Des microplastiques détectés en profondeur dans les poumons humains
Rédigé par Victoire Satto
Le 19 avr. 2022
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Après les microplastiques intra-utérins, une étude révèle pour la 1ère fois la présence de microparticules de plastique en profondeur dans les poumons d’humains vivants. Sur 13 patient·e·s soumis à des interventions chirurgicales thoraciques, 11 ont été prélevé·e·s à la recherche de plastique inframillimétrique inhalé. Tous les échantillons étaient positifs, le polypropylène et le PET étant les plus courants. Les conséquences environnementales et sur la santé humaine, notamment le risque cancérigène associé, sont encore largement sous estimés et l’industrie textile est massivement responsable de cette pollution aussi menaçante qu’invisible.
Les microparticules de plastique sont partout
Dans les années 1950, alors le plastique révolutionnait tous les marchés, personne n’avait anticipé le revers de la médaille. Ces dernières années, plusieurs études ont mis en évidence l’accumulation massive de volumes de petits débris plastiques et leurs conséquences environnementales dangereuses évidentes, appelant à de nouvelles investigations approfondies sur l’effet des micro- et nanoplastiques (MP et NP) sur la santé humaine en général et sur la cancérogenèse (la propension à générer des cancers).
Qu’appelle-t-on les micro et nano plastiques ?
Communément appelées « microplastiques », les particules sont respectivement définies par leur taille :
- Microplastiques : MP ; 0,1 à 5 000 µm (microns)
- Nanoplastiques : NP ; < 0,1 µm [2]
La responsabilité des vêtements synthétiques
Selon une étude du Marine Biology and Ecology Research Center (MBERC) en Angleterre, la charge plastique dégagée par les vêtements en fibres synthétiques (polyester, polyester-coton et acrylique) qui finit dans les eaux usées, s’élève à plus de 700 000 microparticules, par machine individuelle par foyer [3].

Collage à partir d’une publicité pour Shein, rappelant l’omniprésence de matières plastiques chez cette marque d’ultra fast-fashion.
De multiples localisations dans le corps humain
Les particules de plastique sont partout. Dans nos aliments : nous ingérons en moyenne cinq grammes de MP par semaine et par personne (correspondant approximativement à la masse d’une carte de crédit) selon la région dans laquelle nous vivons, notre mode de vie et notre alimentation [4] mais également dans l’air [5].
Via nos lessives (citoyennes et industrielles de vêtements synthétiques (le polyester représente 65% des matières utilisées par l’industrie vestimentaire dans le monde, et cela augmente) [6], des tonnes de particules de plastique atteignent les cours d’eau et la mer puis entrent dans la chaîne alimentaire par ingestion par la faune marine, via le sel et même l’eau potable.
Disclaimer DE TAILLE ! Une étude sur la consommation humaine de microparticules a estimé l’ingestion de 90 000 particules par apport d’eau annuel et par individu·e (sur la base d’une consommation normale moyenne) à partir de sources d’eau en bouteille, contre 40 000 microparticules par l’eau du robinet ! [7]
On sait désormais qu’elles infiltrent également le placenta humain. Récemment, un ensemble de données a été publié concernant la libération de particules de plastique par les biberons pour nourrissons, démontrant des valeurs allant de 14 600 à 4 500 000 MP (> 1 µm) ingérées par habitant et par jour. La stérilisation, l’eau chaude à au moins 70 °C, l’agitation et le refroidissement jusqu’à la température d’alimentation, induiraient une contrainte thermique et mécanique sur le matériau du biberon en plastique qui pourrait aggraver davantage la libération [8].
L’humanité a déjà introduit une quantité massive de plastique dans les environnements atmosphérique, terrestre et aquatique, rendant les déchets plastiques si omniprésents qu’ils pourraient même être identifiables pour les générations à venir, sous forme fossilisée. En plus d’avoir un impact sur des écosystèmes entiers, leurs conséquences sur la santé sont encore totalement mésestimées [9].

