À quoi servent les NFT dans la mode ?
Rédigé par Victoire Satto
Le 24 janv. 2022
Minutesde lecture
Vous ne comprenez déjà rien aux cryptomonnaies, voilà qu’on vous rebat les oreilles avec un acronyme mystérieux : « NFT », dont le monde entier parle sans le maîtriser. Faut-il dès à présent remplir son dressing virtuel de crypto baskets pour briller dans le Métavers ? Votre prochain sac de luxe aura-t-il un jumeau numérique ? Après le passeport vaccinal, un passeport digital sera-t-il requis pour faire entrer son hoodie en soirée ? Au-delà des paillettes des filtres NFT-à-porter, voici comment fonctionnent les NFT dans la mode, leur intérêt et leurs travers. “Y’a les bons et les mauvais”… On fait le point.
Qu’est-ce qu’un NFT ?
NFT ?
NFT signifie « non-fongible tokens ». Il s’agit d’un système de valeur (le token) attribué à un objet virtuel ou réel avec jumeau virtuel, à caractère unique non échangeable (“non fongible”). Contrairement aux crypto monnaies qui sont échangeables car équivalentes – elle dépendent simplement d’un coefficient multiplicateur (par exemple, pour un jour et une heure données, 1 bitcoin = 13,2 ethereum), les NFT ont une identité propre et correspondent à une entité spécifique, qu’on ne peut pas substituer par une autre.
Concrètement, il peut s’agir (tous virtuels) d’un terrain dans un jeu vidéo, d’un avatar, d’un animal de compagnie (les Crypto Kitties), d’un filtre ou d’une robe numérique, d’une œuvre d’art digitale.
Les NFT sont infalsifiables et indestructibles, encryptés sur la blockchain.
Blockchain ?
La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations digitales, sans intermédiaire. Elle permet à ses utilisateur·ice·s, connecté·e·s en réseau, de partager des données et de les enrichir, en les “minant” à chaque étape.
- Chaque personne doit s’identifier par un procédé cryptographique unique et qui lui est propre.
- Une fois la transaction créée, elle est envoyée à un réseau (ou « nœud » de stockage) d’ordinateurs situés dans le monde entier.
- Chaque « nœud » héberge une copie de la base de données dans laquelle sont inscrites les transactions effectuées.
- Toutes les parties prenantes doivent valider la véracité d’une information avant qu’elle ne soit ajoutée au système. Les données sont déchiffrées et authentifiées (“minées”) par des « mineurs ».
- La transaction finalisée est ajoutée dans la base sous forme d’un bloc chiffré (le « block » dans blockchain).
La décentralisation empêche la falsification des transactions. L’intégration est chronologique, indélébile et infalsifiable. Un NFT, c’est donc un certificat d’authenticité et du caractère unique d’un objet, virtuel ou réel+virtuel.
Quels sont les types de NFT dans la mode ?
Il existe deux types de NFT dans la mode à ce jour :
- Les NFT objets virtuels, représentants un produit à caractère unique :
- Un vêtement digital en filtre
- Un vêtement dans un jeu vidéo
Ils permettent de posséder en ligne un produit un actif digital infalsifiable… (on vous dit ce qu’on en pense ci-après).
- NFT phygitaux ou digital twins
Les twins ou jumeaux ou doubles ou passeports numériques : il s’agit de la copie digitale d’un produit physique, un document d’identité contenant différentes informations. Dans le cas d’une montre par exemple, la date et le lieu de création, l’origine des composants, leur empreinte environnementale, le nom de l’artisan·e horloger·e, mais également des informations relatives à la vie du produit. A-t-il été réparé, quand, par qui ? Revendu ? Porté lors d’une grande occasion ou sur une célébrité, ce qui en augmenterait la valeur; le nom des différent·e·s propriétaires successif·ve·s… etc, le tout dans un carnet horodaté.
À l’heure actuelle dans la mode, il n’est pas possible de diviser les tokens : on ne peut pas posséder un NFT à plusieurs, c’est ce qu’on appelle le true ownership. Les NFT phygitaux sont particulièrement intéressants dans le cadre de la seconde main. (Idem, rendez-vous plus bas).

Qui crée les NFT ?
Pour l’instant, dans la mode, seule la marque qui crée le produit physique peut créer son double virtuel et doit pouvoir en attester. De même pour les filtres et les tenues quand elles sont griffées (signées par une marque). Cela signifie que la contrefaçon ou le duplicata ne sont pas possibles et que les plateformes de revente de seconde main ne peuvent pas non plus en produire.
Par ailleurs et notamment en dehors de la mode, les NFT purement numériques peuvent être créés par toute personne possédant un ordinateur et des compétences artistiques ou techniques digitales. Il faut ensuite intégrer sa création à une plateforme pour la proposer sur le marché des NFT.
