Dans le monde de la mode, l'intelligence artificielle générative suscite davantage d'inquiétudes que d'enthousiasme. Certaines marques misent même sur l'exclusion de l’IA. Le groupe de luxe Richemont interdit, par exemple, à tous ses collaborateurs internes et externes de faire appel à l’intelligence artificielle générative. L'Oréal s’est également illustré en refusant d'adopter l'IA générative pour ses campagnes publicitaires, y voyant un paradoxe avec un discours marketing basé sur la réalité du corps humain. On peut difficilement leur donner tort. Alors que le débat fait rage, l'industrie de la mode résiste à une technologie qui semble dérober le geste créatif et les idées nées de l'interaction tactile avec les matériaux.
Des choix aussi catégoriques sont minoritaires mais ils soulignent les défis culturels et créatifs auxquels l'industrie de la mode est confrontée, face à l'intelligence artificielle. Néanmoins, tous les freins à l’intelligence artificielle ne sont pas aussi théoriques. Le développement de l’IA est aussi ralenti par des enjeux très terre à terre liés aux objets, aux matières, aux outils que manipulent les pros du secteur. “Dans mon école, la mode est l’un des départements où l’IA s’est le moins développée sur le plan pédagogique. Je pense que ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas dans la culture des designers de mode, les logiciels sont complexes à développer. Aussi, la création est beaucoup basée sur le geste et la matière, alors qu’on perd ce geste et les idées qui viennent pas le geste quand on travaille sur des machines.” analyse Anthony Masure, chercheur en design, professeur associé et responsable de la recherche à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD – Genève).
“Les IA sont aujourd’hui incapable d’intégrer la matérialité et les intrications des processus de production.” : Lire notre article Dans la mode, comment l’IA sert-elle le design ?
Pour les marques de luxe fondées sur les savoir-faire traditionnels, l’IA pose un problème d’image
Il est vrai que la mode n’est pas une industrie qui court après l’innovation technologique. Ici, le problème porte à la fois sur les IA génératives et sur les IA plus traditionnelles. L’innovation valorisée est plutôt technique et portée sur le design. Joachim Massias, directeur du MBA en Intelligence Artificielle et Data Innovation au pôle Vinci Executive Education, explique “Dans la mode et dans le luxe, il y a aussi un enjeu d’image. C’est un milieu dans lequel l’image est très basée sur le fait-main. Si une partie du process est réalisée par une IA, on porte atteinte à la marque”.
Se faire assister par une IA pour concevoir des vêtements au design innovant, c’est renoncer à la création quasi-artistique des designers de mode qui constitue un élément fort de l’identité de ces marques, et qui justifie en partie les prix de leurs produits. Assumer d’automatiser la production à l’aide de l’IA peut également menacer l’image de la marque en remettant en question l’imaginaire d’une production quasi-artisanale. Bien sûr, toutes les IA ne sont pas exclues. Les IA utiles au marketing sont toujours accueillies à bras ouverts !
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