@Crédits Wikipédia – Microplastiques sédimentés dans les fleuves.
Des microparticules de plastique retrouvées pour la 1ère fois dans les poumons humains
Récemment relayée par The Guardian [10], une étude menée par l’équipe de recherche du Dr Laura Sadofsky de la faculté de médecine de Hull York au Royaume-Uni [11] publiée en mars 2022 dans la revue The Science of The Total Environment, a déterminé la présence de microplastiques dans les tissus pulmonaires d’être humains vivants, obtenus lors d’interventions chirurgicales.
13 échantillons de tissus pulmonaires humains étaient analysés par spectroscopie (μFTIR, capable de détecter des particules > à 3 μm) afin de les compter et de les caractériser. Au total, 39 microparticules de plastiques de types différents ont été identifiées dans 11 des 13 échantillons. Les taux de microparticules dans les échantillons de tissus étaient significativement plus élevés que ceux résultant de simulation d’inhalation en condition de laboratoire.
PET et polypropylène en tête de classement
Parmi les microparticules détectées, 12 types de polymères ont été identifiés. Le polypropylène ou PP (23%), le polyéthylène téréphtalate ou PET (18%) et la résine (15%) étaient les plus abondants.
Perturbations endocriniennes, cancérogenèse : des effets sous-estimés sur la santé
Échantillonnées dans le monde entier, la pollution microplastique est désormais omniprésente sur la planète. D’énormes quantités de déchets plastiques sont déversées dans l’environnement et les microplastiques contaminent chaque espace, du sommet du mont Everest aux océans les plus profonds [10]. Le vent et les pluies en apportent jusqu’au cœur des parcs nationaux protégés et des zones réputées les plus sauvages. Cela croit avec la fonte annuelle des glaces lors de laquelle une partie de ces microfibres de plastique piégées sont libérées dans l’eau.
La concentration des microplastiques en suspension dans l’air est connue pour augmenter dans les zones à forte population et activité humaines, en particulier à l’intérieur. Des symptômes et des maladies respiratoires à la suite d’une exposition à des concentrations professionnelles de microparticules de plastiques en suspension dans l’air ont été signalés dans des environnements industriels.
Les scientifiques ont déclaré “une inquiétude croissante concernant les risques » pour la santé. « Des recherches plus détaillées sur la façon dont les micro- et nano plastiques affectent les écosystèmes et le corps humain sont nécessaires de toute urgence”, de même que le ralentissement drastique de notre dépendance à ces matières, décriées par de nombreuses études, faisant pourtant toujours l’objet d’une croissance exponentielle.

Références
[1] Article original, The Guardian
[2] Gruber, E.S., Stadlbauer, V., Pichler, V. et al. To Waste or Not to Waste: Questioning Potential Health Risks of Micro- and Nanoplastics with a Focus on Their Ingestion and Potential Carcinogenicity.
Expo Health (2022). doi.org/10.1007/s12403-022-00470-8
[3] Release of synthetic microplastic plastic fibers from domestic washing machines: Effects of fabric type and washing conditions.
E.NapperRichard C.Thompson, Marine Pollution Bulletin, Volume 112, Issues 1–2, 15 November 2016, Pages 39-45 doi.org/10.1016/j.marpolbul.2016.09.025
[4] Senathirajah K, Attwood S, Bhagwat G, Carbery M, Wilson S, Palanisami T. Estimation of the mass of microplastics ingested – A pivotal first step towards human health risk assessment.
J Hazard Mater. 2021 Feb 15;404 (Pt B):124004. doi:10.1016/j.jhazmat.2020.124004
[5] Microplastics in air: Are we breathing it in?
Johnny Gasperi, Stephanie L.Wright, Rachid Dris, France Collard, Corinne Mandin, Mohamed Guerrouache, Valérie Langlois, Frank J.Kelly, Bruno Tassin. Environmental Science & Health Volume 1, February 2018, Pages 1-5
[7] Human Consumption of Microplastics
Cox KD, Covernton GA, Davies HL, Dower JF, Juanes F, Dudas SE.
Environ Sci Technol. 2019 Jun 18;53(12):7068-7074 doi: 10.1021/acs.est.9b01517
[8] Microplastic release from the degradation of polypropylene feeding bottles during infant formula preparation.
Li, D., Shi, Y., Yang, L. et al. Nat Food 1, 746–754 (2020) doi.org/10.1038/s43016-020-00171-y
[9] Persistence of Plastic Litter in the Oceans
Andrady, A. L. (2015) In M. Bergmann, L. Gutow & M. Klages (Eds.) Marine Anthropogenic Litter (pp. 57–72). Cham: Springer International Publishing.
[10] Obbard, R. W., Sadri, S., Wong, Y. Q., Khitun, A. A., Baker, I. et Thompson, R. C. (2014), Global warming releases microplastic legacy frozen in Arctic Sea ice, Earth’s Future, 2(6), 315-320.
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