Voyager autrement : le guide du tourisme responsable
Rédigé par Victoire Satto
Le 26 juin 2021
Minutesde lecture
Le tourisme. Quelques 920 milliards de dollars de recettes annuelles, inégalement éparpillées sur cette petite planète. Pour nous autres occidentaux, la facilité à traverser les frontières est telle qu’elle n’est plus un privilège mais un droit ordinaire. La déprime d’octobre part en week-end à Lisbonne, la demande en mariage s’immortalise à Copenhague et nos neurones contrariés méditent à Pondichéry. Usual kiffeurs, on en a été, on ne juge pas. Mais aujourd’hui, il nous semble important de réaliser l’impact réel du tourisme sur les équilibres environnementaux, culturels et socio-économiques des communautés, en particulier lorsqu’on essaime nos habitudes en masse.
Voyager autrement. Abandonner l’infatigable quête de sensations toujours plus fortes et nos expectatives nivelées par un nombre d’étoiles sur TripAdvisor. (1)
It’s no accident that these places look similar. (2)
Les reliefs des civilisations se polissent au profit d’une culture lisse, homogénéisée dans la mondialisation. La langue se perd avec les applications de traduction, la nourriture est rendue fade par les « continental breakfast » qui feraient marrer hurler nos ancêtres dans ce qu’ils ont de « continental ». Autant d’exigences de confort qui tendent à reproduire un « chez soi » à l’étranger. Mais aux confins du monde, est-ce un chez soi que l’on va chercher ? Si la yourte est le standard de confort en Mongolie, on n’y impose pas son lit king size Dunlopillo. Et si l’on tient à son Dunlopillo… Pourquoi ne pas visiter la Corrèze ?!
Crédits @GIRLSTALKABOUTFASHION
Pourquoi changer ?
Quand on parle d’environnement en voyage, on a tendance à se représenter un espace vert : de la flore, éventuellement de la faune à préserver. On comprend aisément la nécessité de ne pas laisser derrière soi ses emballages, de les trier, mais on se borne aussi souvent à cette action comme garantissant notre comportement écologique.
Pourtant, l’écologie :
- N’est pas une discipline binaire mais transversale, elle concerne l’ensemble des êtres vivants, tient compte de leur milieu et de leurs interactions;
- N’est pas une fin en soi, mais un moyen pour mieux vivre… Ce qui signifie que, même 100% végétarien/à vélo/zéro-déchet, nous sommes perfectibles et qu’il ne faut jamais cesser de s’interroger pour mieux faire.
L’écologie tout comme l’éthique, ne sont pas des sciences mais des disciplines vivantes qui se nourrissent de l’observation de l’environnement (dans toutes ses dimensions) et poussent à l’adaptation intelligente de l’Homme à son milieu, à son époque dans un but d’évolution (que l’on souhaite favorable !).
En pratique, l’écologie en voyage ?
C’est d’abord l’attention portée aux communautés qui nous accueillent. Observer patiemment un monde dans lequel on s’impose en intrus, auquel c’est à nous de nous adapter, en dépit des Customer Services et du Client Roi qui pullulent pour nous éviter la contrariété d’un dépaysement.
C’est ensuite être plein de cette gratitude infime envers les petites choses, les Êtres et l’environnement, qui remplissent le quotidien du voyageur béat, qui ouvrent des perspectives à travers les différences.
L’Autre et son mode de vie.
L’Autre et sa temporalité.
L’Autre et son écosystème.
La façon dont les gens interagissent dans les lieux du quotidien, qu’on oberve posé dans un café tout venant. La cuisine de rue qui mérite toute ton attention avant celle, agressive, du viseur de son téléphone. La discussion de fin de soirée mi-patois mi-anglais, avec des inconnus.
Voter en voyageant
Respecter et préserver ces différences, c’est voter pour un monde où TripAdvisor ne dicte pas les 10 commandements du voyage accompli. C’est choisir de ne pas programmer ses vacances en fonction de l’Instagrammabilité du coucher de soleil. C’est favoriser la culture locale : la nourriture (!), l’artisanat, les traditions, plutôt que l’homogénéisation d’une offre mondialement disséminée et dépourvue d’âme. Personne n’a besoin de Starbucks en Patagonie.
