Entre accélération technologique, instabilités géopolitiques, nouveaux usages et évolutions réglementaires, les repères vacillent. Que veulent les clients de demain ? Quelles mutations anticiper dans son business model ? Comment concilier stabilité économique, éthique et durabilité ? Pour aider les marques à y voir plus clair, la Fédération française du prêt-à-porter féminin publie la seconde édition de FLAIR, un livre blanc prospectif qui décrypte les grandes tendances à l’œuvre et éclaire les changements à venir.
Un outil de prospective au service des professionnel·les
En 2024, FLAIR naît d’un constat simple : les dirigeants de la mode manquent de visibilité. En sondant ses membres, la Fédération Française du Prêt-à-Porter Féminin identifie ce besoin de repères, d’analyse et de projection sur les transformations à venir. Le livre blanc se veut alors un guide : « L’idée était d’apporter des éclairages concrets, des plus grands dirigeants aux plus petites structures », soutient Thibaut Ledunois, directeur de l’entrepreneuriat et de l’innovation. Tirée à 400 exemplaires puis rééditée et envoyée à plus de 2000 destinataires, la première parution a rencontré un large écho, confirmant la pertinence de l’initiative.
Début juillet 2025, la Fédération dévoile sa seconde édition. Le contexte n’a rien perdu en intensité : multiplication des liquidations judiciaires, percée fulgurante de l’intelligence artificielle, tensions géopolitiques, pression croissante de l’ultra fast-fashion… Face à cette complexité, ce deuxième livre entend accompagner les professionnels à travers quatre grands axes : l’influence, l’internationalisation, l’IA et les transformations systémiques.
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Mode sous influence, une industrie en mutation culturelle
Premier chapitre analysé : la « lifestylisation », cette tendance qui fusionne la mode à d’autres univers culturels – musique, gastronomie, gaming… Le vêtement est désormais une expérience à part entière, un vecteur d’identité autant qu’un support narratif. Certaines marques ont déjà pris le virage : Maison Château Rouge ou A.P.C. misent sur des collaborations artistiques et des formats événementiels ; Arntreal, de son côté, intègre des puces NFC dans ses produits pour proposer du contenu interactif et gamifié.
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“Il faut bien comprendre une chose : ceux qui vendront des habits demain ne seront pas forcément des marques. Influenceurs, artistes, créateurs de contenu : une nouvelle génération d’acteurs s’empare des codes et les réinvente.” Thibaut Ledunois, Directeur de l’entrepreneuriat et de l’innovation, FFPàPF
Or cette mutation soulève des tensions. « On le voit avec des cas comme Hôtel Mahfouf ou Je Ne Sais Quoi [marques créées respectivement par les influenceuses Léna Situations et Louise Aubéry NDLR]. C’est typiquement l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire », tranche-t-il. Popularité ne rime pas toujours avec maîtrise : qualité discutable, merchandising confus, absence de traçabilité ou de démarche RSE… « La mode n’est pas un jeu : c’est une industrie », rappelle-t-il. Pour la Fédération, l’enjeu est double : encadrer ces nouveaux acteurs et leur rappeler les fondamentaux du métier.
Avec la loi de 2023 sur les influenceurs, le cadre juridique s’est partiellement structuré. Mais le marketing d’influence s’impose désormais comme un levier stratégique incontournable. « Le client ne cherche plus seulement un vêtement, mais un point d’entrée dans un récit, une culture, une interaction. Il faut penser en termes d’écosystème », conclut Thibaut Ledunois.
Repenser l’internationalisation
« Aujourd’hui, vouloir s’inscrire en Chine sans passer par WeChat est illusoire. » Thibaut Ledunois, Directeur de l’entrepreneuriat et de l’innovation, FFPàPF
À l’heure où le marché français sature, les marchés étrangers s’imposent comme un levier vital. « Pendant longtemps, on a résumé l’international à des salons et à des acheteurs. Mais aujourd’hui, ce qui compte, c’est l’image, la prescription, la manière dont une marque se projette dans un territoire », analyse-t-il. FLAIR propose une lecture stratégique de trois zones clés.
