papier mur

Les bienfaits d’une activité manuelle sur notre cerveau

On lit “déconnexion” sur toutes les lèvres, pourtant notre temps d’écran va croissant. Faire une activité manuelle se présente comme une alternative idéale pour passer du temps de qualité sur projet sans objectif de productivité in fine. Tout ce qui touche au vêtement s’y prête particulièrement ! Choisir de coudre, de tricoter, de réparer, d’upcycler, de transformer ou de broder plutôt que de liker est bénéfique pour le cerveau et pour l’épanouissement personnel. Cela peut même être un vecteur de cohésion sociale et d’insertion sociale par l’acquisition d’un savoir-faire.

femme groupe machine à coudre

En quoi pratiquer une activité manuelle est bénéfique ? 

Couture, réparation, broderie, tricot, crochet, tufting, sashiko, tissage ont bénéficié d’un regain d’engouement pendant la période de confinement. Depuis, les lieux dans lesquels apprendre ou partager ces techniques se sont multipliés. À San Francisco, un mouvement est né, celui des Makers qui sont des férus d’artisanat et de DIY (Do It Yourself). Dans son article, l’ADN nous explique que la Silicon Valley se met à la menuiserie entre deux réunions Zoom, pour décompresser [1]. Mark Zuckerberg lui-même se serait laissé tenter par la couture. Alors, pourquoi pas nous ? 

Régulation des troubles émotionnels et amélioration des PTSD (syndrome de stress post-traumatique) 

Diminution du stress, guérison de traumatismes, augmentation de la concentration et accomplissement personnel, nombreuses sont les vertus de la pratique d’une activité manuelle. Créer quelque chose de concret avec ses mains a un impact direct sur notre corps et notre esprit. Ces exercices plongent les participant·e·s dans un état mental nommé le flow/flux, qui peut permettre d’atteindre un état de relaxation intense. Victoria Schindler, ergothérapeute, le rapproche de l’état méditatif et de pleine conscience qui procure une joie intérieure [2]. Ces activités seraient des moyens de contrôle qui ne requièrent pas de médicaments et qui pourtant arrivent à réguler les fortes émotions comme la colère ou la tristesse

Les activités manuelles vont jusqu’à avoir des effets thérapeutiques sur les personnes victimes de traumatismes. Elles ont aidé de nombreux soldats à surmonter leur trouble de stress post-traumatique ou à l’époque de la première guerre mondiale, “choc de l’obus”. Le docteur en art-thérapie Géraldine Canet raconte au Figaro que le fait de “faire”, stimule les sens et donc des affects, ce qui nous permet de donner du sens, “déposer nos souffrances” dans cette activité. Sophie Navinel, Infirmière à l’hôpital psychiatrique Georges Daumézon et chargée des ateliers d’arts plastiques, nous explique qu’elle travaille à la sociabilisation des patient·e·s à travers de la médiation artistique. Ses ateliers consistent à répondre aux envies des patient·e·s à la réalisation d’œuvre individuelle ou collective, avec ou sans thème. Elles permettent de développer la motricité fine (avec l’argile), la créativité ainsi que la revalorisation de l’estime de soi. Sophie incite les participant·e·s à continuer au-delà du cadre hospitalier en leur donnant les informations nécessaires pour continuer la pratique d’une activité en extrahospitalier. Les progrès sont significatifs pour les patient·e·s qui retrouvent un sentiment de détente avec la possibilité de laisser libre cours à leur imagination lors d’une activité manuelle. Nombreux·se·s sont celleux qui rapprochent leurs pratiques aux souvenirs de l’enfance et des cours d’arts plastiques qu’ils ont suivis. Ces ateliers laissent paraître de très belles œuvrent et histoires qu’elle nous raconte :

“M.P., fréquentant assidûment la salle de sport, venait me saluer tous les jours et plaisanter. J’ai maintes fois essayé de l’intéresser à la pratique d’arts plastiques sans succès, jusqu’au jour où une patiente qui essayait de faire une fleur en argile a réveillé chez lui quelque chose. Étant ancien pâtissier, il avait régulièrement fait des fleurs en pâte à sucre. Il s’est employé à lui montrer ces gestes si souvent réalisés dans le cadre de son exercice professionnel. Par la suite, il est venu tous les jours dans mon atelier afin de réaliser (pour la structure qui fêtait ses 10 ans) un gâteau d’anniversaire en argile garni de fleurs.”

