Jusqu’ici, le recyclage fiber-to-fiber du polyester était un procédé complexe, voire inexistant. Cette matière issue de la pétrochimie et représentant 54 % de la production mondiale de fibres, perd souvent en qualité quand elle est recyclée, ce qui empire quand elle est mélangée à d’autres fibres pour la conception d’un vêtement. Ainsi, seulement 14 % du polyester utilisé dans la mode est recyclé et il provient à 99 % de bouteilles plastique, pas d’anciennes fibres de polyester. Le recyclage de fibre à fibre est pourtant un enjeu majeur pour la mode, qui y voit la responsabilité de gérer son gâchis textile mais aussi l’opportunité de réutiliser l’une de ses matières les plus répandues de façon circulaire. Après des années de R&D, des entreprises sont en capacité de le faire, voire d’industrialiser le processus. Tour de certains acteurs prometteurs, de leurs méthodes et de leurs limites
CARBIOS : une enzyme sans précédent
CARBIOS est une entreprise française qui entend révolutionner le recyclage de polyester en Europe. Ses équipes scientifiques ont conçu une enzyme capable de dépolymériser le plastique, c'est-à-dire de le décomposer en molécules isolées (ou monomères), pour le retransformer ensuite en fibres textiles. Ce recyclage enzymatique permet de réutiliser tous types de déchets en PET, qu’ils aient déjà été recyclés ou non, avec une qualité finale équivalente au PET vierge. Un exploit relevé par la revue Nature. Cette innovation permet donc de recycler des vêtements en polyester, et n’a pas manqué d’attirer l’attention des géants de la mode : un consortium suit le projet de près depuis plusieurs années, composé des marques Patagonia, Puma, Salomon, TOMMY HILFIGER, et Calvin Klein.
Après la phase R&D en Auvergne, CARBIOS construit actuellement la première usine de biorecyclage au monde à Longlaville. Emmanuel Ladent, directeur général, détaille : “Nous avions prévu de faire 20% de recyclage fibre à fibre dans cette usine, mais avons réalisé qu’il y avait une demande dans ce domaine et pourrons donc aller jusqu’à 50%. Au total, nous traiterons 50 000 tonnes de déchets par an, ce qui équivaut à 300 ou 400 millions de T-shirts par exemple”. Outre le développement et le scaling, la récolte et le tri de gisements textiles adaptés est un autre défi. L’entreprise française va le relever notamment grâce à un partenariat avec TOMRA textile, pour la mise en place d'une filière efficace de collecte et préparation des déchets textiles en Europe du Nord. Une ouverture sur le marché asiatique est également envisagée : “Nous avons beaucoup de discussions avec des acteurs implantés en Asie, qui regardent notre technologie pour faire du fibre à fibre localement. On sent qu’il y a beaucoup d’intérêt.”
DEVENEZ MEMBRE
et accédez à tout notre contenu premium en illimité, bénéficiez de réduction sur nos clever books...