L’art de seconde-main par Maxine
Rédigé par Victoire Satto
Le 14 sept. 2020
Minutesde lecture
Nous pensons fermement que vous, humains & consommateurs, façonnez la transition sociale des entreprises par désir de mieux investir et vivre dans vos vêtements. Votre avis nous est précieux. Alors chaque mois, on le recueille dans notre boite aux lettres, on vous aide à rédiger puis on partage votre histoire. Comme ça, elle fait écho dans la tête des activistes qui se sentent moins seuls, germe dans celle des profanes pour qu’ils s’instruisent sur le sujet, s’insère dans la stratégie des industriels qui n’auraient pas encore enclenché le changement à leur échelle. Maxine est lilloise. Elle a fait le choix de la seconde main pour des raisons éthiques et de style. Après Céline, Marie, Victoire et Margaux, c’est à son tour de nous raconter son récit.
Aïe, on nous fait croire / Que le bonheur c’est d’avoir / De l’avoir plein nos armoires / Dérisions de nous, dérisoires.
Chiner est un remonte-moral
Vendredi 17h, cerveau en léthargie secoué par un sms de Clémence. Ma grande copine du lycée est aussi mon acolyte de shopping. Je lui dis souvent que nous finirons au paradis de la Mode, lieux de toutes les exaltations de Styles, si rocambolesques soient-elles. Chacune de nos tenues adaptées à notre humeur : amoureuse en longue jupe plissée argentée aux allures de tutu, déterminée en escarpins. Aucune règles à suivre autre que celles sa personnalité et ses envies, tel dans le célébrissime dressing de Carrie Bradshaw. Il se trouve que Clémence vient de découvrir cette sorte de caverne d’Ali Baba aux pièces d’exception, l’histoire et les frissons inclus dans le placard.
Rendez-vous à République dans 10 minutes !
Un nouveau showroom-friperie vient d’ouvrir, on ne discute pas. Je déboule dans le nouveau QG lillois, déso Paris, pour une fois la part belle est au Nord !
À l’intérieur, bon feeling : pas d’inhalation agressive de naphtaline avariée, des articles classés par couleurs comme des tons de Pantone. C’est harmonieux, ça appelle. Après quelques minutes, mon regard se pose sur un pantalon noir en crêpe, évasé : Instant Crush. Pile à ma taille, élégant, un tombé parfait, j’étais déjà conquise avant qu’en plus un vendeur expert ne m’interpelle : Regarde l’étiquette, « Modèle d’exception reproduction interdite ». En langage de friponier, ça signifie qu’il a été fabriqué à la main dans une grande Maison de couture dans les années 50, alors que les copies commençaient à abonder, reproduits par des couturières qui sortaient les dessins des patrons des ateliers. Ce pantalon vintage a donc, en plus, une grande valeur.
30 euros, 15 minutes, 68 ans et une meilleure pote plus tard, me voilà en possession d’un objet extraordinaire qui ne manque pas de rendre jalouse ma communauté, l’après-midi même. En 2018, acheter neuf un tel vêtement n’est pas possible, que ce soit pour sa qualité ou son rapport qualité/prix. Mais détaillons ici.
Crédits Mario Testino pour Harper’s Bazaar via @90s_Models // Random Tumblr non signé
État de l’art de la fripe
Qu’est-ce qu’on appelle la seconde main ?
- LA SECONDE-MAIN : c’est tout objet qui n’est pas neuf quand on l’acquiert, concentrons-nous ici sur le vêtement. Il faut différencier La Fripe du Vintage et du Rétro.
- LA FRIPE : c’est tout vêtement qu’on achète d’occasion, par extension un vêtement qui a déjà été porté. Elle englobe donc le vintage.
- LE VINTAGE : c’est un vêtement dont le Style et le mode de fabrication appartiennent à une époque précise de l’histoire, généralement vieux de plus de 20 ou 30 ans lorsqu’on l’acquiert.
- LE RÉTRO : c’est un vêtement dont le Style correspond à une époque, mais produit de façon contemporaine. Une imitation de Style, en somme. Il peut être acheté neuf ou en deuxième-main, aucune authenticité ni qualité garantie.
Les trois premiers incluent aussi bien des pièces chiffons/froissées en boule dans des bacs à l’odeur caractéristique de fleur d’oranger rance, et d’autres exceptionnelles issues de collections particulières jusqu’à la Haute Couture. - LA GRIFFE : quant à elle, désigne la signature d’une pièce par une grande Maison de couture. On parle d’une pièce griffée Chanel, Patou, Dior, Poiret … etc.
