Le Wokewashing est une technique de communication utilisée par les marques pour vendre. Cela consiste à annoncer publiquement son « éveil », s’engager dans une cause sociale ou environnementale, sans véritablement agir en faveur de celle-ci. Cela génère l’image positive d’une bonne conscience qui est en réalité sans fondement, simple argument publicitaire.
« Woke Washing », la fausse prise de conscience des marques
Rédigé par Victoire Satto
Le 28 janv. 2022
Minutesde lecture
Green Washing, Social Washing, Feminism, Black Washing & White Washing… Le dernier né de la série ? Le Woke Washing. Cela désigne, pour une entreprise, le fait de communiquer largement sur un éveil de sa conscience (écologique, d’inclusivité raciale, de justice sociale etc). Ce terme est péjoratif car il témoigne d’une stratégie marketing, plus que d’une conviction profonde accompagnée d’actes tangibles de transformation de ses pratiques. Faisons un point pour ne pas nous laisser berner par les génies publicitaires.
Qu’est-ce que le Woke Washing ou Purpose Marketing ?
Les termes Woke / Aware / Awake signifient “réveillé / conscient / éveillé” à une cause. Il peut s’agir d’écologie, d’injustices sociales, raciales, d’exclusion de minorités ou encore de la condition féminine. La chanteuse Erykah Badu a popularisé l’expression il y a une dizaine d’années dans sa chanson Master Teacher, puis en 2012, utilisant la punchline “Stay woke” dans un message public de soutien aux Pussy Riot.
I am known to stay awake / A beautiful world I’m trying to find
Je suis connue pour rester éveillée / Au monde meilleur (littéralement beau) que je recherche
Vous n’étiez pas sensibilisé·e à l’impact environnemental de votre garde robe ? Ces documentaires ont pu vous ouvrir les yeux. Vous n’aviez jamais fait le lien entre exploitation des femmes et fast-fashion ? Quelques sessions TedX vous ont permis de vous rattraper. Vous ne saviez pas qu’un avocat importé polluait moins qu’un steak local ? Démonstration scientifique à l’appui. Jusqu’ici, tout va bien, votre éveil est réel. Si vous diffusez ces messages, il y a de bonnes chances pour qu’ils soient consciencieux et personne ne peut contester l’authenticité de votre lutte.
Comme toujours, cela se complique quand on use d’une bonne intention à des fins mercantiles (comme quand l’engagement écologique devient l’argument marketing principal d’une marque).
D’une intention réelle à une tendance publicitaire
Une conviction ne devrait avoir d’autre but que d’exister pour elle-même, le bas blesse quand elle est mise au service du profit. La lutte contre le racisme / l’homophobie / l’exploitation des ressources naturelles / le patriarcat est détournée de l’attention des citoyen·nes vers celle des consommateur·ices dans le but de générer du capital. On pourrait considérer que l’usage publicitaire de ces messages est un moyen d’amplifier leur portée. Malheureusement, le Woke Washing dessert la marque et la cause elle-même. Prenons l’exemple du racisme. Le mois de mai 2020 a vu la disparition de George Floyd, citoyen noir étouffé jusqu’à la mort sans motif avéré autre que le racisme des deux policiers américains en cause. L’indignation née par la suite sur les réseaux sociaux a mis en lumière d’autres pratiques racistes “ordinaires” plus pernicieuses, notamment celle de la non représentativité des personnes noires dans les médias et par les marques. Nous l’avons vu : l’inclusivité n’est pas une affaire de shooting. C’est pourtant le piège dans lequel se sont jetées toutes les marques l’été qui a suivi : à chaque arrêt de bus et de métro, les panneaux publicitaires affichaient un mannequin à la peau noire ou métisse. Il s’agissait de la façon la plus visible de faire son Mea Culpa, mais également la moins engagée. L’inclusivité n’existe alors que sur papier glacé. La réalité dans les entreprises ? Aucun effort n’est fait pour rendre accessibles les hautes fonctions et les prises de décision à ces mêmes citoyen·nes non blancs. De l’extérieur ? On peut penser que le problème est en voie de résolution, la lutte anti-racisme perd alors de son intensité.
Les campagnes Chanel (Pharell William), Hermès et Dior à l’été 2020
Woke Washing, le marques sont les premières perdantes
Ironie du sort à prévoir : les marques sont les premières à pâtir de ces faux engagements. Ces pratiques sont peu crédibles, non durables. Devinez quelle est la couleur majoritaire des mannequins blancs (d’Henri IV) sur les pubs cet hiver 2021… ?
La communication frauduleuse désagrège un peu plus notre confiance vis-à-vis des marques dont les comportements paradoxaux trahissent l’hypocrisie, dans une ère post-pandémie dans laquelle la transparence devient le maître mot. #balancetamode et son bullshit marketing. Les causes sociétales, environnementales et sociales sont les fondamentaux d’une marque, son ADN. Lorsqu’elle les a définis et si elle agit en cohérence, les scander à des fins publicitaires est non seulement inutile mais aussi décrédibilisant. On ne soigne pas les crises avec des pansements commerciaux en 4 x 3 sur les colonnes Morris. On les résout puis les prévient en interrogeant ses convictions principales dont découlent des actions efficaces par bon sens. Dans le cas de notre exemple sur le racisme, donner la parole et le pouvoir décisionnaire aux personnes de la minorité concernée est le premier moyen de les considérer, donc de les rendre visibles.
Les citoyen·nes sont bien (r)éveillé·es
Bien qu’on se passerait volontiers de certains trolls et haters sur Twitter, les réseaux donnent le pouvoir aux citoyen·ne·s de prendre la parole et d’accéder aux informations en temps réel, partout dans le monde. Une véritable arme pour les consommateur·ice·s, qui peuvent détruire ou applaudir une marque en quelques minutes seulement.
Le confinement a renforcé nos habitudes de consommation (de bien, de service, de culture) “tout digital”. Une étude dirigée par le groupe ZENO parue en juin 2020 faisait état des exigences de la GenZ vis à vis des marques. 9 sur 10 déclaraient que seules devaient survivre celles ayant une Raison d’Être voire une vraie mission d’entreprise (à titre d’exemple : Nespresso n’a pas de Raison d’Être. Si elle meurt demain, elle ne manquera à personne car elle ne répond à aucune fonction vitale ni de bien être physique, mental ou environnemental). Les punchlines de choc et les simples logos de certification ne sont plus suffisants pour transmettre ses valeurs et leur authenticité de façon tangible. 81 % des interrogé·e·s (> 8000) considéraient remettre en cause l’honnêteté des marques avant toute décision d’acheter. Une promesse non tenue est un client perdu.
Les motivations d’achats sont désormais doubles : stylistiques et en accord avec des convictions profondes de la part des consommateur·ice·s qui ne ne sont pas dupes du Woke Washing et le font savoir.
Références
- [1] QZ
- [2] BOF Podcast
- [3] The Strengh of Purpose – Study
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