Plasticenta, les 1ères preuves de microplastiques dans le placenta humain
Rédigé par Victoire Satto
Le 29 janv. 2022
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Depuis 2011, on mesure l’impact des microparticules de plastiques, dont ceux issus de textiles synthétiques qui se détachent des vêtements à chaque lavage vers les océans. Le relarguage est massif depuis ces deux dernières décennies et directement corrélé à la consommation de vêtements de basse qualité. Janvier 2021 marque un tournant dans l’Histoire de l’Humanité : une équipe de scientifiques italien·nes vient de publier les résultats d’une étude témoignant de la présence de ces microparticules dans le placenta humain. Elles sont au contact direct du fœtus. Leur impact sur leur santé et celle du corps des femmes est encore peu connu, et largement sous-estimé.
Microparticules, utérus, placenta : de quoi parle-t-on ?
Les microplastiques sont des particules inférieures à 5 mm issues de la dégradation d’objets en plastique dans l’environnement. Il s’agit de fragments de matières synthétiques issues de la transformation du pétrole par l’Homme. Aujourd’hui, les microparticules sont partout : au fond des océans, dans l’eau qu’on boit, l’air qu’on respire, les poissons qu’on mange, même dans les sites les plus protégés comme le sommet de l’Everest. On ne connaît pas leur impact sur la santé ni les meilleures pratiques pour limiter leur diffusion, mais on sait qu’elles passent de l’environnement aux organismes vivants. Depuis la publication récente d’une italienne dans Environment International – une des plus prestigieuses revues scientifiques – on sait désormais qu’elles atteignent également l’utérus, un des organes reproducteur du sexe féminin, et le placenta.
Le placenta est un organe unique formé pendant et pour une grossesse. Il se développe à l’intérieur de l’utérus et connecte physiquement le fœtus à sa mère, il joue le rôle de relais nourricier, c’est par lui que transitent l’oxygène, les nutriments, mais également les toxiques présents dans le corps maternel. À titre d’exemple, l’exposition des fœtus à l’air sale de la pollution atmosphérique lié à la circulation automobile et la combustion d’ énergies fossiles (charbon, pétrole) est déjà démontrée et responsable d’un nombre accrue de fausses-couches, de naissances prématurées et du poids anormalement bas de bébés à la naissance.
Les résultats de l’étude : des bébés cyborgs entre biologiques et plastiques
Dans cette étude [1] , six placentas humains, collectés auprès de femmes consentantes avec des grossesses spontanées, ont été analysés pour évaluer la présence de microplastiques. Au total, 12 fragments microplastiques (de 5 à 10 μm de taille), de forme sphérique ou irrégulière ont été retrouvés dans 4 placentas. Les fragments analysés ont été caractérisés et proviennent de sources variées comme d’emballages, de peintures, d’adhésifs, de plâtres ou encore de cosmétiques. 4% environ de chaque placenta a été analysé, ce qui laisse à penser que le nombre total de microplastiques était beaucoup plus élevé. La taille de ces particules (10 microns ou 0,01 mm) les rend aptes à passer dans la circulation sanguine et il existe une grande probabilité pour qu’elles soient également présentes dans le corps du fœtus. Ça n’a pas été démontré chez l’Humain mais chez le rat où les microparticules infiltrent le foie, des poumons, les reins, le cœur, le cerveau des fœtus.
Pourquoi cette découverte est très préoccupante
Des effets inconnus et sous-estimés sur la santé humaine
Les particules ont probablement été consommées ou inhalées par les mères, leur impact sur leur santé et celle des fœtus est encore inconnu. En raison du rôle crucial du placenta dans le développement du fœtus et de son statut d’interface entre le fœtus et l’environnement extérieur, la présence de microparticules de plastiques est extrêmement préoccupante pour le monde scientifique. Les conséquences possibles sur la reproduction, la grossesse et le développement de nos enfants à venir sont totalement sous-estimées. Les scientifiques déclarent que ces microparticules peuvent véhiculer des produits chimiques toxiques, susceptibles de causer des dommages à long terme sur l’ADN (ce qui est le point de départ des cancers) ou encore de perturber la croissance ou le bon développement du système immunitaire d’un fœtus.
Les bébés naissent pré-pollués.
Elizabeth Salter Green
La menace du plastique est croissante
Ce qui est dramatique, c’est que la cause de ces aberrations – la production, l’usage et la dégradation du plastique – est identifiée et que l’Homme d’y remédie pas. Le monde a produit plus de plastique depuis 2000 que durant les 50 ans précédents [4], en majorité des produits à usage unique et des emballages. 400 millions de tonnes de plastique produites dans le monde chaque année contre 2 millions en 1950. 40% du plastique produit est jeté au bout d’un mois.
Cela concerne aussi la mode : en 2019, le polyester est la 2e matière la plus utilisée à quasi égalité avec le coton et il est démontré que la libération de microparticules est directement corrélée à la fast-fashion et plus importante sur les côtes océaniques des pays développés. Les matières recyclées sont une solution limitée qui ne règle pas la question de l’hyperproduction.
Il est plus que temps d’agir. Tant qu’on ne fera pas face à la réalité du problème, on ne consacrera pas de temps et d’argent à sa résolution. Les entreprises doivent prendre leurs responsabilités et travailler à des alternatives biosourcées et biodégradables, repenser leurs modèles économiques au profit de la déconsommation et de l’usage.
Les citoyen·nes doivent comprendre qu’il faut investir dans des vêtements bien fabriqués en privilégiant les matières naturelles et en conservant leurs vêtements le plus longtemps possible. Le vêtement le plus éthique est celui qu’on ne produit pas. Aucun matériau ne présente un impact nul, il n’y a que des compromis.
Quel compromis êtes vous prêt·e à faire quand il s’agit de la santé de nos futur·es enfants ?
Références
[1] Environment International – Volume 146, January 2021, 106274
[2] The Guardian – Microplastics revealed in the placentas of unborn babies
[3] The Guardian – Air pollution particles found on foetal side of placentas
[4] Les Echos
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