Dans les années 70, l’industrie textile a été délocalisée dans des pays émergents pour bénéficier d’une main d’œuvre peu coûteuse. Les étapes de fabrication d’un vêtement (conception, filature, tissage, teinture…) ont été découpées et confiées à des usines spécialisées pouvant parfois se trouver dans différents pays. Avec la mondialisation, la concurrence s’est accrue entraînant les entreprises à chercher des usines toujours plus performantes. Autrement dit, elles ont externalisé leur production dans des pays à bas coût, avec des lois peu restrictives tout en faisant parcourir plusieurs fois le tour de la Terre à leurs produits [1]. Il aura fallu de nombreux scandales pour que les consciences évoluent : travail forcé, conditions de travail désastreuses, salaires misérables, violes, aberrations environnementales… Aujourd’hui, en Europe, près d’un distributeur sur 2 veut réduire ses achats lointains (Chine, Asie) au profit de pays plus proches (Maroc, Portugal) pour être près du lieu de production [2]. Les audits réalisés par des tiers indépendants, des organismes certificateurs ou encore les visites régulières des marques engagées pour une chaîne de valeur contrôlée : qui surveille les usines qui fabriquent nos vêtements ? Comment savoir si les droits de l’Homme sont respectés ?
La marque elle-même : tracer/remonter sa chaîne de production
Au sein de l’Union Européenne, seule la composition du vêtement est obligatoire, la zone géographique ne l’est pas. Souvent, c’est le pays de conception qui figure sur l’étiquette ne permettant pas aux consommateur·ice·s de connaître le détail de chaque lieu de production de la pièce. Les entreprises les plus transparentes communiquent déjà leur chaîne de production, peut-être même qu’elles ont réalisé une Analyse du Cycle de Vie de leurs produits (ACV) sur tous les scopes.
En répertoriant l’ensemble des usines avec lesquelles elles travaillent, elles peuvent calculer leur impact environnemental. Pour celles qui ne l’ont pas encore fait, la loi climat et résilience prévoit un affichage environnemental qui donnera lieu à un éco-score dématérialisé et accessible via un flashcode. En effet, connaître ses sous-traitants a le double avantage de pouvoir calculer son empreinte carbone et de vérifier les conditions de travail des ouvrier·ère·s textile. À savoir qu’une production européenne est protégée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui garantit des conditions décentes de travail au sein des pays membres des Nations Unies. Elle comprend quelques notions clés :
- L’abolition du travail forcé
- L’âge minimum de travail
- L’égalité de rémunération
- La discrimination à l’emploi
- La sécurité et la santé des travailleur·euse·s…
Ces concepts peuvent paraître évidents pourtant ils ne sont pas présents sur toutes les parties du globe. L’exploitation de la population Ouïghoure en est la preuve. Persécutée par le régime chinois elle subit du harcèlement, la destruction de biens culturels, de nombreuses formes de persécutions à commencer par l’internement dans des camps de travail forcé. Les Ouïghour·e·s travaillent pour des marques populaires, aussi bien dans la tech que l’automobile ou encore l’habillement. Pour lutter contre ses injustices, le collectif Éthique sur l’étiquette milite dans le but de mondialiser les droits humains au travail. Leurs actions se dirigent à destination des marques, des travailleur·euse·s, des politiques et des citoyen·ne·s pour inspirer de nouveaux comportements économiques avec un meilleur respect des droits sociaux fondamentaux au travail.
Les auditeurs indépendants mandatés par une marque, ONG ou structures privées
Les ONG
Les marques doivent se responsabiliser, des organismes peuvent les aider à le faire. Pour s’assurer que les usines choisies respectent bien des conditions de travail correctes pour leurs employé·e·s, des organisations indépendantes réalisent des audits dans les lieux de production. La Fair Wear Foundation se rend dans les usines pour vérifier leur conformité aux critères Fair Wear. Les équipes sont formées par la fondation et collaborent avec des ONG et des syndicats.
Elle propose une certification stricte sur les conditions de travail qui est directement inspirée des conventions de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) garantissant un emploi stable, digne, correctement rémunéré et avec des horaires décents. De son côté, Fair for life assure la commercialisation de produits issus du commerce équitable. Cela se traduit par un prix d’achat juste, supérieur au prix du marché, la protection des producteur·ice·s en cas de crise, des conditions de travail décentes, des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement…
Autre exemple, la World Fair Trade Organization. Elle soutient les entreprises qui donnent la priorité au social et à l’écologie. L’organisation agit à l’international en vérifiant les dires d’entreprises en réalisant des audits et examens qui se basent sur 10 principes du commerce équitable. Ces entreprises sont souvent pionnières dans des domaines variés : le recyclage, valorisent les femmes, donnent des moyens de subsistance aux réfugiés…
Les labels et certification
Des labels complets comme GOTS (Global Organic Textile Standard) ou la certification ROC sont aussi de bons indicateurs sur les valeurs sociales et environnementales d’une entreprise. Cette norme interdit les produits toxiques pour l’Homme, garantit la limitation et la bonne gestion des déchets, le traitement des eaux usées et le recyclage des emballages. Au niveau social, elle proscrit le travail forcé, met en avant la liberté syndicale et valorise des conditions de travail décentes.
Les labels et certifications sont de bons indicateurs pour les consommateur·ice·s cependant il faut garder à l’esprit qu’ils sont payants. Les jeunes startups qui se lancent dans l’industrie n’ont pas forcément les moyens de faire appel à ces organismes. Pour autant elles se doivent de faire preuve de transparence et de se rendre régulièrement dans leurs usines pour vérifier que les droits de l’Homme sont bien respectés.
Les acteurs privés de la traçabilité et de la due diligence
Nombre de startups tech sont dédiées à la sécurité et la transparence sur les chaînes de production. Elles sont plus ou moins spécialisées. Ulula est une solution digitale de ce type, un système d’interaction directement avec les ouvrier·e·s et communautés à grande échelle, par téléphone, pour s’assurer des bonnes conditions de vie et de travail. Elle permet de mesurer efficacement les risques humains dans les chaînes d’approvisionnement et des outils de monitoring pour améliorer ces conditions de travail, sécurité, bien-être…
Sourcemap est un acteur spécialisé dans la due diligence, la traçabilité de l’ensemble des matières et composants d’approvisionnement d’une marque. Crystal Chain, Retraced, Good Fabric, sont des outils de traçabilité reposant sur une blockchain. Fairly made et Belharra numérique proposent des solutions de traçabilité et de mesure d’impact des produits, basée sur les ACV.
L’industrie de la mode reste complexe, avec de multiples intermédiaires entre la production et la vente. Cependant, les tendances changent et le secteur tend à se relocaliser en Europe où l’on redécouvre nos savoir-faire. Il s’agit du meilleur choix aussi bien pour les marques que les consommateur·ice·s en ce qui concerne le respect des ouvrier·ère·s qui sont protégé·e·s par des lois particulièrement strictes. Cependant la présence de labels et certifications permet de s’assurer que les entreprises ont fait la démarche d’aller encore plus loin dans leurs engagements sociaux.
[1] Tracer sa chaîne de production – The Good Goods
[2] IFM Paris émission France Info, publié