai·e humain·e ou feuilleter des pages papier.

Références pour aller plus loin

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