Tanguy Gavignet, le Directeur Artistique qui mêle vintage et marques éthiques
Rédigé par Simon Offen
Le 23 sept. 2022
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Tanguy Gavignet est un jeune directeur artistique/designer passionné de mode. Grâce à ses références délicieusement kitsch, il pimente les shootings de marques de mode responsables en mixant des pièces neuves et des iconiques vintage, dans des projets artistiques décalés. Dans cet entretien, Tanguy nous parle de son parcours, les robes de Barbie de sa grand-mère et l’importance de s’approprier son propre style. L’interview est illustrée d’images dès son dernier shooting parisien “Par où est la tour Eiffel ?”,en collaboration avec Tom Goddard.
« Par où est la Tour Eiffel ? »

Qui es-tu, Tanguy ?
Je suis né et j’ai étudié à Paris. Après mes années en école de design de mode jusqu’en 2019. Après ça, j’ai multiplié les expériences en assistant studio et stylisme pour des maisons et des petits créateurs. On peut citer des maisons comme APC et Maison Margiela. Touche à tout, j’aimerais développer mon travail de stylisme et de direction artistique en freelance.
Qu’est ce qui t’a attiré dans le monde de la mode, et plus particulièrement la mode responsable ?
La mode a toujours fait partie de ma vie. Dès l’enfance, je passais déjà mes après-midi avec ma grand-mère en confectionnant des tenues pour mes Barbie®. Bien qu’ayant un cursus dans un univers peu sensibilisé à son impact environnemental, la réduction de mon empreinte personnelle et professionnelle a toujours été une question centrale au quotidien. Cela se traduit par mon régime alimentaire, mes achats, et j’ai à cœur que mes valeurs se retrouvent aussi dans ma créativité au service des marques.
Le compte Instagram de Tanguy Gavignet
Le compte Instagram de Tom Goddard

La créativité naît de la contrainte.
La mode éthique peut-elle limiter la créativité ?
Plus que des freins, je vois ces contraintes comme des détours à prendre pour faire mieux, en consommant moins. Ainsi, pour mes shootings, je sélectionne soit des marques engagées, soit des textiles et des vêtements déjà fabriqués, dès lors, soit je les customise, ou bien je revois totalement la structure du vêtement pour lui donner une toute nouvelle allure en l’upcyclant.

Les shootings et vêtements de mode éthique peuvent se voir reprocher un manque d’originalité. Comment l’expliquer ?
Selon moi, les difficultés sont mixtes : d’une part, ces marques sont souvent à l’initiative de personnes issues d’un milieu davantage business que mode, ayant une approche fonctionnelle du vêtement. D’autre part, les matières les plus écologiques, de même que les teintures, ne sont pas les plus permissives en termes de couleurs, de motifs. Cela change un peu avec l’upcycling, mais il est difficile de le développer à grande échelle.
Ensuite, le budget de ces marques est limité, souvent mis en priorité sur une communication concernant leurs engagements, moins sur leur démarche créative. Pour moi, cela n’est pas contraire, il est tout à fait possible de créer une marque à l’identité forte, respectant des engagements écologiques, une logique de circuits courts, une éco-conception, sans perdre la vision des designers.

Comment as-tu travaillé ce shooting, par exemple ?
Pour ce shooting, j’ai puisé mon inspiration chez les diverses parisiennes et londoniennes, dont le photographe que j’ai rencontré depuis la fin du confinement, ici à Paris. C’est d’ailleurs le style de mon copain, Londonien qui a en adoration les porte-clés tour Eiffel (qui à d’ailleurs le photographe de cet éditorial) qui m’a inspiré. Ce shooting parle des personnes rencontrées, avec qui j’ai pu échanger sur leur vision de la mode locale et de la façon dont ils adaptent leur style à la capitale, en miroir, je trouvais intéressant de voir comment ils s’habillaient.
La démarche écoresponsable est un pré-requis. J’ai sélectionné uniquement des pièces vintage ou des marques engagées. Les accessoires trahissent néanmoins le look élaboré de ces filles faussement parisiennes, qui n’hésite pas à porter des détails plus kitch les uns que les autres.