L’histoire de la seconde main
C’est celle de la brocante : les fripiers/brocanteurs récupéraient les vêtements endommagés pour les repriser avant de les revendre sur des étals ou au Carreau du Temple qui n’était pas encore un haut lieu du Style au début du 18ème siècle, car ce qu’on y vendait provenait principalement des morgues, armées et hôpitaux. Attends un peu, c’est là que c’est cool : lorsqu’autour de 1900 les confections mécaniques et standardisées apparaissent, des vêtements similaires et de moindre qualité concurrencent ce marché (ça rappelle un truc, nan ?). Cependant la bourgeoisie ne s’y trompe pas : mieux vaut une pièce rare et bien faite qu’une copie dégradée. La friperie devient donc une conquête et fait le bonheur des artistes et des étudiants lettrés.
Les style de la seconde main
Unique. Personnalisé. Intemporel. Malléable. Gabi Chanel a théorisé le fait qu’il ne se démode jamais. Expliquer pourquoi c’est génial d’acheter un vêtement rendu exceptionnel par les années ou simplement acheté en marge des collections au rythme effrené, c’est nous demander de résumer en une phrase le message que Thegoodgoods veut faire passer : c’est choisir son identité, à travers un vêtement. L’habillement est la seule discipline qui permette d’exprimer sa créativité au quotidien, librement, et ses valeurs dans le même temps, et revendiquer une cause identitaire, écologique, altruiste (remplacer par ce qui vous va, au sens propre et figuré).
Crédits @EduardoXavierStylist, @20thcenturyChap, @thompsonstweeds
Les raisons écologiques
La seconde main participe à la Mode circulaire puisque le vêtement ou l’accessoire n’est pas jeté aux oubliettes mais trouve une nouvelle vie dans un dressing opportun. Alors que 600 000 tonnes de textiles, linge de maison, chaussures sont mis sur le marché en France chaque année, 70% de ces matières ne sont pas recyclées une fois jetées. Elles sont donc enterrées ou brûlées, et au delà du potentiel gâché, les conséquences environnementales sont d’autant plus sévères que les matières sont synthétiques, et par définition non biodégradables. Comprendre « équivalent plastique ».
À l’aube de 2030, la quantité de vêtements produits devrait s’élever au nombre astronomique de 102 millions de tonnes par an, soit 60% de plus qu’aujourd’hui (d’après GFA). Dans un monde où nous devrons bientôt habiller 7 milliards d’êtres, la production sera exponentielle et ses impacts sur l’environnement colossaux. De simples gestes et changement d’habitudes comme s’habiller grâce à la seconde main pourraient donc empêcher une telle surconsommation.
Acheter de la seconde-main #bristoltime :
- C’est limiter la destruction d’un bien
- C’est participer à la réutilisation d’un produit fini, et ainsi ne pas dépenser d’énergie supplémentaire pour sa fabrication
- C’est repenser tout le processus d’achat : acheter local, créer un échange avec un vendeur qui conseille et vous lie d’Histoire avec un vêtement tout en délivrant ses conseils Mode. La slowlife en pratique.
- C’est un pas positif de plus vers notre changement de mode de consommation concernant l’industrie textile
- De plus, un vêtement qui n’est pas acheté sous la pression publicitaire n’est pas un achat en réponse à une frustration, mais bien un coup de cœur ou de raison. Il sera donc aimé davantage, et conservé plus longtemps.
Crédits @BruceWeber
La fripe, en pratique ?
En 2018, la fripe est à tous les étages de Style et de porte-monnaies. Voilà notre guide et nos recommandations pour faire son marché, du troc aux boutiques d’exception en passant par les vide-dressing et Emmaus.
Où acheter de la seconde main
Maisons royales de la fripe, c’est en général les endroits les plus variés en matière de Style et de prix.
On y trouve, souvent mélangés, du vintage pur jus aux modèles intemporels, tel le trench Burberry, un Levi’s 501, un bomber MA-1 d’époque, ou au contraire du streetwear où abondent les pièces cheap des grands noms de la fast-fashion que l’on connaît. C’est malheureusement ce qu’on trouve le plus, les souvent entassés dans des bacs à débordement.
La fripe digitale
Mes recos : échanger avec le vendeur, exiger des certificats sur les pièces griffées, demander davantage de photos/angle de vue si nécessaire, notamment pour les sacs et chaussures qui peuvent être très fatigués.
- Vestiaire Collective – Hommes & Femmes – Moyen et haut de gamme, présentation soignée, fiches produits renseignées, négociation possible
- Comme un Camion – Paradis pour Hommes
- Vinted – Hommes & Femmes – De TOUT ! Pas de garantie sur la qualité
- Vide-Dressing – Hommes & Femmes – Un super intermédiaire entre les deux, la version application est imbattable
- LuckyFind – La brocante en ligne géolocalisée
- Cyrillus – Seconde histoire – Enfants
Les boutiques physiques
Elles sont répertoriées dans la carte des boutiques engagées. Certaines friperies sont spécialisées dans le luxe et proposent notamment des trésors de Haute Couture, véritable morceaux d’Histoire sur cintres, matières de qualité inégalables. Dans ces endroits, vous pourrez trouver des robes de bal à re-conditionner en robe de mariée, des chapeaux de la Cour royale britannique, de la maroquinerie d’exception aux douces effluves de cuir vieilli qui n’attend que de ressusciter.
