Voilà déjà quelque temps que la question de la pollution liée au lavage de nos vêtements gagne en visibilité, au point d’être débattue depuis maintenant plusieurs années jusqu’au sommet de l’État français. On s’inquiète du poids environnemental de chaque cycle lancé sur nos machines domestiques, mais que sait-on vraiment de l’impact écologique des techniques (souvent obscures) utilisées par les pressings à l’échelle industrielle ? Puisqu’il faut bien laver son linge quelque part, on a mené l’enquête : est-il encore raisonnable de déposer ses vêtements au pressing et si oui, lequel ?
Tout d’abord, comment fonctionnent les pressings ?
Le secret des pressings pour nous rendre des vêtements impeccables en toutes circonstances : le nettoyage à sec. Terme trompeur s’il en est, le nettoyage à sec n’est pas sec à proprement parler. Plutôt que d’immerger le vêtement dans une solution d’eau et de lessive, il le trempe dans un solvant puissant capable, presque sans effort, de se débarrasser des tâches qu’il nous était jusqu’ici impossible d’effacer nous-même.
Selon la composition du vêtement qu’on y dépose, un pressing peut aussi être amené à réaliser un aquanettoyage, ou nettoyage à l’eau, c’est-à-dire un cycle classique en machine similaire à ceux que nous réalisons presque quotidiennement à domicile.
Une fois nettoyés, les vêtements sont séchés et repassés avant d’être rendus, impeccables, à leurs propriétaires.
Nettoyage à sec ou aquanettoyage : quels sont les dangers pour l’environnement ?
On connaît assez bien les effets négatifs du lavage à l’eau sur l’environnement. Qu’il soit pratiqué à la maison ou au pressing, les conséquences sont sensiblement les mêmes. Le lavage en machine est extrêmement gourmand en eau et en énergie. En moyenne, 14 % de l’énergie consommée par un foyer français est directement imputable au lave-linge.
Les effets de l’aquanettoyage sur la pollution de l’eau sont également considérables. 90 % des molécules contenues dans les lessives conventionnelles sont issues de la pétrochimie, ne sont pas biodégradables et empoisonnent l’eau. Chaque année, les foyers et les pressings français rejettent ainsi pas moins de 250 millions de litres de lessive dans l’environnement. Les lessives ne sont pas les seuls polluants que l’on retrouve dans les eaux rejetées par l’aquanettoyage. À chaque passage en machine, des millions de microfibres se détachent des textiles et se diffusent dans l’eau. Trop petites pour être filtrées par les stations d’épuration, elles terminent leurs courses dans les océans. Chaque année, l’Europe relâche ainsi pas moins de 13 000 tonnes de microfibres textiles dans les mers qui l’entourent.
Par conséquent, qu’il soit fait à la maison ou au pressing, le nettoyage à l’eau n’est pas aussi éco-responsable qu’on l’imagine. Stephan Cohen, ingénieur et fondateur de Hublo, pressing éco-responsable à domicile et spécialisé dans le nettoyage à sec, explique : “ Le pressing traditionnel a indéniablement un impact négatif sur l’environnement. Toutefois, qu’on choisisse le nettoyage à l’eau ou le nettoyage à sec, le passage au pressing permet de réduire son impact écologique par rapport à un lavage à la maison. Les machines utilisées pour l’aquanettoyage en pressing consomment tout de même bien moins d’eau que les machines grand public que nous utilisons tous et toutes à domicile. Toutefois, tous types de pollution confondus, y compris l’impact carbone et l’utilisation d’énergie, le nettoyage à sec est 2 fois moins polluant que l’aquanettoyage.”
Pour réduire son impact écologique, vaudrait-il donc mieux tremper ses vêtements dans des solvants chimiques puissants que dans de l’eau relevée d’un peu de lessive ?
Les machines utilisées pour le nettoyage à sec ne déversent pas d’eau usée, pas de lessive composée de molécules issues de la pétrochimie et pas de microfibres textiles dans l’environnement.
