une usine de tri des textiles où on voit des vêtements triés, en piles, par couleurs

Comment atteindre les objectifs de recyclage de l’UE d’ici 2030 ?

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En Europe, en 2020, 1 % seulement des fibres textiles jetées étaient recyclées en nouvelles fibres. L’UE vise 20 % au moins en 2030. Comme souvent, la loi précède la solution. En d’autres termes, l’industrie sait où elle doit aller, mais elle ne sait pas encore comment. On peut y voir un problème, mais on peut aussi y voir une manière de stimuler l’innovation. A l’approche de l’échéance, quelles sont les solutions technologiques pour approcher la mode de la circularité ?

Petit rappel sur les chiffres de production et de la consommation de produits textiles

Environ 5,8 millions de tonnes de textile sont jetées dans l’UE chaque année, soit environ 11 kg par personne. À l’échelle mondiale, cela correspond à un camion qui serait déchargé ou incinéré chaque seconde. Ce phénomène est aggravé par l’ultra-fast-fashion qui se base sur le principe du renouvellement constant des garde-robes. En effet, les vêtements représentant la majeure partie de la consommation textile de l’UE (81 %), l’accélération et l’intensification des achats de vêtements avant de les jeter contribuent ainsi à des modèles de surproduction et de surconsommation intenables. Il est frappant de constater que les prix des vêtements dans l’UE ont diminué de plus de 30 % par rapport à l’inflation entre 1996 et 2018. Pour autant les dépenses moyennes des ménages consacrées à l’habillement ont augmenté. 

Quel est le cap fixé par l’UE pour le recyclage des textiles ?

Le modèle de production en place est linéaire. Il ne prend pas en compte le réemploi, la réparation et le recyclage des fibres en boucle fermée. Pour y remédier, l’UE exige que 2,5 millions de tonnes de textiles soient recyclés d’ici 2030. D’ici 2024, les pays de l’UE devront également mettre en place le tri obligatoire des déchets textiles.

Dans une communication de mars 2022, la Commission européenne énonce clairement la stratégie de l’UE pour des textiles durables et circulaires, qui vise à créer un cadre cohérent pour la transition du secteur textile. Le déploiement de cette stratégie tient en six volets : 

  • introduire des exigences obligatoires en matière d’écoconception, 
  • mettre fin à la destruction des textiles invendus ou retournés,
  • lutter contre la pollution par les microplastiques, 
  • introduire des exigences en matière d’information et un passeport numérique des produits,
  • développer des allégations écologiques pour des textiles véritablement durables, 
  • mettre l’accent sur la responsabilité élargie des producteurs et la promotion du réemploi et du recyclage des déchets textiles.

Une personne habillée de sacs poubelles contenant des vêtements usagés

Malheureusement, la chaîne de recyclage n’est pour l’instant pas assez dimensionnée pour cet objectif. Les solutions technologiques ne sont même pas clairement identifiées. Il n’existe par exemple pas encore de technique efficace qui permette de recycler les textiles composés de fibres mélangées. Par ailleurs, les inégalités de ressources entre les Etats membres sont également très grandes : certains pays comme l’Italie ou la Slovénie sont par exemple plus avancés dans une nouvelle technique de recyclage infini du nylon.

Va-t-on pouvoir y arriver, et comment ?

Quand la fast fashion se met au recyclage

Financé en partie par Inditex, Moda Re s’apprête à agrandir ses sites dans plusieurs villes espagnoles afin de renforcer ses capacités de tri, de traitement et de recyclage des vêtements, en réponse à une série de nouvelles propositions de l’UE visant à amoindrir l’impact négatif de l’industrie textile. Née en réponse à la loi de l’UE exigeant des États membres qu’ils séparent les textiles des autres déchets à partir de janvier 2025, une association à but non lucratif est financée par H&M, Mango ou encore Inditex afin de gérer les déchets textiles. Inditex, qui déclarait en mars avoir mis sur le marché 10 % de vêtements en plus l’année dernière par rapport à 2021, vise à utiliser 40 % de fibres recyclées dans les vêtements d’ici 2030. 

Les entreprises ont commencé à prendre des mesures, mais il reste encore beaucoup à faire. Inditex déclare qu’il investirait 3,5 millions d’euros dans Moda Re sur une période de trois ans et qu’il avait installé des conteneurs de recyclage dans tous ses magasins espagnols. Entre 6 et 7 milliards d’euros d’investissement seront nécessaires d’ici 2030 pour créer l’échelle de traitement et de recyclage des déchets textiles que l’UE vise. Cependant, des dispositifs mis en place par les marques ces dernières années pour récupérer les vêtements usagés et les recycler ont malheureusement déjà manqué aux maigres promesses tenues. Pour la plupart, il s’agit essentiellement d’une volonté marketing de redorer son image de marque en montrant une préoccupation malhonnête pour les enjeux environnementaux. 

L’initiative Rehubs

Rehubs Europe reprend à son compte l’objectif de Rehubs, une initiative de l’Euratex (la Confédération européenne de l’habillement et du textile, qui représente quelque 154.000 entreprises textiles européennes pour 1,47 million d’emplois et 53 milliards d’euros d’exportations), à savoir accompagner le recyclage des 2,5 millions de tonnes de déchets textiles à horizon 2030. En devenant une entité juridique à part entière, cette initiative vise à coordonner les divers acteurs européens de la collecte, du tri et du recyclage des déchets textiles. Rehubs va devenir une entité juridique à part entière, qui pourra accueillir ensuite en son sein tous les acteurs qui souhaiteront prendre part au développement coordonné de la filière européenne du recyclage textile. Plusieurs “projets de capacité” devront ainsi voir le jour, et notamment le projet “transform waste into feedstock” (transformer les déchets en source d’approvisionnement), qui a pour objectif de créer la première installation capable de recycler 50.000 tonnes de textiles par an. Euratex estime que le recyclage textile pourrait générer 15.000 emplois directs en Europe et entre 3,5 et 4,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires, d’ici à 2030. Il serait donc même possible d’imaginer que l’on progresse dans la durabilité grâce à une logique d’avantages économiques et de création d’emploi !

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