Caroline Ida, la silver influenceuse qui rend visibles les femmes de plus de 50 ans
Rédigé par Victoire Satto
Le 28 nov. 2020
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Caroline Ida est une jeune mannequin de 60 ans. Il y a trois ans, alors que la vie active l’avait laissée sur le carreau, elle a pris conscience du manque de visibilité des femmes de son âge, dans la société comme dans les médias. C’est en autodidacte qu’elle a fondé une page Instagram, un blog, une chaîne Youtube pour porter leur voix. Progressivement en lien avec une communauté de femmes de toutes les générations sensibles à ses messages, elle est désormais reconnue par les marques et travaille avec elles à rendre la femme visible, sans filtre ni tabous à chaque étape de sa (vraie) vie.

Qui es-tu, Caroline ?
Je suis une fille d’entrepreneur qui n’aimait pas beaucoup les études. J’ai travaillé 25 années dans l’entreprise familiale qui fabriquait du matériel sportif, touche à tout, curieuse et autodidacte. A l’âge de 45 ans, j’ai changé de vie une première fois, j’ai toujours été passionnée par la mode et souhaitais me réaliser dans un milieu féminin ; j’ai rejoint un créateur de sac-à-main pour lequel j’ai travaillé et voyagé pendant 12 ans, élevant seule mes deux enfants. A 57 ans, après un grave problème de santé, je me suis (r)éveillée dans tous les sens du terme, dans une chambre d’hôpital : il était temps de vivre pour moi, sous quelle forme, je ne savais pas. J’étais seulement convaincue de devoir OSER quelque chose. Je suis devenue blogueuse, influenceuse puis modèle silver.
D’où est venue cette idée de femme silver ?
J’ai toujours été passionnée par la mode, plutôt excentrique avec un style à moi et une touche artistique. J’avais des choses à dire sur ma vie de femme de 57 ans, mon rapport à mon corps plutôt bienveillant malgré la ménopause et les métamorphoses physiques liées à l’âge. J’abordais différents sujets, principalement la beauté, le bien être, le yoga, l’alimentation, la bienveillance qui pousse à s’aimer sans complexes. Je n’avais pas d’égérie de mon âge et ne me reconnaissais pas dans les femmes de ma génération telles que présentées par les marques ou dans les médias. Petit à petit, d’autres femmes ont commencé à interagir avec moi. J’ai réalisé que nous n’étions nulle part, nous, les femmes de la vraie vie.
Dès lors qu’une femme ne peut plus procréer, elle est inutile à la société, elle n’existe plus. C’est d’autant plus marquant que le traitement est tout autre pour les hommes, rendus sexys quand ils grisonnent ou développent un petit ventre. On les voit autant voire plus dans les films et les pubs (What else ?), on les glorifie de sortir avec plus jeunes qu’eux. Je me suis sentie investie d’une mission : changer ça.

Bien vieillir, c’est se remercier chaque jour d’être en vie pour faire un bout de chemin serein avec soi.
Qu’est-ce que l’influence silver ?
Je suis intensément vivante et littéralement pro plutôt qu’anti. Pro-âge, well-ageing. Mes rides font partie de mon histoire, mes imperfections, mes faiblesses. Dans mes photos, initialement des selfies, je me mets en scène au naturel, sans retouche, au réveil. Il faut à tout prix arrêter de prôner un jeunisme qui n’existe pas. Bien vieillir, c’est se remercier chaque jour d’être en vie pour faire un bout de chemin serein avec soi, en paix avec son corps et son mental dont il faut prendre soin. Les marques devraient changer de mentalité et célébrer la sincérité, pas la chirurgie esthétique et les crèmes aux miracles chimériques.
Comment s’est développée ton activité ?
J’ai commencé par ma page Instagram puis un blog pour aller plus loin dans le partage, l’argumentaire, les histoires à raconter. J’ai une chaine Youtube qui a quelques centaines d’abonné·es, et le mérite d’exister ! Je poste des tutos make-up, je m’amuse. J’ai été démarchée par des talent scouts qui pratiquent le casting sauvage, puis j’ai envoyé des photos à des agences. A près plusieurs castings, rien n’a été concluant. C’est vraiment Instagram qui attire des marques à moi. Je viens de partager un shooting de rêve réalisé avec Maison Louve, une marque de lingerie française qui déifie la femme. J’ai rencontré sa fondatrice, Lou, lors du Salon de la Lingerie pour lequel j’ai défilé l’année dernière, en qualité de mannequin sur le catwalk ! Elle est venue à moi et m’a dit : “Vous serez l’égérie de ma prochaine collection, même si je prends un risque.” 59 ans, taille 42 / 44, je ne suis pas vraiment dans les standards de beauté des marques conventionnelle. Ce shooting a été réalisé avec sublime, par une équipe en or. Depuis qu’il est paru, les choses s’emballent pour moi professionnellement, c’est bien la preuve que les gens sont touchés par la sincérité. Pour l’instant je vis peu de cette activité, mais elle se développe. C’est mon travail depuis 3 ans : créer du contenu au service de celles et ceux qui partagent mon message et mes engagements.

Crédits Lili Eyes Photography pour Maison Louve – Collection Ôde à la louve
Et la ménopause, c’est comment ?
Je fais souvent le parallèle entre ménopause et adolescence : c’est une période de grands bouleversements. Aucune femme n’y est préparé·e et même si on la vit toute différemment, cela chamboule. Le problème est qu’il n’y a nulle part où en parler simplement, alors que c’est un processus de vie naturel ! Les femmes ne sont pas habituées à partager entre elles ces sujets, certaines sombrent dans la dépression sans comprendre, entre la prise de poids, la libido qui change, les bouffées de chaleur qui peuvent être très invalidantes. C’est aussi une période de la vie où les enfants s’en vont, le travail ralentit… Il n’y a pas de mode d’emploi, pas de prise de parole publique. J’ai voulu être le porte drapeau de toutes les femmes, sans tabou. J’aimerais dire haut et fort à toutes les femmes d’oser.
Le blog de Caroline
Le compte Instagram de Caroline
Le making off du shooting Caroline Ida x Maison Louve
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