“Biodégradable” ou “compostable”, est-ce possible pour un vêtement ?
Rédigé par Victoire Satto
Le 17 avr. 2021
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La quasi-totalité des substances produites par le vivant sont “biodégradables” dans la Nature, mais cela peut prendre 10 ou 600 ans et s’associer ou non à des dépôts de microparticules… Et les vêtements « compostables », peuvent-ils être enterrés dans un potager citoyen ? Ces appellations de plus en plus présentes sont souvent floues. Afin que les vêtements “biodégradables et/ou compostables » ne constituent pas le terreau d’un nouveau greenwashing, on tente dans cet article de vous expliquer la différence entre ces termes et les conditions à respecter pour une décomposition écologique.
Biodégradation et compostabilité, quelques définitions
Qu’est-ce qu’un produit “biodégradable” ?
Un produit est dit biodégradable lorsqu’il réintègre l’environnement et contribue à un cycle de régénération de substances naturelles sans être néfaste.
Un vêtement biodégradable doit donc pouvoir être absorbé ou décomposé par des êtres vivants sans résidus non assimilables ou toxiques. Les conditions doivent être favorables (temps, chaleur, taux d’oxygène ou d’humidité).
Les êtres vivants sont des micro-organismes naturels comme des bactéries, des champignons ou encore des algues et la dégradation génère de l’énergie (biomasse, gaz méthane, dioxyde de carbone). Une composante temporelle est également nécessaire : selon la norme OCDE 301 A, pour obtenir une biodégradabilité facile, un produit doit en moins de 28 jours se biodégrader à 100% et 70% dans l’intervalle de 10 jours.
Pourquoi le terme biodégradable est parfois trompeur ?
Certains plastiques dérivés du pétrole sont biodégradables à l’oeil nu mais déposent en réalité de nombreuses micro-particules de plastique dans l’environnement. Il s’agit d’une fragmentation, non d’une disparition totale / absorption dans l’environnement. C’est ce qu’on appelle les substances « bio- ou oxo fragmentables ».
Par ailleurs, une substance peut être considérée comme biodégradable, mais pour autant générer de la pollution, comme par exemple les lessives industrielles qui se désagrègent mais acidifient les milieux aquatiques.
Enfin, les notions de temps et de quantité sont capitales : un vêtement en polyester sera biodégradable, mais cela prendra plusieurs siècles. 1000 mètres de coton biologique déposés au même endroit perturbent nécessairement l’écosystème local, même s’il est rempli de champignons et bactéries voraces !
Les alliages, le verre, les matières plastiques, les composites… sont autant de matières non biodégradables.
Qu’est-ce qu’un produit “compostable” ?
Une matière est compostable si elle peut être décomposée par l’action de compostage. Un vêtement ou un emballage vendu “compostable” doit pouvoir se dégrader dans un composteur industriel, pas dans votre jardin. La finalité du compostage est d’enrichir la terre / la matière issue du compostage est une sorte de super aliment.
Ce terme requiert des tests en laboratoire et des conditions strictes : une température comprise entre 70° et 80°C, une humidité d’environ 70% ainsi qu’un taux d’oxygène d’approximativement 20%. Un produit compostable doit répondre à des règles de dégradations définies par la norme européenne NF EN 13432. Ainsi, le compostage doit remplir les critères suivants :
- Vitesse de transformation / désintégration
- Stabilité des paramètres physico-chimiques
- Taille des particules
- Qualité du compost
Un composteur est un accélérateur de biodégradabilité, en revanche tout ce qui est compostable n’est pas biodégradable, compte tenu de la précision des paramètres à respecter.
Les substances « bio- ou oxo fragmentables »ne sont pas compostables et peuvent au contraire altérer la qualité des composts.
Pourquoi le terme compostable est parfois trompeur ?
Parce que la plupart des produits, comme les sacs compostables, ne sont vraiment décomposés qu’en conditions de compostage industriel.
Parce que certains produits vendus comme étant compostables ne le sont qu’en partie, c’est le cas d’un vêtement qui contiendrait une matière naturelle biologique non teintée, mais également des boutons, des rivets ou des zips qu’il est nécessaire de retirer avant de composter, ce qui en pratique n’est ni renseigné sur la fiche produit ni fait par les consommateur·ices finaux. Pour que des vêtements compostables soient effectivement compostés, ils doivent être réintégrés dans une filière industrielle de compostage à cet effet.
Existe-t-il réellement des vêtements biodégradables et compostables ?
Oui, si l’entièreté des composants le sont.
Chaque composant d’un vêtement biodégradable doit être décomposé dans le respect de l’environnement. Ce n’est pas une mince affaire car un vêtement se compose de multiples éléments !
Les boutons, des zips, les rivets, les sequins…Ces garnitures sont le plus souvent en plastique ou en métal qui ne se dégradent pas rapidement. Une alternative écologique ? La Milk Fiber, des boutons en protéine de lait caillé.
- Le mélange des matières, naturelles et synthétiques
- Les colorants ne doivent pas être synthétiques, dérivés du pétrole
- Le “finishing” (additions de caractéristiques techniques ou esthétiques à la matière, comme par exemple l’imperméabilité, la résistance au feu, aux plis…) également
- Le fil d’assemblage, majoritairement en polyester pour des questions de résistance.
L’enjeux actuel de l’industrie textile est de produire des vêtements dont la dégradation est rapide et ne laisse aucune trace. Une décomposition qui ne libère aucun gaz toxique, c’est possible et Picture Organic Clothing l’a prouvé avec un bel exemple de cercle vertueux. Dans cet article, on vous présente Earthen et Sience qui se transforment en matière organique après 3 à 5 ans de décomposition.
L’idéal serait que toute l’industrie textile se tourne vers une mode régénérative. De plus en plus de marques prennent le chemin de cette économie vertueuse, en fabriquant des vêtements entièrement naturels et biodégradables, issues de fibres animales ou végétales, qui régénèrent la terre en se décomposant, permettant ainsi de créer du tissu à nouveau !
Oui, si les conditions sont réunies
Pour que les vêtements soient biodégradables, voire compostables, l’objectif est de réduire au maximum la quantité de déchets qu’ils génèrent. En écoutant cet épisode, vous découvrirez comment la start-up TIPA a su proposer des matériaux alternatifs au polybag en plastique dans lesquels sont habituellement enveloppés les vêtements. L’investissement dans la recherche et le développement permet à un nombre croissant de marques de mettre en place des procédés et des infrastructures efficaces et propices à la décomposition des textiles.
Oui, si la science le prouve
L’étiquette ne fait pas le produit. S’il est facile d’attribuer aux vêtements les appellations “biodégradable” ou “compostable”, il faut également savoir démontrer ses dires, en mesurant avec précision l’empreinte carbone générée par la décomposition. L’appui scientifique est le meilleur allié des marques vers la transition écologique, comme en témoigne cet article sur la marque OTA, dans lequel on découvre comme la résistance des chaussures écologiques a dû passer une série de tests pour être validée.
La marque Cupro® l’a compris aussi et présente les différentes phases de décomposition des teintures utilisées pour colorer leurs pièces, photographies à l’appui.
Umoja a lancé une basket biodégradable, vraisemblablement compostable mais n’a pas affirmé ce terme en l’absence de tests labos requis à ces fins. Information et transparence, sont les maîtres mots !
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