Les e-shops de mode du futur doivent être circulaires
Vous avez déjà l’habitude de choisir entre une option neuve et une option d’occasion sur fnac.com ? Il y a fort à parier que cela vous semblera bientôt tout aussi naturel sur l’e-shop d’une marque de mode. Entre le boom de la seconde main, les scandales sur les invendus détruits et l’application imminente de la loi anti-gaspillage, les enseignes cherchent toutes à mettre en place une solution en faveur de la circularité sur leur site e-commerce. Et pour cause, la pollution générée par les vêtements surproduits et surstockés est proportionnelle au manque à gagner économique qu’ils représentent : c’est colossal. On a tenté d’imaginer à quoi ressemblerait le e-shop de demain, une vaste marketplace où vous devenez revendeur en un claquement de doigts, où seuls les produits de qualité résistent à l’épreuve des ventes successives, où les marques sont notées pour leur exemplarité ou pointées du doigt pour leurs bévues environnementales. Permis de rêver ? Demain arrive plus tôt que vous le pensez, voici pourquoi et comment s’y habituer dès maintenant.
État de fait : la pollution massive générée par les invendus de mode
Avant de passer aux solutions circulaires, il nous paraît important de revenir en détails (et en datas) sur l’épine de cette industrie : un modèle économique linéaire. En pratique, nous avons été habitué·e·s ces 40 dernières années à produire / consommer / jeter / recommencer. Ainsi sont devenues monnaie courante : les dépenses excessives, impulsives et les achats immotivés, normalisés par la multitude des promesses de « bonnes affaires ». Nous consommons et détruisons la mode à un rythme plus élevé que ce que notre planète peut supporter.
La production de vêtements a doublé de 2000 à 2014, avec des ventes passant de 1 000 milliards de dollars américains en 2002 à 1 800 milliards de prévision de 2,1 billions d’ici 2025 [3]. En moyenne, nous achetons 60 % de vêtements en plus et les gardons 50% moins longtemps qu’il y a 15 ans. Le volume de déchets textiles est immense. A ceci s’ajoute l’utilisation croissante des fibres synthétiques, polyester en tête, présent dans 60 % des vêtements. Cette matière émet trois fois plus de CO2 dans son cycle de vie que le coton, son recyclage demeure toxique et n’est encore que faiblement disponible à l’échelle industrielle. Cela ne saurait constituer une solution viable isolément.
Le manque à gagner des invendus pour les entreprises
Chaque année jusqu’alors, entre 10 000 et 20 000 tonnes de produits textiles étaient détruits en France, équivalent au poids d’une à deux Tour Eiffel selon le ministère de la Transition écologique et solidaire. En dehors de l’activité d’Amazon qui reste impunie (ayant détruit 3 millions de produits neufs invendus ou retournés et responsables de l’émission de plus de gaz à effet de serre que la Bolivie), depuis les prémices de la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour l’Économie Circulaire), les produits non détruits s’accumulent sous forme de stocks.
En mai 2020, on estimait la valeur de ces stocks invendus à 2,5 milliards d’€, en cumulant le coût de production, la perte de la vente manquée, les coûts cumulés des entrepôts, de l’énergie de chauffage et lumière de ces espaces, de la main d’œuvre pour la manutention et l’entretien et enfin l’impôt sur les immobilisations. Le problème ne réside pas tant dans l’écoulement d’une production de masse, mais dans le modèle de production lui-même.
Un modèle dans lequel l’offre est standardisée, produite à bas coût et un produit fait pour être jeté afin de renouveler l’acte d’achat, lourdement accompagné par des campagnes marketing et d’influence. Le système linéaire est une absurdité économique, émotionnelle par la culture de l’insatisfaction qu’elle alimente, et écologique. L’économie circulaire est au contraire un modèle viable sur le long terme qui permet de limiter l’exploitation des ressources en permettant aux produits d’entrer cycliquement dans de nouveaux cycles de vie.
Alors, à quoi ressemble le e-shop du futur dans une logique 100% circulaire ?
L’achat / revente devient un réflexe
La vintage mania actuelle le démontre bien : pas besoin de neuf pour renouveler sa garde-robe. Mais contrairement aux us et coutumes des friperies en marge des magasins de vêtements neufs, la seconde main est en passe d’intégrer nos canaux conventionnels d’achats : les boutiques et les e-shops des marques. De Printemps aux Galeries Lafayette, de Petit Bateau à ba&sh en passant par Aigle, les options “d’occasion” fleurissent sur les sites e-commerce et il s’agit plus d’une tendance de fond que d’une lubie passagère.
