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[Open Editorial] Comment construire une marque responsable dans un système qui ne l’est pas ?

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Créer une marque responsable dans un système qui ne l’est pas relève d’un véritable acte de résistance. Dans un paysage dominé par la fast fashion, où les logiques de volume, de vitesse et de prix bas dictent les règles, vouloir produire peu, bien, et localement semble à contre-courant.  Pourtant, de plus en plus de marques émergent avec cette volonté de redonner du sens à l’acte de créer et à celui de s’habiller — à l’image de marques responsables, élégantes et engagées, qui réconcilient style, éthique et exigence. Mais que signifie concrètement construire une marque responsable dans un système pensé pour tout l’inverse ? Quels sont les obstacles invisibles, les arbitrages quotidiens, les paradoxes à surmonter ? Cet article propose un regard lucide et nourri de terrain sur les coulisses d’une mode engagée, entre conviction, complexité et espoir.

Par Svetlana K., fondatrice de la marque éponyme et créatrice de mode

Dans le système actuel, la notion de mode responsable est un oxymore 

La logique du volume contre la responsabilité

L’industrie de la mode telle qu’elle fonctionne aujourd’hui repose sur une équation simple : produire beaucoup, vite, et à bas coût. Ce modèle, hérité de la mondialisation et dopé par la révolution numérique, favorise les acteurs capables d’inonder le marché de nouveautés hebdomadaires, voire quotidiennes. Réduire l’empreinte de la mode et restaurer sa valeur signifie nécessairement limiter les volumes, vers moins et mieux. En l’absence de réelle transformation vers des modèles de précision et circulairesla notion même de responsabilité semble antinomique avec la logique dominante.

Le site Svetlana K.

Pressions économiques et prix faussés

Les pressions économiques sont multiples : les marques doivent maintenir des marges élevées tout en répondant à une demande volatile, dictée par des tendances éphémères et des algorithmes impitoyables. Les plateformes désormais dominantes — Shein, Amazon, Meta et consorts — imposent un rythme d’exposition auquel peu de marques artisanales peuvent suivre. Les contenus les plus visibles sont souvent les plus récents, les plus tapageurs, les moins chers. L’économie de l’attention récompense la quantité, pas la qualité.

À cela s’ajoute une pression majeure : celle du prix. Dans un paysage saturé de vêtements vendus à 5, 10 ou 20 euros, la fast fashion a façonné une norme invisible selon laquelle un vêtement ne devrait pas coûter cher. Cette perception fausse occulte les réalités économiques d’une production éthique : matières écoresponsables certifiées, confection en ateliers à taille humaine, salaires justes, marges modestes… Ce sont ces choix de fond qui expliquent le prix d’un vêtement durable : pas une volonté d’exclure, mais un engagement envers la dignité des personnes et des ressources.

Un paradoxe douloureux pour les marques engagées

“Pour se rendre visible, une marque responsable doit souvent utiliser les codes d’un système dont elle conteste les fondements” Svetlana K., fondatrice de la marque éponyme

Face à un public habitué à des prix artificiellement bas, les marques responsables doivent sans cesse justifier leurs tarifs, expliquer ce qui devrait être une évidence : le vrai coût d’un vêtement conçu avec respect. Cette pédagogie constante est épuisante, d’autant qu’elle ne garantit pas toujours la conversion ou la fidélité.

Dans ce climat, les marques responsables se retrouvent face à un dilemme : comment exister sans renier ses valeurs ? Car les règles du jeu ne sont pas neutres. Elles favorisent les cycles courts, les volumes élevés, l’externalisation à bas coût. À l’inverse, les choix durables : matières certifiées, production locale, rythmes humains — coûtent plus cher, prennent plus de temps, et sont souvent invisibles aux yeux du consommateur pressé.

Ce déséquilibre systémique crée un paradoxe douloureux : pour se rendre visible, une marque responsable doit souvent utiliser les codes d’un système dont elle conteste les fondements. Créer du contenu en masse, multiplier les points de contact, faire des promotions pour rester compétitive… autant d’actions qui peuvent sembler en contradiction avec une démarche de sobriété, de temps long, de sens.

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Svetlana K. Fondatrice de la marque éponyme

Algorithmes et invisibilisation des démarches sincères

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