Appel aux influenceurs : renverser le discours en faveur du climat
Rédigé par Victoire Satto
Le 21 mai 2022
Minutesde lecture
Les posts sur l’Inde qui brûle alternent avec le dernier code promo d’une star de Youtube pour une marque de fast-fashion ? Ce n’est pas votre feed qui a un problème, c’est le monde qui marche sur la tête. Pourtant, s’il y a bien une vérité générale, c’est que nous partageons toutes et tous le même air, la même eau, la même pollution sur cette terre. La deuxième est sans doute celle-ci : les influenceur·euse·s sont des enfants de la télé, de la pub et du capitalisme, auquel·le·s aucune autre fable n’a été racontée que « consommer rend heureux ». Spoiler, c’est faux et c’est insoutenable pour la planète, le Vivant dont nous faisons partie. Il est temps d’agir, chacun·e à son échelle. La vôtre, individuelle, est précieuse, celle des personnalités d‘influence est encore plus grande. Temps pour eux de devenir RESPONSABLES de la portée et du contenu de leurs messages, adressés à des millions de personnes. Les messages de ras-le-bol sont de plus en plus fréquents sur les réseaux, à l’instar de celui d’Estelle Hengsen, étudiante à l’Université Paris Dauphine. Le 3 mai 2022, elle postait un coup de gueule, validé et relayé par des milliers de personnes. Signe faible, message fort. Tout comme le compte @PayeTonInfluence, la méthode est à la dénonciation, à force d’indignation. Au-delà de cette prise de parole, premier levier du changement, nous nous sommes interrogés sur les actions pour guider les personnalités d’influence vers une transition effective et lutter non pas contre mais avec eux en faveur d’un ralentissement du détraquement climatique. Il est temps d’enlever ses œillères et d’avancer intelligemment pour le collectif. Entretien avec Estelle Hengsen ébauches de solutions pour un futur collectif.
Nous sommes un groupe d’étudiant·e·s de 20-24 ans, et nous en avons marre.
Extrait du post “Lettre ouverte aux influenceurs”
Qui es-tu, Estelle ?
Je suis Estelle Hensgen, étudiante en Master l’Université Paris Dauphine et à l’initiative du post, “Lettre ouverte aux influenceurs”, paru le 3 mai 2022 sur les réseaux. Sensible aux questions environnementales depuis longtemps, j’ai reçu une éducation proche de la nature et suis devenue végétarienne à l’âge de 15 ans. J’ai rejoint l’association Dauphine Durable en 2019, dont je suis devenue Vice-Présidente en 3e année. Mon engagement s’est beaucoup renforcé, jusqu’à intégrer le master Affaires Internationales et Développement, spécialité Développement Durable. Cela a été une année riche. Je me suis beaucoup investie et j’ai été très déçue, récemment, par les élections. C’était un moment compliqué, nous étions tristes et énervé·e·s. J’ai ressenti le besoin d’une action coup de poing, un peu extrême. Cela s’est manifesté par une lettre ouverte aux influenceurs et aux contenus qu’iels véhiculent sur les réseaux sociaux. Dans le monde de l’influence, énormément de personnes semblent être soit dans le déni, soit dans l’ignorance. Dans les deux cas, c’est absurde.
Le nouveau projet de Squeezie par exemple, engagé dans une course de Formule 4, n’est plus possible en 2022. Les personnes connues ne peuvent plus faire tout et n’importe quoi sous couvert de divertissement. C’était d’autant plus difficile pour moi que je les ai toujours suivis, sur Youtube et Instagram, mais depuis quelques mois je ne peux plus tolérer les pubs à gogo et les placements produits qui poussent à consommer. En alternance avec des posts qui parlent d’urgence climatique, c’est épuisant.

Comment expliquer cette scission au sein de votre propre génération ?
Nous avons presque le même âge et pourtant pas la même conscience climatique. Lors d’un sujet abordé cette année, nous avons étudié les émotions associées au climat. Il y a beaucoup de déni et de bêtises. Nombreu·x·ses aussi en sont conscient·e·s mais considèrent qu’il est trop tard pour agir. Il y a sans doute un peu de lâcheté et d’égoïsme individuel. Comme nous avons été habitué·e·s à corréler le bonheur aux acquisitions, quitte à dire “YOLO” (“You Only Live Once” – ndlr), on pourrait décider de partir vivre au vert, mais le premier réflexe est à la consommation, l’accumulation des richesses. La majorité a grandi avec cette idéologie et n’a pas pris le chemin de sa déconstruction.
Personnellement, ce sont les rencontres, le fait de me renseigner, la curiosité qui ont contribué au fait que je ne souhaite plus cautionner cela. C’est aussi un privilège de classe dont j’ai conscience. J’ai les infos, je me sens responsable et obligatoirement investie dans ces missions.
Comment engager la conversation avec les personnes sceptiques ?
C’est très dur. J’essaye d’apporter des preuves scientifiques, des statistiques, des interviews de spécialistes comme Cyril Dion, Jean-Marc Jancovici.
“Le bug humain” de Sébastien Bohler,
“Et le monde devient silencieux” de Stéphane Foucart sur les pesticides,
“Du gaspillage à la sobriété. Avoir moins et vivre mieux ?” de Valérie Guillard…
Ces ouvrages sont précieux, je m’appuie sur leurs arguments et j’essaie de partager les connaissances acquises… Mais on finit souvent par abandonner ou s’énerver.
Quels sont selon toi les leviers d’action les plus efficaces ?
Cela devrait forcément commencer par la politique. L’action politique peut être multiple : créer des institutions, comme cela avait été suggéré par la Convention Citoyenne pour le Climat, incluant des personnes convaincues comme sceptiques. Développer des associations locales, des cours dans les écoles dès le plus jeune âge, afin de leur apprendre à s’interroger. Les gens n’iront pas seuls à la bibliothèque pour dévorer des livres sur ces sujets. Il faut également régir le marketing d’influence par des lois qui encadrent promotion à la consommation et les allégations “green” des marques, traquant le greenwashing.
La science-fiction et la culture aussi, ont un grand rôle à jouer. Le film “Don’t Look Up”, par exemple, a également permis à des centaines de milliers de personnes, si ce n’est de changer leurs habitudes, d’ouvrir le débat et de devenir curieux.
A l’échelle citoyenne, trois actions fondamentales et rapides à mettre en place sont à la portée de toutes et tous : réduire la consommation de viande et consommer local, réduire la consommation de textile, bannir l’avion en dehors d’un long courrier tous les deux ans.