C’est garder notre indépendance et chérir la liberté si précieuse que l’on a de circuler, nous les occidentaux sûrs de nos bons droits. Ne pas céder à la traque des datas qui souhaitent que l’on note avec des étoiles chaque endroit où l’on passe, immortalise ce qu’on mange pour mieux cibler l’offre food à la saison prochaine #pokeballenéthiopie? que l’on décore nos apparts comme tous ceux qu’on voit sur AirBnb pour acheter des plagiait de mobilier scandinave estampillés #madeinchina. (2)
Chez The Good Goods, nous sommes pour les combats pour et contre les censures. La révolte n’est pas moins efficace quand elle est bienveillante ou quand l’action est non violente (3).
Ma colère est joyeuse. Ma rage entreprenante. Ma naïveté lucide.
Jacques Gamblin – Mon climat
On a décidé que notre lutte quotidienne serait pavée de bon sens et de petites actions dont l’exemple serait viral, mais aussi le meilleur remède contre la sinistrose écologique qui nous guette.
Si réduire nos déplacements en avion relève du sevrage, il existe de multiples petites actions à notre portée pour devenir, localement et où qu’on soit, un meilleur touriste.
Voici quelques pistes, à vous de les compléter et de partager vos belles idées dans les commentaires !
Nos recommandations
Le transport
Restez-là, tout près. Partez à pieds sur la route de Saint-Jacques, en vélo sur les voies vertes bourguignonnes, en train vers l’Europe de l’Est, en van en Scandinavie.
La grandeur de l’expérience n’est pas proportionnelle à la distance. L’extraordinaire l’est moins quand la terre entière s’y est rendue en charters…
Pour mieux réaliser l’importance de l’impact des déplacements en avion, voici une échelle de comparaison :
- Évitez l’avion/voyagez en train,
- Si vous prenez l’avion, compensez le carbone que vous créez en choisissant de payer une taxe volontaire sur le carbone. En gardant à l’esprit que rien n’inverse les dommages causés par les émissions de carbone,
- Si vous prenez l’avion, allégez la valise au maximum (plus son poids et élevé plus la note en kérosène monte), privilégier la classe éco qui permet de transporter plus de gens et divise d’autant le coût environnemental du voyage, demandez un plat végétarien (une fois n’est pas coutume !),
- Proscrivez les vols intérieurs,
- Si vous ne pouvez pas marcher, faites du vélo,
- Si vous ne pouvez pas prendre le vélo, prenez le métro, le bus ou le train,
- Si vous avez besoin de louer une voiture, demandez un hybride,
- Si vous prenez un taxi, utilisez les options pooling ou green des applis de taxis.
Sur place
- Planquez Google Maps. Rien ne vous attend que l’aléatoire. Le risque de se perdre, la beauté du chemin qu’on avait pas décidé d’emprunter et qui nous conduit à ce petit restau-boutique où l’on vend des affiches anciennes et des gâteaux fait-maison, au fond d’un patio arboré,
- Rangez vos téléphones. Supprimer l’interface machine entre deux être-humains. Faites des photos à l’appareil, mais faites les bien et peu nombreuses. Immortalisez des moments plus que des objets. En voyage plus qu’ailleurs, il s’agit de vécu et non de possédé,
- Évitez les applications de traduction : « Bonjour », « Merci », « S’il vous plaît », « C’est gentil ». Renouez avec le langage, embarquez votre dico de poche, feuilletez le lexique en fin de guide touristique dans lesquels vous ne captez ni les mots ni les diphtongues mais dont l’effort humain est réel et sera noté par un autochtone amusé, 10 fois plus enclin à vous indiquer le chemin que si on l’agresse avec une machine. Prenez ça comme un jeu qui aura le bénéfice supplémentaire de stimuler l’intelligence et la mémoire.