Quels sont les univers esthétiques qui t’inspirent le plus ?
J’aime tout ce qui sort du commun, loin des basiques et qui pousse à s’interroger sur ce qui est la norme, les sous-cultures. Je suis attiré par tout ce qui peut sembler étrange et hors du commun. Loin des basiques, j’aime les expressions artistiques qui cherchent à remettre en question nos préconçus et notre construction de la normalité. Je m’inspire alors des univers gothiques et grunge, en apportant toujours une dose de kitsch et d’humour.
Le style peut s’exprimer de manière grotesque, on peut citer Tommy Cash. Le vrai style vient selon moi de l’autodérision, et de l’amusement avec ce que l’on porte. C’est en tentant de nouvelles associations de vêtements peu communes que l’on crée un look nouveau et original, fait pour surprendre.
Selon toi, a-t-on besoin d’être à la page des derniers trends pour être stylé ?
La notion de nouveau et ancien est très artificielle. On peut trouver par exemple un t-shirt à strass à la manière de Paris Hilton, beaucoup plus moderne en 2023, alors qu’il aurait été considéré comme « vieillot » en 2016. Je pense qu’il y a un fort facteur générationnel. Les jeunes générations sont nées dans l’anxiété écologique et économique et ça se voit sur leur choix vestimentaire.
Le compte Instagram de Tanguy Gavignet
Le compte Instagram de Tom Goddard

Quelle est ta définition du style ?
Le style n’a pas de visage, ni d’odeur. C’est pour moi quelque chose qui oscille perpétuellement entre le personnel et l’intime et le monde extérieur. On peut s’inspirer des autres mais il y a toujours une part d’expression de chacun qui permet de créer sa propre identité stylistique. Il faut pour cela aller vers des vêtements dans lesquels on se sent bien et qui ne reviennent pas à simplement représenter les tendances du moment qui nous sont “offertes” frénétiquement par les grandes enseignes. Au contraire, la pression des tendances créait un rapport éphémère avec nos vêtements. Se sentir bien et soi-même dans les pièces que l’on porte, est un fondamental. S’appuyer sur les tendances, c’est oublier notre propre personnalité et son expression.

Quels sont tes conseils pour optimiser son dressing
J’aime dénicher des pièces un peu partout : friperie, fonds de penderie de mes parents et grands-parents. J’ai généralement du mal à me séparer de mes vieux vêtements je ne peux m’empêcher d’y voir un fort potentiel pour mes futures créations. On peut toujours métamorphoser une pièce, à l’aide de broderies, de strass, de teintures (lien) ,voire en repensant totalement leur coupe.
À la volée, 3 personnalités qui inspirent ton travail au quotidien ?
Michèle Lamy, Christeene aka Paul Soileau et Iggy Pop. Pour leur expression artistique à la fois multiple et fidèle à ce qu’iels sont, dans l’art plastique, la musique et la mode.

Une friperie préférée où on peut te trouver le samedi après-midi ?
Les week-ends j’aime me balader du côté des puces de St Ouen, notamment chez Maxime de Laurentis, pour sa sélection de pièces vintage de créateurs, tels que Comme Des Garçons ou encore Maison Margiela. Plus abordable, Free’p’star, dans le Marais à Paris.
Le compte Instagram de Tanguy Gavignet
Le compte Instagram de Tom Goddard
Crédits photos
Model: Georgia Polks – @georgiapolks
Direction artistique: Tanguy Gavignet
Photographe: Tom Goddard – @mrtomgoddard
Vidéaste: Inès Pollon – @inespopo
Stylisme: Tanguy Gavignet – @tanguy.gavignet
Assistante stylisme: Gwladys Garlej – @gwladysgarlej
MUA/hairstyling: Anhelina Borodina – @anga.vanga
Merci à Maxime De Laurentis @de_laurentis_paris, Juan Priou @pr.you.consulting, Kitesy Martin @kitesy_martin
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