Les boutiques digitales de seconde main de luxe
- Vestiaire Collective – Hommes & Femmes – Cf ci-dessus
- What Goes Around Comes Around – NYC – Pièces d’exception – Attention l’empreinte carbone, c’est shipé depuis les USA
Les boutiques physiques de seconde main de luxe
- La Marelle – Paris
- Didier Ludo – Paris
- Les Merveilles De Babellou – en ligne
Les marchés aux puces, les brocantes
Ce ne sont pas des friperies à proprement parler, mais proposent souvent une offre vestimentaire et accessoire distillée au milieu des objets surranés. Les brocanteurs choisissent généralement peu de pièces et de qualité. N’hésitez pas à les interroger sur l’époque du vêtement et des conseils concernant son entretien, ce sont des livres ouverts.
Les Puces De Saint-Ouen
Les Puces Du Canal De Lyon
Elles sont un peu les seules du genre en France, toute l’année, à notre connaissance. Certaines grandes villes ont leur rendez-vous de braderie, comme Lille, les villes de taille petite et moyenne, les arrondissements de Paris, annoncent leurs brocantes et marchés dans les journaux et parfois sur des sites d’annonce tels YELP.
Prenez le pli : où que vous soyez en WE, Googlez : (la ville + dimanche + brocante/puces/marché vintage)
Les vide-dressings
De bouche à oreilles, via les réseaux sous forme de pop-up stores dans les cafés. À petite ou grande échelles, ce sont des lieux de rencontres entre modeurs et modeuses dans leur coin de paradis.
Les infos digitales avant les events physiques
La référence en la matière, c’est Violette Sauvage, pour vendre comme pour acheter (attention, les commissions sont bien dosées). Dans le même genre, on a récemment découvert Système Solère.
Le troc
Encore à ce jour peu utilisé, le troc pourrait bientôt devenir monnaie courante pour faire peau neuve dans nos placards, grâce à cette fabuleuse ère des réseaux sociaux et à l’envie de changement portée par certains entrepreneurs. Vous pouvez aussi organiser des soirées troc entre amis afin de découvrir et échanger dans la sphère privée. Post-moderne à l’excès, retour vers le tout premier moyen d’échange de l’histoire de l’humanité.
Digital
- Troc Vestiaire
- Prêt À Changer
Crédits @NYC-Looks
Mes conseils
En ce qui concerne le vintage, voilà quelques conseils pour un achat réussi :
- Concernant l’âge du produit : la date de fabrication d’une pièce vintage peut être évaluée par le tissu de fabrication. Si vous souhaitez connaître l’âge de votre acquisition, jetez un oeil à sa composition : laine, soie, coton, lin… S’il y a une once de de polyester, passez votre route.
- N’hésitez pas à investir, notamment en maroquinerie, dans de la qualité.
- Comment reconnaître une vraie pièce vintage ? Les robes, les jupes, les manteaux et les blazers d’époque seront systématiquement doublés (en crêpe, Georgette). Faites particulièrement attention au zip des vêtements : halte aux fermetures éclair en plastique, les fermetures vintages (avant les années 70) sont en métal. L’étiquette du vêtement doit toujours être cousue, au col ou sur les côtés, possiblement dans la doublure. Les étiquettes anciennes sont généralement simples : nom de la marque, matière, ville ou pays de conception. C’est tout.
- Comment bien choisir sa pièce vintage?
- Vérifiez entièrement le vêtement (tâches, petits trous, coutures défaites, boutons manquants, s’il a déteint). Essayez car les tailles ont évolué et les coupes sont parfois trompeuses ! Les vêtements ne sont jamais repris ou échangés.
- Concernant les articles contemporains : regardez bien l’intégralité du vêtement avant de l’acheter : une tâche indélébile ou un trou disgracieux peuvent ou dissuader ou vous permettre de négocier le prix à la baisse.
CREDITS @BEBOPETLULA Lille
À la lecture de cet article, vous possédez toutes les cartes pour faire un bel achat. Dans ce XXIè siècle où tout défile à cent à l’heure, où tout est crée puis rapidement démodé et remplacé, il faut reconsidérer ce qui fait sens et ce qu’on aime dans sa garde-robe, ce à quoi on décide de donner de la valeur.
Demandez-vous si votre potentiel achat vous fera plaisir et imaginez-vous le portant, cela pourra vous aider à bien vous décider. En achetant en seconde main, vous pourrez perpétuer l’histoire d’un Teddy qui aurait été porté par un étudiant américain de Harvard ayant fait les 400 coups, ou d’une robe en tulle qui aurait dansé toute la soirée sur le dos d’une grande mondaine de Paris des années 60. À vous de poursuivre son aventure.
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