Avant l’avènement du concept de transition écologique, une autre notion était employée : celle de développement durable. Les précurseur·ses de la mode éco-responsable voyaient dans ses préceptes la possibilité de façonner un monde juste et équitable, où le développement économique irait de pair avec les avancées sociales et la préservation de l’environnement. Qu’est-ce qui distingue le développement durable de la transition écologique ? Pourquoi avoir commencé à parler de transition écologique alors qu’existait déjà un concept ficelé et largement démocratisé ? Comment l’échec du développement durable a fait émerger la notion de transition écologique ?
Une prise de conscience progressive des enjeux écologiques
Après deux siècles d’industrialisation, ce n’est qu’au courant des années 1960-1970 que les études scientifiques se multiplient et mettent en garde les sociétés occidentales sur l’incompatibilité de leurs modes de vie avec la préservation des écosystèmes. La prise de conscience des institutions est progressive. En 1971 lors du “message de Menton”, 2 200 scientifiques interpellent le secrétaire général des Nations Unies sur les conditions d’existence de l’humanité qui, à terme, deviendront invivables. L’explosion démographique des Trente Glorieuses et la pollution croissante exacerbent la crainte d’une raréfaction des ressources naturelles, menant à l’effondrement des modèles occidentaux de société. En 1972, The Limits to Growth, plus connu sous le nom de “Rapport Meadows”, déploie une méthodologie combinant des variables démographiques, industrielles, agricoles et extractives pour modéliser des scénarios d’évolution de la planète. Le rapport aboutit à la conclusion que la “croissance exponentielle” mène l’écosystème mondial à sa perte, que le progrès technique ne saurait que retarder, et appelle ainsi à une “une transition de la croissance vers l’équilibre global”.
La définition du développement durable fait l’objet de diverses interprétations
Dès son apparition en 1987, le concept de développement durable est défini comme un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. La voie est ouverte à diverses interprétations. Si l’objectif de soutenabilité (qu’on appelle aussi “durabilité”) semble faire consensus, son application fait débat car deux conceptions de la soutenabilité s’opposent. D’une part, l’hypothèse de soutenabilité forte suppose qu’il existe un stock de capital naturel critique à préserver, sans quoi la vie humaine ne saurait être maintenue. D’autre part, l’hypothèse de soutenabilité faible considère qu’il existe une substituabilité entre les différents capitaux, de sorte que le capital technique pourrait remplacer le capital naturel si le stock global de capital ne diminue pas. Autrement dit, l’épuisement des ressources naturelles est acceptable si la compensation par des technologies garantit des conditions d’existence aux générations futures au moins équivalentes à celles des générations actuelles. Le développement durable prôné par le néo-libéralisme et porté par les Nations-Unies est conçu dans une perspective de soutenabilité faible, où les sphères économique, sociale et environnementale sont mises sur le même plan, les unes pouvant compenser les autres tant que le stock total n’est pas amoindri. On est loin de l’état stationnaire du Rapport Meadows où l’économique et le social se subordonnent à l’environnemental.
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