L’hôpital a aussi été témoin du travail de l’artiste plasticien André Robillard, placé dès l’âge de sept ans dans l’école annexe de la structure. Il a fabriqué des fusils à l’aide d’objets de récupération pour “tuer la misère”, créé des cavaliers en bois, imaginé des engins spatiaux et utilisé beaucoup d’autres médiums qui ont fait l’objet d’une exposition au musée Kunstmuseum de Thurgau en Suisse. Sa reconnaissance est internationale, il est présent dans les collections du LaM (France), du Whitworth (Royaume-Uni) ou encore du MAC’s (Belgique), entre autres.

tricot

S’échapper du système production/consommation

Nous sommes conditionné·e·s à devenir toujours plus productif·ve·s jusque dans notre vie personnelle. Les écrans sont un outil supplémentaire, pressurisant, favorisant la dépression, en particulier chez les plus jeunes. La stimulation est constante, il faut donc veiller en permanence à ce que la vie ne soit pas qu’une succession de temps d’écran, explique le philosophe et écrivain Alexandre Lacroix dans une interview du podcast Vlan [3].

Pour lui, le temps d’écran est divisé en deux : 

  • Temps d’écran travail : zoom, réunion, fichier excel, word, messagerie  
  • Temps d’écran de loisir : réseaux sociaux, regarder un match, faire du shopping en ligne…

On se rend très vite compte qu’on est branché constamment. Nous ne sommes plus qu’un rouage d’un système de production/consommation car on ne réalise pas que, quand on est dans un temps d’écran travail, on produit, et que quand on est dans un temps d’écran loisir, on consomme.

Nous perdons la possibilité d’avoir des pensées autonomes, de développer sa propre créativité, de divaguer… Mais aussi notre patience et notre désir puisqu’avec la technologie, nous sommes sous le régime de la satisfaction en un clic. C’est devenu un circuit très court entre le désir et la satisfaction, ce qui développe nos comportements d’impulsion. On entre dans une sorte d’auto-exploitation pour maximiser ses profits, performer, produire, être joyeux et rapide dans sa consommation… Or, une activité manuelle comme la couture, la broderie, le tricot, le tufting, le travail du cuir et autre, requiert du temps et de la concentration pour aboutir à un objet concret dont le seul but est de s’épanouir. Quitter quelque temps le monde virtuel permet de se reconnecter au moment présent. 

Quels effets sur notre cerveau ?

Dans notre cerveau, la région de l’hypothalamus génère le stress. Lors d’une activité répétitive comme le tricot, le système nerveux parasympathique s’active et réduit le taux de cortisol, l’hormone du stress. C’est un processus chimique mis en route lors de pratiques d’activités manuelles qui stimulent la sécrétion d’un neurotransmetteur dopamine lié à notre système de récompense interne. Les activités qui engagent les sens avec des couleurs, des matières et des odeurs sont particulièrement recommandées. De plus, en se concentrant sur une tâche, cela occupe notre esprit et lui évite de penser aux facteurs de stress. Enfin, l’apprentissage d’une nouvelle discipline développe les facultés cérébrales et augmente la capacité de concentration. Les psychologues affirment que le développement d’un fort sentiment d’auto-efficacité est essentiel pour aborder les nouveaux défis et surmonter les déceptions de la vie.  

