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Pourquoi les hommes n’auraient-ils pas le droit de porter un sac à main ?

Comment cet objet de mode est devenu genré

Les réflexions sur les inégalités de genres face aux vêtements poussent généralement à percevoir la mode féminine comme plus contraignante que la mode masculine. Les hommes n’ont pas besoin de s’encombrer de talons douloureux, de jupes crayons trop serrées, de soutiens-gorges inconfortables, de vêtements sans poches… En face, le vestiaire masculin parait ultra-rationalisé. Tout semble y être pratique et conçu pour simplifier la vie et le mouvement. Pourquoi la mode masculine s’est-elle alors coupée d’un accessoire aussi pratique que le sac à main qui permet tout de même de transporter avec élégance toute sorte de choses utiles tout en restant mobile ? Comment faire pour que les hommes puissent profiter de cet accessoire de mode aussi pratique qu’esthétique ?

Le sac à main n’a pas toujours été féminin

Ce n’est pas la première fois que nous évoquons le sujet dans The Good Goods mais il est toujours bon de le rappeler : notre perception genrée de la mode qui dicte ce que les êtres humains peuvent ou doivent porter en fonction de leur genre n’est pas innée, ni même ancienne. Depuis qu’elle s’habille, l’humanité a connu un vestiaire partagé, porté librement sans distinction entre les hommes et les femmes bien plus longtemps qu’elle n’a connu notre vestiaire actuel cloisonné (et absurde).
La jupe et la robe, par exemple, ont cessé d’être portées par les hommes il y a seulement 700 ans. Le sac à main a, lui, été éjecté du vestiaire masculin il y a environ 200 ans, seulement. Un battement de cil à l’échelle de l’histoire. En occident, les hommes et les femmes arboraient librement leurs plus beaux sacs à main jusqu’au 18e siècle.

 

Un peu d’histoire : l’épopée du sac à main n’a pas de genre

Selon Audrey Millet, Docteure en histoire, spécialisée dans l’industrie de la mode et autrice du livre Fabriquer le désir. Une histoire de la mode de l’Antiquité à nos jours, les origines du sac unisexe peuvent être retracées assez facilement : “Dans l’antiquité, hommes et femmes transportent objets, nourriture pour la journée dans un sac basique qu’on peut comparer aux cabas modernes. En parallèle, l’essor de la monnaie amène la naissance d’une petite pochette destinée à transporter les pièces. Peu à peu, les classes sociales les plus aisées commencent à l’ornementer et à en faire un objet précieux. Plus tard, ce mini-sac ancêtre commun du porte-monnaie et du sac à main symbolise aussi l’amour. Le prétendant offre ce sac bien brodé, bien ornementé, à la dame qu’il convoite. L’histoire a oublié cette époque ou le sac a également été l’ancêtre de la bague de fiançailles.
C’est au cours de la Renaissance puis à Versailles que la vraie révolution arrive et que le véritable sac à main apparaît ! À une époque où le jeu de table est un élément central de la vie sociale, il devient nécessaire d’avoir un petit sac à son nom pour porter avec soi ses cartes ou ses jetons. C’est la naissance du premier sac de soirée. Lié au plaisir du jeu, il devient un support d’expression créative pour la mode et se transforme très rapidement en objet hyper luxueux. À ce moment, le sac est encore unisexe. Dans les rues, les hommes de la classe aisée pouvaient encore goûter au plaisir de porter des sacs originaux, extravagants. On est bien loin du simple sac à dos uni auquel la gent masculine doit aujourd’hui se cantonner.

 

Pourquoi sommes-nous revenu·e·s en arrière en genrant le sac au féminin ? 

La différenciation des vestiaires entre les genres est réellement ancrée dans toutes les couches de la société aux alentours du 19e siècle. Audrey Millet racontela condition féminine change au à cette époque. La femme perd sa place dans l’espace public. Elle devient la femme au foyer, la femme de ménage de son mari.

