La seconde main en Chine, un marché récent, digital… et inquiétant
Rédigé par Victoire Satto
Le 13 janv. 2022
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Il semblerait qu’en Chine, le mot “d’occasion” ne bénéficie pas une connotation positive chez la génération pré-millénale. Le modèle de réussite des quarantenaires et des plus âgé·es est fondé sur une capacité d’achat de biens neufs, si possible de luxe. La jeune génération va peut-être changer la donne, tant pour des raisons écologiques qu’économiques.
L’électronique et Alibaba ouvrent la voie de la seconde main dans la mode
Alibaba et les 178 milliards de dollars.
Chez les jeunes chinois·es comme partout dans le monde en contexte de pandémie, la conscience environnementale grandit. La contraction mondiale de l’économie nous rend attentif·ves à notre pouvoir d’achat et plus débrouillard·es quand il s’agit de céder aux sirènes de la consommation sans dépenser des fortunes. Cela commence notamment par les objets électroniques, dont la production effrénée rend les nouveautés obsolètes au bout de quelques semaines. Et se retrouvent donc rapidement sur des plateformes de seconde main.
La marketplace leader en Chine, Alibaba, l’a bien compris et domine ce marché comme celui du neuf. Des voitures d’occasion aux rouges à lèvres “peu utilisés” en passant par les vêtements, de nouvelles habitudes très lucratives se mettent en place. Le marché de la seconde main a atteint environ 178 milliards de dollars en 2020, en hausse de 70% par rapport à 113 milliards en 2018, selon la firme de données MobData.
Une culture de la seconde main quasi exclusivement en ligne
La culture de la seconde main est naissante en Chine. Contrairement à l’Occident ou à d’autres pays asiatiques comme le Japon ou la Thaïlande, on trouve très peu de magasins de vêtements vintage et de seconde main sur le territoire. L’offre actuelle est principalement destinée aux personnes nées après 1985, les digital natives, via des applications et plateformes en ligne de professionel·les à particulier·es comme Alibaba ou entre particulier·es comme Idle Fish lancé par… Alibaba. Point important à souligner : il s’agit en grande majorité d’articles récents.
De la marketplace au réseau social : créer des communautés de clients de la seconde main
Les utilisateur·rices d’Idle Fish peuvent échanger des idées et des informations sur les biens d’occasion qu’ils cherchent à acheter, en plus de publier les articles à vendre. Idle Fish permet aux utilisateur·rices de créer des communautés virtuelles basées sur des centres d’intérêt ou des lieux, leur permettant de se rencontrer virtuellement, de partager des actualités et d’effectuer des transactions. Par exemple, un groupe d’amateur·rices de vêtements traditionnels chinois compte plusieurs dizaines de milliers de personnes.
Certains groupes – les plus populaires – sont également créés ou gérés par des célébrités. Elles proposent leurs produits d’occasion, des sacs, des vêtements, des chaussures et des cosmétiques… Souvent griffés par une marque et peu utilisés, que la communauté s’arrache en quelques minutes. À la manière d’Instagram, censurée sur le territoire chinois, les stars drainent plusieurs millions d’abonné·es à la plateforme depuis la création de leurs profils.
On en pense quoi ?
Si la démocratisation de la seconde main est une bonne chose, on retrouve ici les codes du marketing et une incitation permanente à la consommation, identiques au marché du neuf. Il est vrai qu’une augmentation des ventes d’articles d’occasion peut réduire les ventes de produits neufs. Cependant il existe un risque majeur : si la consommation en quantité est plus attractive que les biens de qualité, cela peut pousser les marques à produire des objets encore moins cher. Puis de les solder drastiquement pour les rendre plus attractifs que la seconde main, bénéficiant en plus, la “prime” du neuf.
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