À chacun·e son wallet
Un wallet est un portefeuille virtuel. Il peut contenir des crypto monnaies mais également des NFT. À la manière du wallet déjà présent peut-être sur votre smartphone, contenant des papiers d’identité, des billets de concert ou d’avion, un passeport vaccinal, un wallet peut contenir les NFT acquis au fil des années dans le monde virtuel ou les twins digitaux de vos achats physiques. Cela ressemble plus ou moins à un espace client personnel avec l’historique de vos achats sur un site de vente en ligne.
Comme vos espaces clients sur différents e-shops sont indépendants, tous les wallets ne sont pas interopérables, vous ne pouvez pas forcément voir tous vos “actifs” dans un seul wallet, selon le prestataire de NFT choisi par une marque. Il peut s’agir d’une application propre à la marque (les NFT seront donc dans votre espace client) ou d’une application regroupant plusieurs marques, ce qui constitue en quelque sorte votre “garde robe digitale”.
Généralement, tous les wallets sont compatibles avec des plateformes de crypto monnaies qui contiennent de l’Ethereum (là ça devient technique). En pratique, cela signifie que vous pouvez acheter des NTF en euros ou en crypto monnaies reconnues.
À qui appartiennent les données dans les wallets ?
Le graal du monde virtuel pour ses acteurs et notamment les marques, ce sont les datas. Tout ce qui est contenu dans votre wallets est stocké en partage, à moitié sur les serveurs de la marque et à moitié sur la blockchain (achats, événements de marque auxquels vous serez invité·e·s/allé·e·s, données personnelles de contact ou de mensurations…). La destruction possible de ces données n’est ni simple, ni garantie.
Cependant, la blockchain respecte le RGPD et contient des données “pures”. Il appartient au client d’ajouter ses données personnelles.

Alors, à quoi peuvent servir les NFT dans la mode ?
Les actions de minage, l’entretien et le stockage des données sont excessivement gourmands en énergie. A l’heure de la crise climatique, a-t-on vraiment besoin de parader dans un métavers avec une paire de baskets virtuelles… ? La réponse est certainement non et nous laisse à penser le pire quant à cette technologie, cependant, comme pour tout, le manichéisme est rarement une réplique constructive.
Il existe des avantages à l’usage des NFT, voici des pistes pour les dos and donts (selon notre humble avis ! Le votre est le bienvenu dans la section commentaires).
Le pire des usages de NFT, notamment dans la mode
Les NTF ont de nombreux travers. Chacun des contre arguments en leur faveur peut bien évidemment faire l’objet d’un débat, mais lorsqu’on tente d’évaluer la balance utilité ou bien fondé public vs inconvénient, voici pourquoi on préfère se passer de leur usage :
-
- Pollution numérique : l’activité de minage, le stockage, l’entretien des chaînes requiert une quantité faramineuse d’électricité. Une grande partie de l’activité des mines est située dans des pays dépendants des énergies fossiles pour leur production énergétique. Une fois créées, les données sont stockées par des serveurs monstrueux, eux-mêmes refroidis en permanence par de volumineuses climatisations… L’addition CO2 est salée pour un filtre digital.
- Creusement des inégalités et chaos politique : au Kazakhstan en janvier 2022, l’explosion de l’activité de mine, plaçant le pays au 2e rang mondial de cette activité, a été responsable d’un chaos politique après de nombreuses coupures de courant et une augmentation majeure du coût du carburant. La situation a été soldée par une répression policière et l’intervention de troupes dirigées par la Russie.
- Spéculation & argent sale : les crypto monnaies comme les NFT sont des marchés volatiles où le risque est très élevé. Un Tweet viral, une fake news et les coûts s’envolent ou dégringolent, particulièrement dans l’art, car nombreuses sont les personnes qui y placent leur argent sans maîtrise de leur fonctionnement. En février, RTFKT a récolté, en sept minutes, 3,1 millions de dollars via des crypto baskets conçues avec l’artiste Fewocious. Ne peut-on en faire un meilleur usage ?
Par ailleurs, les entrées/sorties d’argent non déclarées et opaques. Les NFT sont un moyen courant de blanchir de l’argent.
- Isolement social : les effets néfastes d’une activité excessive sur les jeux vidéos et les réseaux sociaux ont été démontrés. Mode de vie sédentaire, troubles comportementaux, troubles psychiques, du sommeil, cognitifs et de développement chez les enfants, addictions… À quoi ressemblera le monde lorsque toutes nos interactions seront digitales, le seul intérêt des moments sociaux étant limité à des parades démonstratives de nos possessions virtuelles dans un jeu vidéo ?
- Créer toujours plus de dépendances aux marques et à la consommation en général. Le NFT bien que dématérialisé est une nouvelle forme de possession addictive et dont l’accumulation semble moins directement néfaste car moins encombrante d’une garde robe physique. Les mécanismes sont les mêmes. Les marques veulent des données et des deniers, ont déjà commencé pour certaines à acheter des espaces publicitaires sur des “lands” virtuelles pour occuper davantage encore la bande passante de nos cerveaux prêts à acheter un ersatz de bonheur. C’est un nouveau cookie, une nouvelle façon d’en savoir davantage sur nos habitudes de consommation et d’achat, un nouvel accès au spaming permanent, déguisé en jeu pour adultes consentants sans y réfléchir. La notion d’appartenir à une “communauté” est un faux privilège qui signifie en réalité sacrifier un peu plus sa vie privée et son pouvoir d’achat.

