La pandémie nous invite à repenser le concept même du défilé, les shows physiques se font rares laissant place à des formats digitaux. Film, clip, documentaire avec ou sans public… un vaste champ des possibles créatifs. Mais comment transmettre le mouvement, le tomber, la lumière d’un vêtement et le rêve qui l’accompagne à travers un écran ? Ce deuxième épisode pandémique ne laisse d’autre choix aux marques que de se réinventer : plus humbles, plus simples, elles redoublent d’imagination pour créer de la magie digitale… et du lien social. Sans le réaliser, la mode qui défile semble descendre de sa tour d’ivoire, désormais accessible à nous tou·tes via un nouveau format.
Pandémie oblige, le défilé devient digital
Les marques fidèles au poste derrière l’écran
La Fashion Week Automne/Hiver 2020/21 comptait 248 défilés répartis entre New York, Londres, Milan et Paris. Une pandémie plus tard, au Printemps/Été 2021 seulement un tiers d’entre elles, 80 défilaient physiquement soit une chute de 67,7% d’une saison à l’autre. Pourtant, l’engouement pour les défilés semble toujours au rendez-vous. On abandonne les front rows et avec eux, les vols internationaux des mannequins, influenceurs, acheteurs autour de la terre, épargnant les émissions carbones associées aux transports. Durant les quatre Fashion Week sur un an, elles sont estimées à équivalent à l’éclairage de la Tour Eiffel pendant 3 060 années [1]. Ce petit monde de la fashion a t-il reporté son attention sur un format numérique ? À la question « Suivez-vous les Fashion Week digitales ? » À cette question posée par l’observatoire des tendances TAGWALK, 66% des personnes interrogées répondent oui. [2] Et vous ?
Mère Nature sur les podiums ?
Il a fallu que l’on soit privé·e de la Nature pour que l’on réalise à quel point elle est essentielle. Preuve en est : 54% des défilés de la Fashion Week Printemps/Eté 2021 se sont déroulés en extérieur dans des lieux naturels, Milan, Paris, New York et Londres tous confondus. Si le besoin de notre reconnexion au Vivant semble ici évident – alors que vous lisez probablement ces lignes confiné·es dans quelques m² – il est possible que cette contrainte “Nature” soit due à la distanciation sociale. La marque Koché investit les Buttes Chaumont, Burberry défile au cœur de la forêt britannique. Kenzo s’approprie le jardin des roses de l’Institut National des Jeunes Sourds à Paris. La collection Bee a Tiger convoque les fleurs, les abeilles, et affiche une tenue d’apiculteur·rice vaporeuse et protectrice en référence à la fragilité, l’incertitude et la distance liée au contexte actuel.

Felipe Oliveira Baptista, Directeur Artistique de la Maison accompagne le défilé d’une note écrite, dévoilant une démarche créative semée de questionnements, d’incertitudes, ses inspirations et espoirs. [3]
Le monde s’égare, il saigne, il souffre. Mais il est toujours vivant. Et la vie, c’est l’espoir. Être optimiste, c’est ce qu’il nous reste.
Un aveu de vulnérabilité aussi rare qu’appréciable dans un monde de la « Fashion » qui nous a plutôt habitué à être opulent, pudique et parfois imbus de lui-même.
Le défilé se mue pour continuer d’exister
Une tradition historique réinventée
Ces dernières années, la montée aux enchères de dépenses, effets spéciaux et décors toujours plus spectaculaires hissent les défilés au rang de méga shows. Les collections ne sont plus au centre de l’attention. Chanel pour son défilé Automne/Hiver 2017/18 a fait décoller une fusée de 37 mètres de haut au Grand Palais. La pandémie redistribue les cartes, pour la Fashion Week Paris Automne/Hiver 2020/21, les Maisons présentent leurs collections sous un format vidéo ou film.

© Chanel Automne/Hiver 2017/18 Patrick Kovarik AFP
Vers un élan digital et créatif
L’enjeu réside dans le fait de restituer le tombé d’un vêtement, la vivacité des couleurs, le contraste des matières souvent ternis l’écran. L’immersion dans une atmosphère par le virtuel est un challenge, habituellement favorisé par le choix du lieu, la musique, la scénographie, la présence d’une communauté internationale qui se réunit. Il s’agit aussi d’inclure les personnes ne pouvant être là physiquement en leur offrant une expérience sensationnelle depuis leur écran. Un terrain de jeu encore inexploré qui a pour certains directeurs·rices artistiques était un regain de créativité.
Tout commence par un croquis
Il suffit d’une feuille, d’une main, d’une esquisse pour qu’une collection prenne vie. Daniel Roseberry, Directeur Artistique de la maison Schiaparelli réussit avec brio cet exercice adossé à un banc d’un jardin public.
Coup de théâtre
Le jeune créateur Louis Gabriel Nouchi réinvente son défilé comme une performance théâtrale. Il convoque les acteurs de la Comédie Française pour une lecture d’extrait de l’étranger d’Albert Camus.

Regard en coulisse
Que serait la mode sans les retouches, mannequins et essayages ? Y/projet donne accès au backstage. Stylistes et modélistes s’activent, construisent et déconstruisent à la recherche du look parfait.