Défilé Jacquemus A/W20-21, prophétique d’une mode responsable ?
Rédigé par Victoire Satto
Le 14 sept. 2020
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Le défilé Automne / Hiver 2020-2021 de Simon Porte Jacquemus était d’une simplicité sans pareil, inclusif, humble dans l’organisation comme dans les créations, faisant honneur au naturel. Une pièce jointe sobre dans notre liste d’emails : Jacquemus a fait savoir à ses invités qu’il n’enverrait plus d’invitation papier pour ses défilés. Il est également possible que ce soit – au moins pour un temps – son dernier. S’il est toujours délicat de connaître les intentions réelles, entre sincérité et façade greenwashée, on se réjouit du message fort que ce défilé envoie à l’industrie toute entière.
L’état du monde m’a fait m’interroger sur la raison pour laquelle je fais ce travail, et mon équipe ressentait la même chose. Nous voulions que la collection ait beaucoup plus de sens.
Simon Porte Jacquemus, à propos de son défilé.
Un premier défilé mixte
Peut-être son dernier défilé, a t’il annoncé.
Des coupes simples, des silhouettes effacées.
Des coloris naturels, une matière naturelle.
Une scénographie archi épurée.
Des mannequins se mouvant discrètement, comme des âmes sans make-up, à la carnation et à la morphologie diverses.
Pas de lumière particulière sur ceux qui siègent au premier rang.
On dit du Luxe dans la mode qu’il annonce des prophéties auto-réalisatrices. Le trend n’existe que par le ton donné par une mode verticale descendante, dont l’autorité siège en haut du panier financier. Et si on lutte au quotidien pour la démocratisation et l’accès de cet art à tous, pour une fois, on aimerait que ce soit vrai.
On aimerait que s’applique la théorie selon laquelle les tendances impulsées par le luxe atteignent la grande distribution « par débordement ».
On aimerait que les géants, H&M, Inditex, Walmart ou Amazon Fashion, profitent de cette parenthèse enchantée, au ralenti dans l’histoire d’une Fashion Week parisienne, pour s’approprier la sobriété de ce défilé.
Pour instiller du « moins » et une grande dose de lin dans leurs collections cet été. Des pièces sans teintures chimiques, des matières biodégradables mais pour autant robustes qu’on aura plaisir à passer à son enfant, son ami.e ou un.e inconnu.e dans 10 ans, voire même qu’on s’autorise à rêver trouver sur un marché aux puces, sans bouloche ni ces micro-élastiques courts qui frisottent aux points de tension d’un vêtement en mauvais polyester.
On aimerait que ce défilé A/W20-21 de Simon Porte Jacquemus soit une invitation à glander tout l’été dans une robe en lin couleur sable, les pieds dans les glaïeuls et la tête dans un bouquin, au bord d’une rivière non instagrammable. On souhaiterait que les équipes de développement jusqu’au marketing de ces masters pollueurs soient transportées comme on l’a été dans la faille spatio-temporelle ouverte par ce show, « L’année 1997 », et rebootent leur le rythme de production. Un rythme à la demande de leurs clients et à la mesure des capacité de régénération du premier de leurs fournisseurs : Dame-Nature.
On pose ça là comme une petite prière, comme un message trouvé dans un fortune cookie, comme un mantra inscrit sur un sachet de Yogi-Tea.
Car s’il y a bien un endroit dans la mode où il est permis de rêver, c’est un défilé. Libre à nous d’y voir une prophétie, libre à eux de la réaliser.
Crédits images : @TAGWALK & ©Jonas Gustavsson/Sipa USA/SIPA
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