Le meilleur des usages de NFT dans la mode
Avec un autre prisme et dans un usage raisonné (c’est la même chanson dans à peu près tous les domaines), cette technologie offre plusieurs avantages, principalement via les twins ou doubles numériques.
- Authenticité, traçabilité, transparence : la blockchain permet une traçabilité d’amont sans rupture, dont l’efficacité a déjà été démontrée dans l’agroalimentaire. Dans un secteur fragmenté et historiquement opaque comme la mode, cet outil est révolutionnaire. Associer un NFT à chaque produit permettrait d’en connaître la composition, le lieu de fabrication, toutes les parties prenantes de sa chaîne de production mais également les paramètres de sa seconde, troisième et énième vie.
- L’information des consommateur·ice·s finaux·ales : le système de données croisées issues de sources diverses (les métadatas décentralisées) remet les informations directement dans les mains des client·e·s.
- La valorisation des vies multiples d’un objet : la surproduction de vêtements et d’objets en général est la source première de pollution dans l’industrie de la mode. En créant un passeport digital, on envisage d’emblée l’hypothèse de vies multiples d’un objet et on permet la création de valeur par les usages plus que par la possession. Les NTF pourraient permettre d’authentifier nos biens rapidement et de faciliter leur circularité.
- La valorisation des objets durables dans le temps : le passeport digital contient toute information relative au produit, de sa production à sa vie. Si un composant est de mauvaise qualité, cela peut être renseigné par ses différents propriétaires. Si le NFT est obsolète rapidement car le vêtement est bas de gamme, cela se saura aussi et l’information négative au sujet de la marque pourrait l’inciter à changer ses composants et/ou améliorer la durabilité des produits pour entretenir une réputation positive. À l’inverse, les marques qui produisent du bas de gamme pourraient se voir attribuer un malus.
- L’affichage environnemental : une note sera bientôt attribuée à tout vêtement mis sur le marché européen, à l’instar de la classe énergétique d’un appareil électroménager, tenant compte de l’impact environnemental, social et de l’indice de réparabilité d’un produit. L’affichage pourrait être une donnée encryptée sur un NFT.
- La valorisation de l’expérience plus que la possession matérielle : nous l’avons vu au-dessus, cet argument est relatif quand on connaît l’impact environnemental du digital. Néanmoins, moins de déchets matériels physiques seraient générés par une garde robe virtuelle. De là à affirmer que l’expérience en réalité augmentée rendrait plus heureux… Pas sûr, eu égard à cet adage : Happiness only real when shared (in real life).
- Faciliter le recyclage d’un produit : parmi les informations encryptées, le détail précis de la composition d’un vêtement permettrait de savoir comment bien le recycler, les problèmes principaux étant d’une part d’en connaître la répartition, d’autre part le tri par matières.
- La solidarité par charité : là encore, argument à double tranchant qui peut-être utilisé comme un permis de compenser (sa pollution, l’exploitation humaine sur les chaînes de travail…) par les marques. Adidas et le mannequin Karlie Kloss ont organisé un concours de design sur la plate-forme de mode digitale The Fabricant, les NFT vendus ont permis de collecter des profits en faveur de la fondation Kode with Klossy, qui favorise l’accès des jeunes femmes au secteur de la tech.
- Projeter un produit physique dans un monde virtuel : un peu à la manière de la précommande, les marques peuvent tester le succès d’un produit dans sa version digitale avant d’en déployer la production massive, pour être au plus proche de la demande, éviter les surstocks et les invendus.
Dans un secteur mode et luxe obsédé par la qualité et l’authenticité, un outil permettant les deux fait sens, à condition d’avoir conscience de ses usages nocifs pour nos santés mentales comme celle de l’environnement, et du risque de majoration de nos fractures économiques et sociales.
Notre FAQ
Qu'est-ce qu'un NFT ?
NFT signifie « non-fongible tokens ». Il s’agit d’un système de valeur (le token) attribué à un objet virtuel ou réel avec jumeau virtuel, à caractère unique non échangeable (“non fongible”). Contrairement aux crypto monnaies qui sont échangeables car équivalentes – elle dépendent simplement d’un coefficient multiplicateur (par exemple, pour un jour et une heure données, 1 bitcoin = 13,2 ethereum), les NFT ont une identité propre et correspondent à une entité spécifique, qu’on ne peut pas substituer par une autre.
A quoi servent les NFT dans la mode ?
Il existe deux types de NFT dans la mode à ce jour :
- Les NFT objets virtuels, représentants un produit à caractère unique :
- Un vêtement digital en filtre
- Un vêtement dans un jeu vidéo
Ils permettent de posséder en ligne un produit un actif digital infalsifiable …
- NFT phygitaux ou digital twins
Les twins ou jumeaux ou doubles ou passeports numériques : il s’agit de la copie digitale d’un produit physique, un document d’identité contenant différents informations.
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