MWORKS, label créatif de couture et de convictions
Rédigé par Victoire Satto
Le 10 mai 2022
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MWORKS n’est pas une marque, c’est un laboratoire. Un atelier de création de couture où artistes et créateurs mettent en commun et en ébullition leurs idées pour repenser la mode. On a rencontré Martin Liesnard, designer passionné et engagé qui présente ses convictions et sa nouvelle collection couture, hybride et poétique.
Qui es-tu, Martin ?
Je suis un designer belge de 36 ans, fondateur de MWORKS.
Après plusieurs années passées chez Louboutin et AMI Paris, dont j’ai pu contribuer au développement, j’avais moi-même une forte appétence pour l’art et la création. Ne sachant pas tout faire, je me suis rapproché de Mansour, cofondateur de Martin Mansour, à la genèse de MWORKS. Nous avions déjà l’obsession de chercher les solutions les plus justes pour le développement d’une jeune structure de création, à échelle humaine.
Comment l’histoire du duo Mansour Martin a-t-elle contribué à MWORKS ?
Mansour et moi étions animés par l’interaction, les échanges. Le Duo Mansour Martin était un générateur de projets de mode éco-responsables. Circuit de production courts, innovations matières, teintures… Nous avions fait un tour d’Europe physique ou digital pour découvrir les startups engagées et des solutions tangibles, qui n’étaient alors pas développées dans les marques en place. Munis d’un carnet d’adresses conséquent de fournisseurs et de confectionneurs responsables, nous avons créé notre première collection.
Dès cet instant, chaque collection était un média de communication au sujet de ces solutions présentes en Europe.
MWORKS s’inscrit dans le même fonctionnement. La marque, restructurée en 2022, présente à travers sa collection actuelle 15 acteur·ice·s qui travaillent des matières à l’ancienne ou des matières innovantes, des apprêts écologiques, comme un enduit naturel déperlant pour le coton biologique.
MWORKS est un fablab de couture engagée. Comment ça marche ?
MWORKS est une marque laboratoire qui fonctionne comme un label. De nombreux projets artistiques, talents et artisans viennent s’y greffer.
On crée en collaboration avec des ateliers et des maisons artistiques, ayant un rôle dans l’économie de la mode engagée aujourd’hui. Chaque collection associe MWORKS + un atelier + un artiste, ces deux derniers sont mis en avant. Nous avons par exemple collaboré avec Wholeproject, Ibaba ou Les trois tricoteurs. Généralement, ces personnes collaborent ensemble par la suite, à nouveau. Les artistes peuvent être initialement loin de l’industrie de la mode : plasticien·ne, illustrateur·ice, développeur·se d’espace scénarisé, peintre…
On n’est pas à la recherche du succès, on veut que ce soit une réussite, à l’échelle qui lui est propre.
Le modèle économique est-il compatible avec l’industrie ?
Nous nous questionnons en permanence sur le rythme des saisons, antinomique par rapport aux solutions disponibles : petite échelle, petits producteurs, petits confectionneurs… On travaille avec des indépendants comme des manufactures, à dimension humaine et familiale, avec des matières dont le renouveau est lent. Produire tous les 6 mois – voire plus ! – n’est-ce pas gaspiller la création ?
Quand on s’inscrit dans le calendrier de la Fashion Week, on se destine au wholesale (la revente en grands magasins – ndlr), cela n’est pas forcément rentable, et difficilement éco-responsable. Une alternative pour rester indépendant du rythme, serait de devenir marque média qui propose des vêtements en direct à ses clients.
Il faudrait également que les grands groupes s’ouvrent à d’autres modèles, acceptent de baisser leurs marges quand il s’agit d’initiatives engagées.
En 2022, on fait du vêtement pour quelqu’un, pas pour un genre.
Pouvez-vous nous parler du parti pris non genré et de l’oversize ?
Techniquement, on développe des vêtements pour hommes, secondairement adaptés à toutes les corpulences. Les femmes sont invitées à piocher chez nous, avec grand plaisir. Nos lookbooks sont mixtes. Vareuses, wind breakers, hoodies sont des pièces non genrées. En 2022 on fait du vêtement pour quelqu’un, pas pour un genre. Les étages hommes et femmes des grands magasins devraient aussi s’interroger aussi là-dessus.
Vous jouez également sur les codes du tailoring, la collection est décrite comme “une hybridation poétique du vêtement contemporain”.
Il s’agit d’un tailoring fantaisiste. Les pièces d’extérieur jouent sur les proportions avec un poncho à capuche fendue par un zip et un manteau aux manches amples, structuré par des fentes… Une combinaison en satin « bleu nuit » sera cintrée à la taille. Un ensemble tailoring fantaisiste est composé d’une veste sans col et d’un pantalon autour duquel s’enroule une jupe. Les volumes de la chemise à capuche sont redessinés pour en faire une version extra large, en popeline rayée camel. Les pantalons en gabardines sont modulables et les vêtements d’uniformes ponctués par des empiècements.
On se joue des normes, tout en respectant profondément les codes d’une création appliquée et des principes du tailorisme traditionnel, en utilisant des matières d’exception.
Quels sont vos engagements responsables, dans cette collection en particulier ?
Aujourd’hui, la marque regroupe une vingtaine de partenaires : start-up, artisans, confectionneurs textiles historiques situés en France, Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Espagne, Suisse, Portugal…
On travaille avec Nona Source (LVMH) pour s’approvisionner en tissus upcyclés. Les pièces en jersey sont biologiques et confectionnées en France. Les tissus bio imprimés sont développés en Hollande avec un procédé d’impression écologique. Les laines proviennent d’Italie et le velours côtelé d’Angleterre. Les boutons sont français et fabriqués à base d’éléments naturels ou recyclés. Certaines popelines et alternatives vegan au cuir, fabriqué à base de nylon 100% recyclé proviennent, quant à eux, du Japon.
On collabore aussi avec un atelier de coloration aux pigments végétaux à Paris ainsi qu’avec Ibaba, un atelier de broderie situé au Rwanda participant à l’insertion sociale des femmes.
Quels sont les projets de MWORKS ?
Je souhaite continuer à créer des collections qui reflètent les outils d’éco-conception en Europe, idéalement pouvoir présenter mon travail au sein d’un lieu de type “boutique galerie” avec une partie magasin, une partie avec des vêtements artistiques moins portables, et un espace dédié à l’art.
Le site MWORKS
Instagram : @mworksparis
Les talents de la collection actuelle
- L’artiste Jeanne Detallante : http://www.jeannedetallante.com / @jeannedetallante
- L’atelier Les 3 tricoteurs : www.lestroistricoteurs.fr
- L’artiste Aurélien Delahaies : www.aureliendelahaies.com
- Photos Look Book : Benoit Bethume @benoitbethume
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