L’art de la seconde-main par Laurie
Rédigé par Victoire Satto
Le 14 sept. 2020
Minutesde lecture
Nous pensons fermement que vous, humains & consommateurs, façonnez la transition sociale des entreprises par désir de mieux investir et vivre dans vos vêtements. Votre avis nous est précieux. Chaque mois, on le recueille dans notre boite aux lettres de lecteurs et on vous aide à rédiger puis partager votre histoire. Elle fait écho dans la tête des activistes qui se sentent moins seuls, germe dans celle des profanes, s’insère dans la stratégie des industriels qui n’auraient pas encore enclenché le changement à leur échelle. Après Marie, Céline, Maxine, bienvenue à Laurie.
Crédits Instagram @UNTRÉSORDANSMONPLACARD
Laurie a changé de vie
Laurie Raphalen a 39 ans et change de vie. De mode, de mode de vie et de métier par la même occasion. Aligner ses valeurs personnelles et professionnelles est un exercice qui semble aussi naturel que l’aisance avec laquelle elle transforme ses vêtements en pièces d’exception. Un vieux T-shirt en culotte affolante, un sweat-shirt de la fast-fashion en bomber couture à l’aide d’une chute de brocart. Son talent et sa sincérité on fait de son compte Instagram un lieu de vie et d’échanges autour de ses trucs et astuces en couture. Elle se lance aujourd’hui dans la grande aventure de l’entreprenariat en créant Un Trésor Dans Mon Placard, à la fois atelier de retouches / conception upcycling sur mesure, cours d’upcycling et évènements autour de la création et de l’échange de vêtements. Après avoir remporté le prix coup de coeur du public à Dijon pour sa campagne de financement participatif, elle est en finale nationale.
Les vêtements méritent bien une seconde vie !
Être soi avant d’avoir des vêtements
Je suis Laurie, j’ai 39 ans et je m’apprête à quitter mon emploi dans les ressources humaines pour me consacrer exclusivement au concept de mode circulaire que j’ai développé : Un trésor dans mon placard.
J’ai été habillée en seconde main depuis ma naissance. À l’époque, cela ne relevait pas d’une quelconque considération écologique. À la maison, on ne roulait pas sur l’or, le système D était de mise. Les enseignes de fast-fashion n’avaient pas encore envahi les petites villes de province. Les vêtements d’occasion et la couture constituaient deux alternatives bon marché aux vêtements neufs. Le shopping se faisait en dépôt vente ou en friperie. Ma mère et ses copines se revendaient leurs vêtements entre elles, bien avant que les vide-dressings ne deviennent tendance. Ces habitudes, connues depuis l’enfance, ont toujours été pour pour moi une normalité.
Les vêtements d’occasion et la couture constituaient deux alternatives bon marché aux vêtements neufs.
Et puis l’adolescence a pointé le bout de son nez en même temps que la fast-fashion. Dans les années 90, la récup n’était pas à la mode. J’ai subitement développé un sentiment de honte, je cachais à mes amies que je portais des vêtements d’occasion ou faits maison. Moi qui rêvais d’avoir pour être, je me suis sentie happée par cette société de consommation pleine de promesses. L’une de mes motivations à faire de longues études était de gagner suffisamment d’argent pour m’acheter tout ce que je voulais. Pendant une dizaine d’années, faire du shopping était mon activité du samedi. Des placards bondés et pourtant rien à me mettre, j’avais toujours besoin de nouveautés.
Crédits Instagram @UNTRÉSORDANSMONPLACARD
L’éveil écologique
Le 24 avril 2013, le Rana Plazza s’est effondré et toutes mes croyances ont sombré avec. J’ai compris que je m’étais complètement égarée. J’ai été très affectée par ce terrible drame. Le fait de voir dans les reportages, à la télé, sur internet, les étiquettes de mes enseignes préférées dans les décombres m’ont submergée de culpabilité. J’ai alors décidé de ne plus acheter de vêtements neufs. Il y a déjà tellement de matière existante. Prolonger la vie des vêtements est également une forme de respect pour le travail des ouvriers du textile mais également pour la planète. Après presque un an sans achat, j’ai franchi la porte d’un dépôt-vente. J’ai aussi ressorti ma machine à coudre du placard… J’ai commencé à transformer mes vêtements en d’autres, qui me correspondaient mieux. Le vêtement a quelque chose de très particulier, il constitue une seconde peau, l’interface entre notre intimité et le monde extérieur. Chaque personne est unique et pourtant des millions de personnes dans le monde s’habillent de la même façon. Résultat, 70% de notre dressing n’est pas porté.
La métamorphose du dressing de Laurie
Avec quelques modifications ou alors une transformation complète, on peut (faire) adapter nos vêtements pour qu’ils nous correspondent pleinement. Dans le prêt-à-porter, la production de masse, les tailles « standards ». Mais qui sont l’Homme et la Femme standards ? Je ne les connais pas. Ils n’existent pas. Le plus incroyable est sans doute notre crédulité à considérer que c’est à nous qu’il incombe de changer notre corps, le modeler pour rentrer dans ces fameux vêtements. C’est au vêtement de s’adapter au corps, non l’inverse. En 2015, j’ai créé mon blog Un trésor dans mon placard pour partager mon cheminement et mes tutoriels. J’ai appris la couture avec ma grand-mère dont c’était le métier. En revanche, je me suis formée seule à l’upcycling. Je mesure 1m53, je suis habituée à modifier mes vêtements. Lorsque vous devez enlever plus de 10 cm au bas d’un pantalon, il ne suffit pas de faire un ourlet, il faut retravailler l’ensemble de la forme de la jambe. J’ai pensé que d’autres personnes probablement devaient être intéressées par ces conseils et astuces, pour prolonger la durée de vie de leurs vêtements. Les curieuses du DIY se sont approchées. La communauté a grandi et à force d’échanges et de partages, j’ai vu le rapport à la mode de mes lectrices changer. Et voilà comment je me suis retrouvée propulsée au rang de « reine de l’upcycling » par ma communauté.
La reine de l’upcycling
Il y a deux pièces phares qui symbolisent Un trésor dans mon placard : la petite culotte réalisée dans un vieux T-shirt et la Bomber Jacket créée à partir d’un vieux sweat à capuche. De fil en aiguille, on m’a confié des vêtements à transformer et sollicité pour animer des ateliers et des conférences sur comment adopter une garde-robe éco-responsable. J’ai trouvé ma mission de vie avec tout ça.
Mon niveau d’engagement est à la hauteur de la culpabilité que j’ai pu ressentir à l’effondrement du Rana Plaza.
J’ai compris que la mode était bien plus belle lorsqu’elle était responsable et j’ai décidé de consacrer mon temps à défendre cette cause.
Parallèlement, mon histoire d’enfance s’est complètement réécrite, le sentiment de honte à laisser place à une certaine fierté. J’ai fini percevoir la richesse des moments de partage lors des après midi vide dressing ou couture que ma mère organisait à la maison entre copines. La richesse de l’être et non de l’avoir.
Un trésor dans mon placard, c’est aujourd’hui une activité autour de la seconde vie des vêtements qui comprend :
- Un service de retoucherie et de création de vêtements sur mesure à partir de textiles déjà existants;
- Des ateliers de couture upcycling;
- Une penderie partagée : les adhérents au service apportent leurs vêtements qu’ils ne portent pas et choisissent d’autres vêtements à la boutique et ce autant de fois qu’ils le souhaitent.
Crédits Instagram @UNTRÉSORDANSMONPLACARD
Le site de Laurie & son compte Instagram
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