Le post Instagram d’Estelle Hengsen, « Lettre ouverte aux influenceurs et influenceuses ».
Quel était le but de ce post ?
La lettre ouverte était là pour faire passer un message de trop plein, un ras le bol de nous, personnes lambda qui faisons des efforts, las·ses et indigné·e·s de tomber sur des concours pour gagner 2000€ de chaussures en ouvrant Instagram. On a la sensation que nos efforts sont minimes. Nous sommes énervé·e·s, ne savons plus quoi faire. Nous n’avons pas la portée de la voix des influenceurs. Iels ont voulu être influenceur·euse·s et du haut de leur communauté se doivent de penser leurs messages, si ce n’est intelligents, à minima non aberrants.
Tout d’abord, on souhaitait les toucher humainement, les appeler à se poser des questions sur le mode de vie qu’il promulguent qui n’est pas soutenable; c’est une première bouteille à la mer.
On ne peut pas les y forcer, mais comme lors la révélation de l’exploitation des Ouïghours, à la suite de laquelle la consommation de telle ou telle marque a fini par être dénoncée et considérée honteuse, on aimerait que promulguer ce type de mode de vie soulève la même indignation. Nous ne sommes « personne » et en quelques jours, nous avons cumulé près de 3k likes sur Instagram et 6k sur Linkedin, notamment en bénéficiant du soutien de Bon Pote. Par la suite, il faut accompagner ces personnes, qu’elles s’informent et comprennent les enjeux sous-jacents. L’influence positive existe ! En témoignent les comptes @OnEstPrêt, @PayeTonInfluence, @SwannPérissé, @CyrilDion, @RaphaelGlucksman.
On peut gagner sa vie et faire la promotion de marques responsables, refuser de dire “OK pour ça si on me paye tant.” Savoir dire “Non, c’est dommage, cela ne correspond pas aux valeurs que je souhaite porter”, faire des concessions, comme beaucoup de personnes dans la société civile.

Un post Instagram @PayeTonInfluence x @PourUnRéveilEcologique
En dehors du post coup de gueule, y’a-t’il un collectif, une action structurée ?
Nous n’avons pas encore d’organisation définie. Nous attendons le retour de l’impact médiatique. Plusieurs hypothèses de “fin heureuse” :
- Inviter les influenceur·euse·s à un Atelier “La Fresque du Climat”
- Proposer des alternatives à toutes ces marques
- Un kit de communication avec des messages simples à relayer
- Des agences spécialisées dans l’influence engagée
Les comptes majoritairement interpellés
@horia_insta @shera @leajplf @maxence @sulivangwed @sundyjules @claramarz @pierrecroce @inoxtag @amixem @joyca @mastuu_ @justezoe @pierrecroce @leaelui @carolinereceveur @lecoindelodie @stephaniedurant @michou_yt @seblafrite @sananas2106 @paolalct @romy @justezoe @gaellegd @lenamahfouf @annarvr @mayadorable @xsqueezie @nabilla @enjoyphoenix @levraimcfly @rafcarlito @yvick @natoogram @6pri1 @tiboinshape @levraimcfly @rafcarlito @chloebbbb @michou_yt @littlejbeauty @isiaarcang @shaunaevents @sundyjules @paolalct @noholita @mayadorable @magaliberdah @kiara.amt @annarvr @style_tonic @juliengeloen @darkocttg @mayadorable @mayadesagreable @justezoe @romy @irismittenaeremf @meryldenis @dianeperreau @larmoiredesoso @sananas2106 @gaellegd @nabilla @annarvr @maya @louisergt @irismittenaeremf @claramarz @danae @kellyn_sun @maileakln @style_tonic @paolalct @louisergt @rabibiiiiiii @isiaarcang @paolalct @sundyjules @danae @annarvr @enjoyphoenix @mariine_mtz @wearefollow @romy
Des comptes à suivre pour s’informer
@thegoodgoods.fr @graine_de_possible @salomesaque @hugodecrypte @hugoclementk @vert_le_media @reporterre_media @bonpote @eco_mvmt @ecolucide @humeco.
Quelques ressources pour trouver des voies de sortie
- Pour plus d’informations sur les Soulèvements de la Terre : https://lessoulevementsdelaterre.org/
- Pour plus d’informations sur le wwoofing : https://wwoof.fr/fr/
- Pour trouver des luttes autour de chez vous et partout en France : https://lutteslocales.gogocarto.fr/an…
- Pour trouver des ateliers vélo : http://www.heureux-cyclage.org/
- Plus d’informations sur la désertion : https://desertheureuses.noblogs.org/
Lien du post Instagram
Post Paye Ton Influence
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