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Steven Passaro, l’Act of Growth, le vêtement couture évolutif

La relève de la Haute Couture est engagée

La Haute Couture est-elle concernée par l’écologie ? Quelle vision d’avenir a la jeune génération de créateur·ices de “la mode qui défile”, à l’issue des écoles de Mode ? Nous sommes allés à la rencontre d’une étoile montante de la création, Steven Passaro, fondateur de la marque éponyme et inventeur de l’Act of Growth (L’acte d’évoluer) : un concept de vêtement évolutif qui se transforme au cours de la vie de son propriétaire. Un patronage digital et prototype 3D zéro-déchet, des matières issues de stocks dormants, un vêtement si intime qu’il mue avec son client. Portrait du créateur d’un nouveau système mode, où les engagements subliment l’esthétique.

Qui es-tu, Steven Passaro ?

Comme beaucoup de personnes de ma génération, je suis un reconverti.
Titulaire d’un bac STI, j’ai réalisé une Mise à Niveau en Arts Appliqués (MANAA) en 2011 puis intégré un BTS design d’espace. J’étais passionné par la mode menswear, le design et la tech. Je m’intéressais autant à l’aménagement d’espace qu’au textile… Je ne voulais pas choisir. Après un stage en visual merchandising chez Dior et une année de césure, j’ai été admis au London College of Fashion après avoir essuyé plusieurs refus de dossier dans des écoles françaises. J’y suis arrivé à l’issue d’un burn out, personnel et professionnel. C’est mon histoire qui fait mon identité et ce que je raconte aujourd’hui, à travers ma marque.

La liberté créative de Londres

Mon dossier de candidature pour les écoles anglaises présentait un travail de revalorisation, comme de la broderie sur déchet ou le remodelage de pièces vintage. Les anglais ont toujours été en avance sur l’upcycling. La reconstruction, la conquête de son identité visuelle, c’est ce que je raconte avec le vêtement mais je ne l’ai réalisé que secondairement. Mon attrait pour le vêtement évolutif est directement lié à la problématique de surproduction, à laquelle j’ai été confronté durant mes stages dans la mode. J’avais de gros problème de santé en parallèle, les moments les plus difficiles te donnent une sorte de lucidité sur la gravité du réel.
A Londres, ce que je souhaitais transmettre a été entendu et soutenu. Je n’avais pas besoin d’avancer masqué. La culture d’ouverture, l’écoute des Professeur·es, la bienveillance des gens… Tout porte à la liberté créative, là où Paris me demandait de créer pour “séduire la parisienne”.
J’ai lancé ma marque en fin de parcours d’école, elle a défilé à la Fashion Week de Londres en janvier 2019. Rentrer en France n’a pas été un choix mais une contrainte suite au Brexit, en octobre la même année.

L’Act of Growth : le vêtement évolutif

L’Act of Growth est un concept de vêtement évolutif que j’ai développé en avril 2018 et appliqué par ma marque (éponyme NDLR). Il s’agit d’un nouveau fonctionnement du vestiaire masculin, en système entre la marque, le service qu’elle offre et les désirs du client au cours de sa vie. Par exemple, le trench Steven Passaro est une base et la signature de la collection SS21 : il existe un design socle et deux extensions, soit 3 façons de le vivre et le porter. Il est solide, les finitions sont bien faites. Si on investit dans cette pièce, on doit pouvoir la voir durer et évoluer avec soi avant de la transmettre, sans avoir besoin de débourser une nouvelle somme conséquente pour un nouveau manteau. Il suffit ici de choisir un nouveau design et de payer le service couture.

Je veux sortir de la consommation Instagram.

Mes clients sont des hommes soigneux qui connaissent leurs goûts et sont fidèles à une marque ou un vêtement lorsqu’ils l’ont trouvé. Mes vêtements offrent une vraie  liberté. Si tu sais ce que tu aimes, tu investis, tu portes, tu gardes. C’est ta signature.  

Le trench évolutif par Steven Passaro.

L’esthétique de la marque Steven Passaro

Mon vestiaire questionne les codes masculins et s’adresse aux hommes sensibles. Par exemple, la soie est la touche de délicatesse qui vient casser un tailleur noir strict. On sort de l’image de l’armure patriarcale, de l’idée que la virilité est associée à la rigidité, épaules droites et pièces serrées. Chaque vêtement comporte un travail de plis qui apporte de la souplesse au porté. Le pli est pour moi une allégorie de la vie, il représente le processus de transformation du soi, alternativement ouvert à l’extérieur et l’intérieur. Il est évolutif aussi, le soi de demain n’est pas le soi d’aujourd’hui, il représente les strates de notre être. Connaître ses propres replis, avoir la conscience de soi et la connaissance de son environnement pour y évoluer sereinement : voilà ce que raconte mes vêtements. Ils sont conçus pour le long terme, sur une esthétique et une sensibilité communes.

Quelles sont les matières que tu privilégies ?

Je travaille uniquement avec des stocks de matières dormantes, issues de grandes maisons de couture. Aucune matière n’est sourcée en dehors de l’Europe, il s’agit principalement de la France, l’Angleterre, l’Italie, le Portugal et l’Espagne.
J’ai une prédilection pour les draps de laine en cachemire, le twill de soie, la gabardine de coton. J’évite au maximum le polyester, sauf si je veux du plissé sans surpiqûres. Les matières artificielles comme le Cupro® ou le lyocell sont intéressantes pour leur fluidité, leur toucher soyeux. Je crée deux collections par an, 10 à 12 looks par collection, soit 30 pièces. Toutes ne sont pas commercialisées. Certaines sont faites pour être exposées ou archivées, afin de garder une trace de savoir-faire. Les savoir-faire se perdent et c’est très grave. On le voit car, en intérim, il est très difficile de recruter des gens qui savent bien travailler. Il y a un réel décalage entre les anciens et les très jeunes.

La 3D : une création zéro-déchet

Je me suis formé au modélisme  3D : je ne réalise aucune toile. C’est assez magique : on fait bien sûr une économie de matière première (ni papier ni textile requis) mais surtout de temps, car on retravaille le patron 3D sans délais, on l’archive par saison et s’il est validé, on développe un nouveau vêtement basé sur une architecture commune, ce qui renforce l’identité esthétique de la marque dans le temps.

Quel futur pour Steven Passaro ?

Je souhaite développer une vraie maison de couture pour les hommes, et ajouter à l’aspect digital une dimension physique et de relation humaine privilégiée, au sein d’une boutique atelier. Ils viendront directement discuter de l’évolution de leur vêtement avec mon équipe. A terme, nous aurons aussi des tailleurs partenaires. J’ai commencé par sortir trois pièces, je souhaite que les gens prennent le temps de découvrir comment cela fonctionne.
Le lieu tel que je l’imagine est à l’image de la marque, mouvant et en volumes. Une scénographie elle aussi évolutive qui transmet ce que racontent les plis : un processus de transformation. Oser déconstruire pour (se) reconstruire.

 

Le site de Steven Passaro

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