La coopérative, l’entreprise post-croissante par excellence

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Au même titre que les associations et les mutuelles, les coopératives font partie de l’économie sociale et solidaire (ESS). D'après le ministère de l’Economie, l’ESS contribue à hauteur d’environ 10 % du PIB depuis quelques années. Malgré un héritage ouvrier, les coopératives se font rares dans un secteur textile où le capital est fortement concentré. Comment fonctionnent ces coopératives ? En quoi sont-elles différentes des entreprises traditionnelles ? S'inscrivent-elles dans une démarche post-croissante ? Peuvent-elles changer l’industrie textile ? Voyage dans l’industrie textile rêvée de demain, aux pays des SCIC et des SCOP.

Le modèle coopératif, au moins deux siècles d’histoire

On pourrait remonter jusqu’au fermage collectif dans la Babylonie ou aux confréries d’assistance et de sépulture de la Rome antique pour observer les premières traces de ce qui s’apparentent à des organisations coopératives, mais c’est à l’époque de la première révolution industrielle, au milieu du XVIIIème siècle, que les institutions coopératives se développent, en réponse au capitalisme naissant, dérégulé et oligopolistique. Considéré comme le père fondateur du mouvement coopératif et du socialisme britannique, l’industriel gallois Robert Owen, qui a fait fortune dans le coton, a entrepris d’améliorer la qualité de vie des ouvrièr·es de sa filature, notamment en créant des habitations, des écoles primaires et le premier magasin coopératif.

Des statuts rigoureusement définis par la loi

De nos jours, le modèle coopératif s’est largement institutionnalisé et est soumis à différentes lois qui régissent ses principes au sein de l’ESS. La loi du 31 juillet 2014 relative à l’ESS et son article 1 donne le ton : il définit l’ESS comme un mode d'entreprendre et de développement économique dont le but poursuivi est autre que le seul partage des bénéfices, où la gouvernance est démocratique, où les bénéfices sont majoritairement consacrés à l'objectif de maintien ou de développement de l'activité de l'entreprise et où les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées.

D’après la Déclaration sur l’identité coopérative de l’Alliance Coopérative Internationale de, 1895 (révisée en 1995), “une coopérative est une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d’une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement.” Dans l’ESS, les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) et les sociétés coopératives de production sont les deux formes de coopératives les plus répandues en France. Dans une SCOP, les salarié·es sont les sociétaires majoritaires, alors qu’une SCIC est caractérisée par le multisociétariat avec au moins 3 catégories de sociétaires, dont obligatoirement des salarié·es et des bénéficiaires.

Des délégués de plusieurs pays se tiennent debout sur scène lors de la conférence européenne de l'économie sociale en 2023.
Légende : La conférence européenne de l'économie sociale, du 13 au 14 novembre 2023

 

La coopérative, totalement post-croissance-compatible

Rappelons la définition que fait Timothée Parrique de la post-croissance : “une économie stationnaire en relation harmonieuse avec la nature où les décisions sont prises ensemble et où les richesses sont équitablement partagées afin de pouvoir prospérer sans croissance.” Si les coopératives dans le secteur mode et textile ne sont pas légion en France, Virgocoop, une SCIC qui développe et structure la filière chanvre et laine en Occitanie, fait partie de cette liste et s’inscrit pleinement dans une démarche post-croissante, tout comme Laines Paysannes, une SCIC qui revalorise la filière laine dans l’Ariège.

En tant que SCIC, Virgocoop n’est pas engagée dans une quête perpétuelle de profit, “on ne va pas chercher à maximiser une croissance économique” rappelle Johann Vacandare, Directeur Général de Virgocoop. La lucrativité est limitée, les bénéfices ne servent pas à rémunérer les détenteurs du capital, mais sont essentiellement réinvestis pour assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise. Dans une SCIC, au moins 57,5% des bénéfices sont mis en réserves, dites “impartageables” afin de consolider les fonds propres de l’entreprise, là où ils pourraient être distribués aux actionnaires dans une entreprise privée et compromettre la viabilité de l’entreprise à moyen terme. Chez Laines Paysannes, même combat : “On n'est pas là pour faire fructifier des capitaux. On est là pour que l'activité économique soit au service d'une vision de société avec des valeurs qui nous conviennent.” déclare Olivia Bertrand, Directrice Générale de Laines Paysannes. Bien que le profit ne soit pas une finalité, Mathieu Ebbesen-Goudin, Président de Virgocoop, souligne que Virgocoop “reste une entreprise, il s’agit d’être viable, rentable, mais avec un juste partage de la valeur ajoutée”. Les statuts d’une SCIC définissent scrupuleusement la répartition des bénéfices. Chez Virgocoop, la société s’engage à respecter un rapport de 1 à 5 entre la plus haute et la plus basse rémunération versée aux salarié·es et dirigeant·es en son sein.

“L'élément clé, c’est “une personne, une voix”, donc personne ne prend le pouvoir, le pouvoir n’est pas associé au capital”

C'est ainsi que Mathieu Ebbesen-Goudin présente le concept de gouvernance. A la différence d’une entreprise privée, dont l’actionnaire majoritaire, seul·e maître·sse de son bateau, décide du présent et de l’avenir de son entreprise, les sociétaires d’une coopérative décident démocratiquement des décisions de l’entreprise. “C’est un outil qui appartient à un ensemble de sociétaires, c’est un outil collectif” insiste Mathieu Ebbesen-Goudin.

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