Tendance gorpcore, la mode inspirée du plein air se met-elle au vert ?
Rédigé par Marion Jourdan
Le 22 mars 2021
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Le gorpcore n’est ni un cocktail russe, ni un nouveau groupe de métal. Il est une tendance de mode inspirée du vestiaire de l’alpinisme où l’on troque notre trench pour une doudoune et nos sneakers pour des chaussures de rando. Si le gorpcore marque l’avènement du vestiaire du randonneur et lui fait une place sur les défilés, qu’en est-il des valeurs intrinsèques qu’il véhicule ? La pratique de sport en plein air va souvent de paire avec un amour pour la nature, rarement munie d’une tente ou d’une gourde de luxe. Si la mode semble prendre de la hauteur, quant est-il de ses progrès en termes de durabilité et d’éco-responsabilité ?
Le gorpcore
Le gorpcore désigne le style outdoor à la fois technique et confortable porté par des urbains pour la vie de tous les jours. Le préfixe “gorp” n’est autre que l’acronyme de “good, oats, raisins, peanuts”, la collation énergisante des randonneurs. L’heure de gloire du vêtement de l’alpiniste a sonné. Asap Rocky se pare d’une doudoune au sortir de la New York Fashion Week en A/H 2017 tandis que Drake performe vêtu d’une parka Stone Island.
© Style du monde
Le Vieux Campeur, repère du randonneur passionné devient le haut lieu du gorpcore où trouver des pièces ultra-techniques devenues à la mode. Il attire les amoureux de la nature comme du bitume pour un usage qui s’étend de l’ascension de sommets à la recherche du look le plus pointu à endosser lors des défilés.
Cet engouement pour l’outdoor est récent. Les vêtements de sport outdoor ont pendant très longtemps été jugés comme peu flatteurs. Le gilet sans manches Poivre Blanc, le K-way flashy, ou encore les sandales à scratch Decath était plus une source de raillerie que d’admiration. La priorité était de répondre aux besoins fonctionnels nécessaires à la pratique du sport en plein air avant de s’attarder sur l’esthétique. Avec la tendance gorpcore, la mode puise dans les codes de l’outdoor que ce soit dans l’esthétique des défilés, les campagnes publicitaires ou dans le développement de certains produits spécifiques. Il n’y a rien de nouveau là-dedans. Les marques s’inspirent des sous-cultures et les diffusent plus globalement. Après les dandys, les punks, les hippies… vient le tour du randonneur, de l’aventurier, de l’explorateur.
Les marques surfent sur la tendance Gorpcore
Les collaborations entre la mode et l’outdoor fusent, permettant de s’adresser à une clientèle sportive et dynamique pour l’un et bénéficiant de la désirabilité et de l’exclusivité pour l’autre.
© Gucci X The North Face 2020
La collab Gucci X The North Face qu’elle soit appréciée ou non fait réagir. Pendant quelques minutes, les mannequins déambulent au milieu de splendides montagnes. Les avis sont multiples et partagés. Si la collab Gucci X The North Face rencontre un franc grand succès, elle n’est pas moins qu’une campagne de communication bien rodée qui fait appel à un besoin d’évasion grandissant dans une période où les libertés sont réduites.
© Collection Eye/LOEWE/Nature Automne/Hiver 2021
Mousquetons, duvets, baudriers, chaussures inspirées de l’escalade et de la rando… le parfait équipement pour une immersion dans la nature en mode Luxe.
© Prada Escape et Selfridges
Prada Escape dresse un espace inspiré de voyage et de l’outdoor dans le magasin Selfridges à Londres. Une galerie de gourdes, de parkas à motifs militaires, de chaussures de randonnée…
Les marques de mode et de luxe rendent la nature désirable en y associant leur image. Ce phénomène soulève des questions :
La mode peut-elle s’approprier la nature pour vendre ses produits ?
Les marques surfent-elles sur ce besoin de reconnexion avec la nature ? Où vont-elles également s’inscrire dans ce désir de préserver l’environnement ?
En quoi la tendance gorpcore peut-elle être dérangeante ?
Qui dit à la mode dit démodé
La mode par définition est un renouvellement de tendances et induit une obsolescence stylistique programmée : un vêtement à la mode sera tôt ou tard démodé. Si la tendance gorpcore a une date de péremption sur les podiums de défilé, la nature n’en reste pas moins menacée. Cette décennie est marquée par une prise de conscience des conséquences sociales et écologiques de nos actions sur la planète. Utiliser la nature comme décor pour des campagnes de publicité ou lors de défilés dans le but de vendre de nouveaux produits soulève une problématique environnementale réelle. Les marques de mode et de luxe ne peuvent plus se contenter de puiser dans les codes de l’outdoor et emprunter des références au randonneur si elles ne mettent rien de concret en place pour préserver la nature. En cela les marques d’outdoor éco-responsables et les maisons de mode semblent nager à contre-courant.
Un outdoor non dénaturé
Les marques d’outdoor éco-responsables militent pour l’environnement et la durabilité des vêtements avec des designs intemporels et des matières résistantes. Engagement qu’elles préfèrent bien souvent manifester par des actes tangibles plutôt que des campagnes de publicité.
© Peter Hackett, Yvon Chouinard, fondateur de Patagonia et son ami Rick Ridgeway en Alaska, 1986
“ Patagonia existe pour sauver la planète” telle est sa raison d’être. L’initiative Worn Wear permet au client de ramener un vêtement Patagonia usagé pour le faire réparer ou d’obtenir un bon d’achat en échange. Elle rend également possible l’achat des produits de la marque en seconde main et prolonge ainsi la durabilité et l’impact environnemental du vêtement.
Les fondateurs de Picture Organic Clothing, Julien, Jérémy et Vincent font leur statement : « Nous avons créé Picture Organic Clothing pour inspirer un mode de vie éco-responsable à travers notre passion de la ride. Développer les produits de demain qui contribueront activement à la lutte contre le changement climatique, voilà notre mission .» La marque tient des engagements forts. Depuis cinq ans, ils ont bannis des PFC, les substances chimiques utilisées pour imperméabiliser les vêtements et les chaussures. 98% des marchandises sont acheminées par bateau. Leurs enjeux futurs sont de sortir de l’énergie fossile et de favoriser le biosourcing.
Maintenant que les marques de mode et de luxe s’imprègnent de la nature, que l’outdoor se place au devant de la scène, ne serait-il pas temps que la première à bénéficier de cette visibilité soit la nature elle-même ?
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