En pratique, c’est une révolution douce : une solution technique sera idéalement directement intégrée au site marchand afin qu’on ne perçoive pas la différence depuis son compte client : un seul login, un seul panier.
Plusieurs options s’offriront alors à nous pour un même produit :
- Neuf
- Occasion issu de la marque (surstocks, retour de client·e·s non porté, prototypes ou vêtements présentants un défaut mineur)
- Occasion issu d’un·e autre client·e. Le vêtement pourra alors transiter par la marque par exemple pour être authentifié, ce qui est particulièrement rassurant pour un produit de luxe, ou être envoyé de particulier à particulier (comme sur Vinted). L’idéal sera de pouvoir récupérer en un clic les informations présentes sur la fiche produit lors du 1er achat, disponible dans son compte personnel, directement ajoutées aux informations du produit revendu.
Entrer dans une dynamique d’achat circulaire, soit non définitif, permet de sortir de la logique d’accumulation et la crainte de manquer une bonne occasion, celle-ci devenant naturellement amenée à se (re)présenter.
La possibilité de noter la marque et le produit au fur et à mesure des transactions
Par ailleurs, la seconde main favorise indirectement les vêtements de meilleure qualité, plus durables dans le temps et donc facilement revendus. On peut facilement envisager ajouter des informations utiles à son achat : conseils d’entretien, d’association de style, mais aussi informations positives ou négatives au sujet de la qualité du vêtement, antécédents de réparation ou de retouches, etc. Dans les secteurs de la téléphonie ou de l’électroménager, un index de réparabilité est en cours de déploiement depuis 2021.
Il est probable que cette information soit aussi valorisée dans le secteur vestimentaire dans le futur. À moyen terme, les travaux sur l’indice de réparabilité permettront de l’enrichir afin de tendre vers un indice de durabilité.
Autre point clef de l’impact d’un vêtement : la réglementation en cours concernant l’affichage environnemental obligera les marques à analyser le cycle de vie de tout produit mis sur le marché, permettant ainsi aux consommateur·ice·s de favoriser les achats vertueux, tant pour les pièces neuves que dans l’optique d’une revente future.
De même, un système de bonus-malus favorisant une démarche d’écoconception sera bientôt affiché sous format d’un code couleur ou d’un pictogramme, dans le cadre de la REP ou Responsabilité Élargie du Producteur. Cela incite les marques à mettre en marché des produits les plus qualitatifs possibles, ce seront aussi les plus présents sur le second marché.
Fidéliser et responsabiliser les consommateur·ice·s
Les marques ne seront pas les seules à bénéficier d’une note et de feedbacks : lors des reventes en ligne, les client·e·s recevront une rétribution en cash ou en bon d’achat en contrepartie. Au-delà d’être un argument économique, ce système permet de devenir ambassadeur·e d’une mode plus responsable, ancrée dans une dynamique de circularité.
La circularité étendue
En complémentarité de ces options, on peut facilement envisager la location ponctuelle d’un produit (pour une grande occasion, une sortie outdoor …etc) mais aussi un service de reconditionnement / réparation, le leasing de certaines pièces de luxe et, en fin de vie, une assistance pour une cartographie des points d’apport volontaire de produits en fin de vie, en vue d’un recyclage efficace, réellement désimpactant s’il est envisagé comme le dernier recours après l’usage d’un produit.
Le futur est brillant, c’est vous qui le dessinez.
Ecouter notre épisode #TECH d’ON(WARD) FASHION sur la plateforme intégrée d’économie circulaire
Références
- [1] Ministère de la Transition Écologique et Solidaire
- [2] L’info durable
- [3] Greenpeace – Etude Timeout for fast fashion
- [4] Interview d’Adèle Thorens Goumaz pour Le Temps en 2019
[5] Le Monde, Amazon, vendeur de destruction massive, janvier 2019 - [6] Itv, Revealed, Amazon destroying millions of items of unsold stock in one of its UK warehouses every year, ITV News investigation finds, 21 juin 2021
- [7] Haut Conseil pour le Climat, Maîtriser l’empreinte carbone de la France, septembre 2020
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