L'hémicycle du parlement européen

Devoir de vigilance : pourquoi l’Europe n’a-t-elle pas voulu de la CSDDD ?

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La directive européenne CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) visant à renforcer la vigilance des grandes entreprises à l'égard du respect des droits socio-environnementaux dans leurs chaînes d'approvisionnement, a été bloquée le 28 février par une majorité d'États membres de l'Union européenne, dont la France. Prévu pour être réexaminé le 13 mars, ce projet soulève des questions cruciales pour l'industrie de la mode. Comment interpréter le rejet du parlement et quelles sont les implications pour le secteur ?

Le comité des représentant·es permanent·es de l’UE, ou COREPER, n’a pas réussi à obtenir une majorité autour du texte approuvé en décembre par les eurodéputé·es. Le vote au Parlement européen s'est soldé par une mince majorité : 13 pays ont approuvé le projet de loi, tandis que 14 l'ont rejeté. Ce revers soulève des préoccupations quant à la protection des droits humains et de l'environnement dans les chaînes d'approvisionnement des entreprises européennes, notamment dans le secteur de la mode et du textile. L’industrie est coutumière des incidents tragiques, comme l'effondrement de l'usine Rana Plaza qui avait coûté la vie à plus de 1 000 ouvrier·es d’une usine de vêtement. En juillet 2023, 6 ouvrier·es sont également mort·es dans l’effondrement d’une usine textile à Casablanca. Le bilan environnemental du secteur est tout aussi lourd et justifie un encadrement légal. Le rejet du projet de loi CSDDD par des leaders européens de l'industrie de la mode, notamment la France, l'Italie et l'Allemagne, est d'autant plus préoccupant.

Image du Rana Plaza effondré au Bangladesh
L'immeuble du Rana Plaza effondré en 2013

Quelle différence entre le devoir de vigilance actuel en France et le projet européen CSDDD ?

La France dispose déjà d'une législation sur le devoir de vigilance. En vigueur depuis 2017, la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre vise à placer le respect des droits humains au cœur des préoccupations des multinationales. Cette loi s'applique aux grandes entreprises françaises, employant au moins 5 000 salariés en France ou plus de 10 000 salariés en France et à l'étranger, et exige l'établissement et la publication d'un plan de vigilance pour prévenir les risques liés à l'environnement, aux droits humains et à la corruption dans leurs activités et celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, tant en France qu'à l'étranger. Le projet européen CSDDD touche bien plus d’entreprises puisqu’il suffit de 250 salariés pour y être soumis. Les entreprises concernées par le droit français sont donc bien plus grandes et par conséquent bien moins nombreuses que ce que prévoyait le texte de la CSDDD. Surtout, le texte n’a de portée qu’en France là où la CSDDD prévoit de toucher toute l’Union Européenne.

Trop de projets, trop vite : une critique sur la forme plutôt que sur le fond 

Sans nier le fait qu'une partie du lobbying est dûe au rejet pur et simple de normes environnementales positives par des acteur·rices pour qui le sujet n’est pas prioritaire, il semble que ce ne soit pas la raison première à laquelle on doit l’abandon du projet. Plus qu’un désaccord de principe, c’est le rythme et la forme que prennent les réglementations successives qui semblent poser un problème.Le rejet du projet de loi par le patronat français, le patronat allemand et les groupes de pression des 14 pays opposés ne semble pas reposer sur le fond du texte, mais plutôt il marque une réaction à l'enchaînement des réglementations sur une courte temporalité et qui est « indigeste » pour les petites et moyennes entreprises. Le combo en seulement 3 ans : taxonomie-CS3D a été à l’origine du rejet de la CSDD. La CSDDD est un excellent texte, il arrive juste avec 20 ans de retard, tout comme la taxonomie et la CSRD. Une approche plus progressive aurait été préférable.” nous dit Fabrice Bonnifet, Directeur développement durable & QSE (Qualité-Sécurité-Environnement) du Groupe Bouygues. Cette décision ne représente donc pas tout à fait un recul des mentalités, mais plutôt une demande de freinage.

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