En Chine, l’écosystème digital est tentaculaire. WeChat, le réseau social central, concentre à lui seul messagerie, e-commerce, CRM et fidélisation. « C’est un Internet à part entière. Aujourd’hui, vouloir s’inscrire en Chine sans passer par WeChat est illusoire », poursuit le directeur communication. Le live shopping est également dominé par Douyin tandis que REDNote structure la prescription féminine. En bref : un marché incontournable, mais qui exige une stratégie adaptée.
Le Moyen-Orient, de son côté, se distingue par un retail ultra-personnalisé et phygital, où l’hôtellerie de luxe devient un canal de vente à part entière. Des plateformes comme Ounass imposent leurs propres codes, entre exclusivité, expériences immersives et livraison express. Le potentiel est réel : une croissance de 7 % du marché de la mode y est attendue d’ici à 2027 [1]. Quant au Royaume-Uni, il reste l’un des sept principaux marchés mondiaux pour la mode française, malgré les turbulences liées au Brexit.
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IA : dépasser les fantasmes, outiller les usages
Difficile aujourd’hui de penser transformation sans évoquer l’intelligence artificielle. Pourtant, l’outil continue de susciter des inquiétudes. « Beaucoup ont peur de l’IA. Mais il faut sortir de cette lecture dystopique : c’est désormais un outil incontournable », résume Thibaut Ledunois, qui appelle toutes les marques à prendre le train en marche.
Sur cette thématique, l’approche de FLAIR est volontairement pragmatique, passant en revue les usages concrets – de la génération d’images au prototypage 3D jusqu’à la rédaction automatisée de contenus ou la gestion des stocks. Le livre cite notamment l’exemple de Sud Express, qui exploite les données sociales via LiveTrend pour adapter ses collections, ou celui de Kiabi, qui collabore avec imki pour accélérer ses processus de conception.
« L’IA n’est pas un simple service R&D : c’est une culture à intégrer. » Thibaut Ledunois, Directeur de l’entrepreneuriat et de l’innovation, FFPàPF
Mais l’enjeu dépasse la seule technologie. L’IA interroge les métiers, les méthodes, les compétences et soulève des zones d’ombre : biais sexistes, flou juridique sur le droit d’auteur, menace sur certaines expertises… « Ce n’est pas un simple service R&D : c’est une culture à intégrer », insiste-t-il. Bien utilisée, elle peut limiter les invendus et optimiser les flux ; mal maîtrisée, elle alimente une « surproduction technophile ». D’où l’appel de la Fédération à investir dans l’acculturation et la formation, pour que toutes les entreprises, quelles que soient leurs taille et niveau de maturité, puissent s’en emparer de façon éclairée.
Repenser les fondations
« Il faut accompagner les entreprises pour qu’elles prennent une longueur d’avance sur les réglementations à venir. » Thibaut Ledunois, Directeur de l’entrepreneuriat et de l’innovation, FFPàPF
La fin du livre blanc explore une série de thématiques devenues indissociables de l’avenir du secteur : made in France, décarbonation, PFAS, revalorisation, seconde main… Autant d’enjeux qui confirment que la durabilité n’est plus un supplément d’âme, mais bien une composante centrale de toute stratégie. « On voit bien que les marques ne peuvent plus passer à côté de ces sujets », affirme Thibaut Ledunois.
CSRD, loi AGEC, futur affichage environnemental, législation contre l’ultra fast-fashion… Les échéances s’accumulent d’ici à 2030. « Il faut accompagner les entreprises pour qu’elles prennent une longueur d’avance sur les réglementations à venir. Beaucoup veulent bouger, mais ne savent pas toujours par où commencer, ni comment se structurer », conclut-il. FLAIR se veut ainsi un levier de mobilisation collective, au service d’une transition concrète et partagée.
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Sources
[1] Euromonitor International
[2] ON (2024)