Réinsertion et cohésion sociale

Plus que cela, les activités manuelles permettent de reprendre confiance en soi. Le fait de réaliser quelque chose de tangible, crée un sentiment d’accomplissement. Ces pratiques sont particulièrement bénéfiques aux acteur·ice·s de réinsertion professionnelle. Sakina M’Sa, styliste comorienne, se rend à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis pour y donner des ateliers autour de la mode, aux détenus. Fondatrice d’une marque de prêt-à-porter éco responsable, elle est engagée dans la réinsertion sociale et crée son propre atelier de réinsertion. Situé à la Goutte d’Or, ce lieu imaginé dès son arrivée à Paris, était ouvert aux enfants et à leurs mères qui souhaitent apprendre à coudre des vêtements avec peu de moyens. C’est en 2008 que l’atelier Trevo a été agréé d’entreprise d’insertion. Puis, nouveau challenge pour Sakina : organiser un défilé au sein de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Cette initiative a permis la réalisation de portraits de ces femmes photographiées par Antoine d’Agata ainsi que la co-réalisation d’un film documentaire sur ces ateliers diffusé sur France 3. 50 détenues défilent et participent aux activités préparatoires, autour de l’évènement, la créatrice a organisé des ateliers de sensibilisation aux pratiques dans la mode. Pour beaucoup c’est l’occasion de se souvenir de leurs vies à l’extérieur et de se reconnecter à leur féminité. Le mot d’ordre de Sakina : « Ayez la tête haute, soyez fières, montrez que vous êtes belles ! ». [4]

Marilys, a été professeure de couture pendant 5 ans à la prison de Saint Martin de Ré dans les années 90. Elle nous raconte son rôle et les conditions dans lesquelles ont été donnés les cours. Il faut imaginer une femme de 50 ans, 1,65 m, professeure de couture et de coupe en école, avec un amour pour la rigueur et les choses bien faites.
Le rectorat lui a délégué une mission : donner des cours aux prisonniers de la maison centrale (spécialisée dans les lourdes peines) de l’île de Ré. L’objectif des professeures est de se rendre chacune à leur tour, une après-midi par semaine, pour apprendre à ces hommes à coudre des chemises pour les gardiens, des sacs postaux et des tenues d’infirmiers. Pendant une année scolaire, elles ont ainsi formé des détenus en passe d’être libérés, pour leur permettre d’atteindre un niveau de CAP et d’être recrutés dans des ateliers de couture et de coupe à la sortie. Ils percevaient aussi un maigre salaire pour chaque pièce produite, leur permettant de s’offrir l’accès à la télévision en cellule, des revues ou des aliments supplémentaires.
Il faut imaginer Marilys, professeure, arriver à la prison, passer par une batterie de grilles, chacune tenues par un gardien, pour atteindre l’atelier de couture. Une fois sur place, elle est enfermée seule, sans téléphone ou moyen de communication extérieur, avec 15 détenus pendant 4h. Quand on lui demande si elle avait peur, Marilys, répond qu’aucun d’entre eux n’avait intérêt à faire un pas de travers sinon les autres s’occupaient de son cas. Ils étaient très respectueux, parce qu’elle leur apportait quelque chose de l’extérieur, dont ils pourraient se servir pour la suite. Ils étaient calmes et studieux et montaient même ses affaires jusqu’à l’atelier. Pour le plus grand amusement de son époux, qui imaginait des “gars baraqués faire des points de croix et des ourlets”.

homme machine à coudre

La couture est fédératrice, les savoir-faire sont transmis entre générations, cultures et groupes. Aujourd’hui, cela se matérialise par des lieux de partage, des ateliers de couture ouverts à tous·tes et des repair cafés. Ce sont des endroits idéaux pour rencontrer des personnes aux mêmes centres d’intérêts et en apprendre davantage sur une pratique manuelle. Nous en avons fait la liste sur notre carte Mapstr ! Les marques aussi s’y mettent, les ateliers d’upcycling et de réparation débarquent dans les enseignes comme Levi’s, Resap ou encore Mondial Tissus

Références 

[1] L’ADN : La Silicon Valley (aussi) se met à la broderie et à la menuiserie, 2023
[2] La Bible de la Réparation : Réparer est bénéfique pour la santé mentale, 2022
[3] Vlan : Comment ne pas être esclave de la société ? 2022
[4] Reportage : Des détenues très seyantes, Libération, 2011

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