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Pourquoi toutes les marques se mettent à la seconde main ?

Véritable engagement ou Greenwashing ?

C’est un fait, côté citoyen·ne, l’essor de la seconde main est en partie dû à une prise de conscience massive du rien entre hyperproduction de mode, pollution planétaire et injustices sociales. Si nous étions dans un monde idéal, il en serait de même pour les entreprises… Oui mais voilà, peu de philanthropes siègent au CAC 40. Si les marques de mode, toutes confondues du luxe à l’ultra fast fashion, ajoutent les unes après les autres un corner “seconde vie” à leur e-shop, c’est qu’il existe une opportunité à saisir. Celle-ci est nettement plus économique qu’écologique (mais nous allons voir que les deux ne sont pas nécessairement incompatibles).

Les marques ont tout intérêt à développer leur propre offre de seconde main

“Seconde vie”, “Second souffle”, “Corner seconde main”, “Seconde histoire”… Depuis un an, les synonymes et les communiqués de presse pleuvent : chaque semaine, une nouvelle enseigne réalise son coming out au sujet de son entrée dans un monde circulaire. Petit Bateau, Hermès, Bash, Aigle, Balzac, Kiabi, Faguo… Vendre ses propres vêtements à prix cassé juste à côté des collections en cours peut sembler illogique et auto-concurrentiel. Alors, quels intérêts les marques y voient-elles ?

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Se faire bien voir

Vous trouvez que ce sursaut écologique frise le greenwashing ? Vous avez du flair. En 2021, il semble exister une dissociation entre les aspirations des consommateur·rices (pour des Entreprises à Mission, à Raison d’Être valable, aux engagements tangibles) et la réalité de l’offre vestimentaire. La transition écologique des marques est longue et complexe : choix des matières, rapatriement des lieux de production, diminution des volumes, changement de packaging… Il existe mille et une manières pour une marque de mode de changer positivement ses pratiques. Mais la mise en place de ces changements a souvent une forte inertie et de fait, il est aussi difficile pour une marque de faire état de ses actions. La mise en place d’un corner de seconde main est une solution relativement rapide pour témoigner publiquement d’un changement concret d’état d’esprit (qu’on espère vraiment sincère). Le cap à tenir est donc de maintenir les vêtements en circulation plus longtemps ET de réduire les énormes volumes de déchets générés par l’industrie, tout en gagnant de l’argent.

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Ne pas perdre des parts de marché

Les “corners” de seconde main fleurissent en réponse à une demande croissante des client·es. L’année 2020 a marqué une véritable accélération du commerce de seconde main en France. Aujourd’hui, 39 % des Français achètent des vêtements ayant eu une première vie contre 16 % en 2018, notamment aidé par le géant Vinted. A titre d’exemple, Petit Bateau est la marque la plus revendue et achetée sur la plateforme. Ouvrir un corner sur son propre site permet de ne pas voir cette clientèle engloutie par d’autres, de présenter en parallèle les collections en cours, de récupérer les données des utilisateur·rices et éventuellement, selon le modèle (C2C, B2C), générer des revenus bien qu’ils soient généralement très faibles.

Gagner des nouveaux clients et fidéliser

Bien souvent, les corners de seconde main sont présentés comme des options simplifiant la vie des client·es : il peuvent y déposer des produits d‘occasion contre des bons d’achat dans l’enseigne ou des abonnements. La plupart du temps, la marque récompense le vendeur et l’acheteur. Les vêtements de seconde main sont généralement soigneusement sélectionnés pour leur bon état et leur qualité. Ainsi, pour un·e client·e frileux·se par exemple qui trouve le coût d’un achat neuf est élevé, c’est un premier pied dans la marque, une manière de tester un produit et d’y revenir secondairement en cas de satisfaction.
Les marques, notamment de luxe, se rendent compte que le marché de l’occasion n’est donc pas préjudiciable au marché du neuf. Au contraire, elles puisent dans une toute nouvelle clientèle – généralement plus jeune – cherchant à acheter à un prix d’entrée de gamme. La seconde main est donc une méthode de recrutement.

Se débarrasser de leurs stocks d’invendus

Souvenez-vous des outlets et autres ventes privées… Ils ne seront bientôt plus qu’un souvenir démodé par les “corners”. Au-delà de la revente de vêtements de particuliers, l’offre de seconde main est aussi pour une marque un moyen efficace de se débarrasser de grands volumes de collections passées et invendues dans une époque incertaine. “Chic !” Pensez-vous ? Pas si vite. On aime l’idée de déstocker, pas celle que cette nouvelle option pour le faire soit un laisser-passer à la production effrénée.

Changer progressivement de modèle économique

Cette entrée progressive dans le monde du circulaire est une manière pour les marques de tester un marché : voir si les consommateur·rices sont sensibles et motivé·es, identifier les leviers générateurs de revenus, afin de faire grandir cette offre dans les années à venir. Les marques ont bien conscience que le modèle linéaire qui consiste à produire / vendre / brader en réalisant des économies grâce à une production en très grandes quantités n’est plus viable. Et cela pour plusieurs raisons : nos ressources s’épuisent, nous sommes plus concerné·es par les achats durables, les invendus sont désormais interdits à la destruction et coûtent cher à stocker. Les entreprises ne s’attendent pas à tirer d’énormes marges de ces expériences mais récupèrent des données sur la durée d’usage des produits, les pièces phares, les méthodes de revente etc.

Garder la main sur la contrefaçon et le marché

Cela concerne davantage les enseignes de luxe. En apposant sur leurs produits, notamment grâce à la blockchain, des systèmes de tracking (numéro, QR code etc), les marques garantissent à leurs client·es de garder la trace de leur objet à vie. Ils peuvent donc l’acheter et le revendre des années plus tard sans se soucier d’une éventuelle perte de valeur ou acheter un produit de seconde main sans douter de son authenticité. Certaines marques permettent même une traçabilité en cross-over via d’autres plateformes. On peut alors, en tant que client·e, mettre en vente une pièce sur le site de la marque. Un certificat d’identité numérique du produit inscrit sur une blockchain est alors généré et mis à disposition sur toutes les plateformes de seconde main existantes jusqu’à ce qu’elle soit achetée par une autre personne. Celle-ci pourra ensuite activer l’identité du produit simplement en le scannant. La marque reste donc en contact direct avec le·la client·e tout en maximisant ses chances de vendre son produit.

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