Le logement
Lire aussi : tech for good, 3 applis pour voyager écolo
- Privilégiez les maisons d’hôtes et les Bed & Breakfasts : pour la proximité avec la culture locale, le partage, l’échange humaine, une expérience de voyage plus authentique. Pour une bien moindre empreinte carbone, partagée dans un logement commun, qui n’aura peut-être pas la clim réversible mais la chaleur humaine pour vous mettre à l’aise et des tips pour supporter le climat, en Russie comme en Afrique du Sud,
- Renseignez vous, posez des questions à l’hôtel : draps en coton biologique ? Possibilité de choisir de se passer de femme de ménage et de changement de serviettes de bain systématique ? Nourriture locale ? Options végétariennes ? Main sur la température de la chambre ? Stratégie d’économie/de récupération des eaux ? Produits d’entretien non toxiques ? Contribution à l’emploi local ou contribution associative ?
Autant de questions qui deviendront des suggestions d’amélioration : plus nous sommes (poliment) relous, plus les standards progressent ! - Cherchez des labels : encore peu nombreux dans le tourisme, mais existants
– La clef verte est le 1er label environnemental international pour l’hébergement touristique et la restauration, une soixantaine de critères concernant la gestion de l’énergie, de l’eau, des déchets, sensibilisation à l’environnement, achats responsables
– Green Globe est un label international pour les acteurs du voyage et du tourisme pro-développement durable
– Green Hotels Association ou de Green Key Global sont deux associations qui certifient les établissements éco-responsables.
La nourriture & boissons
Mangez plus sain, plus frais, plus authentique et moins polluant: LOCAL. C’est aussi une manière de préserver les traditions culinaires, de mettre la culture à ‘honneur et d’injecter de l’argent dans l’économie locale !
- Choississez des plats locaux,
- Dans des restaurants locaux via l’application Slowfood (4), Happy Cow (5) pour les veggies,
- Chez un local via l’application Eatwith (6),
- Faites le marché, cuisinez vous-mêmes,
- Prenez des cours de cuisine dans un restaurant traditionnel pour vous inspire et comprendre,
- Idem pour les boissons, sans parler nécessairement d’alcool. Tout ce qui n’est pas local a été importé, et à donc le même bagage GES que vous.
Les souvenirs de voyage…
Des photos, des expériences, un carnet dans lequel on griffe ses émotions du moment, des instants. Bien plus précieux et moins encombrant que n’importe quel bibelot estampillé made in ICI en gras et #asia en mini. C’est une triste mais imparable réalité.
Les objets utiles ou consommables sont les plus rentables à tout point de vu (porte-feuille, empreinte carbone, kiffe) : une huile de massage, de la papeterie artisanale, un petit objet de maroquinerie.
Le savoir-être
Vous êtes ambassadeur de votre pays dans un pays étranger, reflet du comportement de votre nation. Les conclusions sont vites tirées et les clichés durs à détruire. Le respect appelle le respect, la joie appelle la joie, la politesse appelle… La confiance.
- Évitez au maximum de produire des déchets, c’est un effort organisationnel léger qui est rentable à vie : investissez dans une gourde, des couverts en inox ou en bois, à avoir partout. Pensez au nombre de bouteilles en plastiques épargnées, possiblement jetées au mauvais endroit en l’absence de système efficace de tri sélectif,
- Trier vos déchets. Vraiment.
- Ramassez les déchets des autres, de temps en temps, sur la plage ou dans les parcs, là où vos yeux sont blessés par un emballage. Plus on le fait, plus on le voit et plus ça nous choque,
- Baladez-vous avec un petit tote bag (on en a tous des dizaines dans nos placards) à cet effet,
- Laissez tous les endroits où vous allez dans un meilleur état que lors de votre arrivée,
- Soyez patients, compréhensifs. C’est vous qui êtes en vacances, vous qui avez le temps, le privilège de venir dépenser votre argent dans un pays étranger, dans lequel vous êtes l’étranger soumis (et intéressé !) aux us et coutumes d’une communauté qui vous accueille. Pas l’inverse !
(1) [Russie #5] Vladivostok — Km 9288. Victoire Satto, Un mois dans le transsibérien.
(2) Same old, same old. How the hipster aesthetic is taking over the world – Kyle chayka
(3) Le motto d’Extinction Rebellion
(4) https://apps.apple.com/us/app/slow-food-planet/id928508064
(5) https://www.happycow.net/search
(6) https://fr.eatwith.com
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