Les solvants utilisés, si leur existence et les vapeurs qu’ils dégagent peuvent effectivement être nocives pour l’environnement, ne sont pas jetés à l’issue du cycle de lavage. Ils sont sans cesse filtrés et réutilisés à l’infini, sans date de péremption. Toutefois, tous les solvants ne se valent pas d’un point de vue écologique. Pour être responsable, un pressing doit donc choisir le sien avec précautions. Autre avantage du lavage à sec : il ne froisse pas autant le vêtement que le lavage à l’eau et permet donc bien souvent d’économiser l’énergie habituellement dépensée lors du repassage.
Les techniques du pressing traditionnel ont également un impact sur la santé humaine…
Certaines lessives utilisées pour le lavage à l’eau, à domicile ou au pressing, présentent des composants chimiques dont on évalue encore mal les dangers sur la peau et sur la santé humaine. Toutefois, on sait qu’une lessive classique peut contenir jusqu’à 10 substances irritantes et allergisantes différentes. Le nettoyage à sec au pressing a lui aussi un impact sur la santé, notamment pour les ouvriers et ouvrières du secteur exposé·es aux vapeurs dégagées par les solvants. Ils provoquent, entre autres, des troubles respiratoires, des dysfonctionnements rénaux, des brûlures, des maux de tête, des vertiges voire des cancers. Le perchloroéthylène, solvant encore majoritairement utilisé dans les pressings à travers le monde entier, est extrêmement volatile et classé comme substance cancérogène par le CIRC Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC).
La toxicité de certains solvants est reconnue à l’échelle européenne. D’ici 2022 et afin de préserver la santé des populations, les pressings français ne seront plus autorisés à utiliser le perchloréthylène si leurs locaux sont situés à proximité de lieux d’habitation ou d’espaces occupés par des tiers. Des restrictions similaires existent ailleurs au sein de l’Union européenne et aux Etats-Unis.
Heureusement, les pressings évoluent vers des solutions alternatives plus responsables
Dans le cadre du nettoyage à sec, le choix du solvant tient un rôle important dans la réduction de l’impact écologique du pressing. Un pressing doit donc être renseigné sur les dangers des produits et sélectionner ses solvants avec précautions. Pour bien choisir son pressing, il faut s’armer d’un peu de patience et prendre le temps de s’informer sur les techniques et les produits qu’il utilise. Parmi les impacts négatifs des vapeurs de solvants sur l’environnement, on note notamment une forte empreinte carbones, une forte contribution au changement climatique et des dégâts causés sur la couche d’ozone. Pour limiter ces effets, il est possible de privilégier les pressings qui utilisent le solvant D5 avec distillation (aussi connu sous le nom scientifique et barbare de décaméthylcyclopentasiloxanes). Au contraire, on évite au maximum le perchloréthylène, l’arcaclean, le Ktex et le K4 (dibutoxyméthane).
Il convient également de se méfier des appellations “pressing écologique”, sans réelles garanties ni cadre juridique. Stéphane Cohen précise “L’industrie acceptent globalement que les pressings utilisent cette appellation dès qu’ils privilégient l’aquanettoyage, ou simplement dès qu’ils abandonnent l’utilisation du perchloréthylène. Dans les faits, cette appellation ne garantit pas l’utilisation d’un solvant alternatif foncièrement moins dangereux pour l’environnement et on sait que l’aquanettoyage n’est pas une solution éco-responsable.”
Si le nettoyage à sec n’utilise pas d’eau pour laver le vêtement, il en utilise pour refroidir les solvants. Pour réduire l’impact environnemental du nettoyage à sec et s’assurer de ne pas rejeter une seule goutte d’eau à l’égout, certains pressings peuvent recycler cette eau en circuit fermé plutôt que de la jeter à chaque refroidissement. Avec le pressing eco-responsable Hublo, Stéphane Cohen a mis un place un système alternatif permettant de réutiliser l’eau de refroidissement : “ L’eau utilisée en refroidissement dans les machines de nettoyage à sec est récupérée puis réutilisée directement pour le lavage, dans les machines de nettoyage à l’eau.” explique-t-il.
[1] Rapport d’enquête sur l’obsolescence des lave-linges