 

La féminisation du sac à main est une conséquence de la charge mentale que porte les femmes

Aux origines de la charge mentale, le rôle des femmes est de gérer la vie familiale et de s’assurer que tout est mis en œuvre pour faciliter le quotidien de l’homme et des enfants. Lorsqu’elle sort, son rôle l’adjoint à transporter toute une batterie d’objets : argent pour les courses, nourritures pour les enfants, etc. Bien souvent, elle rentre les bras chargés des achats qu’elle fait pour la vie du ménage. Il lui fait donc un sac qu’elle peut emporter avec elle au quotidien.  Audrey Millet nous éclaire aussi sur le style de l’époque : “Puisque la vie des femmes se résume à la maison et à la famille, on brode sur leurs sacs des scènes domestiques, des moments de vie du foyer voire des scènes de deuil”..
De son côté, l’homme ne se soucie plus de rien. Ses sorties sont professionnelles ou dédiées aux loisirs. Il n’a donc, finalement, plus à transporter quoi que ce soit en dehors de son argent et de ses papiers. Nul besoin d’un sac, les poches de ses pantalons et de ses vestes suffisent amplement.
Toutefois, l’histoire ne dit pas pourquoi les femmes ne bénéficient toujours pas de poches décentes en 2021. De là à en déduire qu’il n’existe en fait aucune raison valable pour justifier cette situation… Aujourd’hui encore, la présence du sac à main, mais aussi sa taille symbolisent la charge que chaque femme porte avec elle. Il distingue celles que la vie oblige à porter beaucoup de choses de celles qui ont la liberté de se promener les mains vides, affranchies de toutes contraintes. 

 

Aujourd’hui, le sac à main au masculin porte les stigmates de la communauté queer

À première vue, le sac apparaît avant tout comme fonctionnel, une forme de symbole qui relève de la puissance et de l’indépendance des femmes. Pourtant, il participe aussi à perpétuer la hiérarchie des genres et le rôle d’assistanat que les femmes entretiennent par rapport à la gent masculine. Dans les couples hétérosexuels, le sac des femmes sert bien souvent de sac aux hommes qui les accompagnent. Le sac, lorsqu’il est porté par un homme, est un marqueur de féminité et tout signe de féminité sur un corps masculin est culturellement assimilé à l’homosexualité. Dès lors, une majorité d’hommes hétérosexuels ne s’imagine pas porter un sac à main, au risque d’être considéré comme homosexuel. Audrey Millet ajoute : “À la fin des années 80 et au début des années 90, les grandes villes occidentales, notamment aux USA, ont vu une forme de vague de coming-out avec des hommes queers qui se sont progressivement assumés dans l’espace public. C’est à ce moment-là que le vrai sac, celui qu’on porte à la main ou à l’épaule, a progressivement réintégré la mode masculine, mais il s’est depuis limité à la communauté LGBT+.”

Dans nos imaginaires collectifs, le sac à main est l’accessoire ultime de l’homme urbain efféminé. Après-tout, sans épouse dont il peut coloniser le sac, il n’a pas d’autres choix que d’embarquer tout son nécessaire avec lui !

 

La sélection The Good Goods des sacs unisexes pour faire bouger les lignes

Le cabas Jules & Jenn

Pour les hommes qui n’en peuvent plus du sac à dos mais qui n’osent pas encore passer au véritable sac à main, le sac cabas est le parfait entre-deux. La marque Jules & Jenn propose un cabas unisexe en drap de laine, fabriqué en France à partir de 40 % de matières recyclées.

 

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Le sac en drap de laine gris – 95 €

 

Le sac à main et à bandoulière Le Feuillet

Un peu plus audacieux, ce sac Le Feuillet a une allure sans doute plus typiquement féminine que celle d’un cabas mais il est temps de faire bouger les choses et d’abandonner ces clichés nauséabonds. Il bouscule les codes sans pour autant tomber dans la provoc’ en intégrant des codes traditionnellement acceptés dans le vestiaire masculin : une forme toute de même très géométrique, une couleur sobre et peu de détails fantaisistes. Ce sac est entièrement fabriqué en France à partir de cuir français à tannage végétal.

 

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Le sac à main en cuir français – 95 €

 

Le mini cabas Hindbag

On se rapproche d’un sac à main plus classique avec ce tout petit cabas de la marque Hindbag. Sa taille moins imposante que celle d’un cabas traditionnel lui donne une allure légèrement plus féminine contrebalancée par son design minimaliste totalement unisexe. Plus pratique pour aller travailler que pour faire ses courses, ce sac est en coton bio certifié GOTS.

 

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Le sac de créatrice

Parmi la longue liste de pièces unisexes qui figurent dans les collections de la créatrice britannique Vivienne Westwood, on trouve ce petit sac en toile de coton recyclée et fabriqué de manière artisanale par des femmes artisanes au Kenya.

 

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Le sac Worker unisexe – 215 €

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Commentaires 1
  1. Il y a longtemps que je porte des sacs bandoulière ou porté croisé sans aucun soucis, mon dernier achat est une sacoche (au départ pour femme) Pépé Jeans modèle sacoche Lina, je trouve que ça ne fait pas plus féminin que masculin et ça a plutôt un style unisexe.

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