« Flock disease », une maladie pulmonaire des travailleurs du textile
Rédigé par Victoire Satto
Le 13 juin 2022
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Une nouvelle maladie pulmonaire professionnelle vient d’être identifiée chez les travailleur·euse·s exposé·e·s à des fibres utilisées dans la fabrication du flock, textile répandu dans la mode et l’industrie automobile. Nous sommes aux prémices des révélations des conséquences sur la santé des manipulations et de l’usage quotidien du plastique dans le textile… Malgré les publications scientifiques, le temps de réaction des gouvernements et des entreprises semble trop lent et dépendant des lobbies pour protéger les travailleur·euse·s et les consommateur·ice·s efficacement.
Le flock, textile en cause dans une atteinte respiratoire chronique par exposition professionnelle
Le “flock” , une matière souvent synthétique répandue dans la mode
Le flock est un textile non tissé à l’aspect et au toucher velours, adapté à tous les types de matières et principalement synthétique (polyester, acrylique, nylon…) et utilisé principalement dans l’industrie du sport et de la mode. Il est composé d’une grande densité de fibres qui lui donne une texture particulière, fabriqué en coupant avec une lame de courtes fibres synthétiques à partir de faisceaux de monofilaments parallèles ou d’autres polymères, pour une application sur des substrats enduits d’adhésif.
Image au microscope électronique à balayage d’un échantillon de poussière respirable en suspension dans l’air prélevé dans une usine de fabrication de cartes – Crédits Vinicius C.S. & al© pour Wikipédia.
De nouvelles maladies respiratoires chroniques liées au flock
Contrairement aux fibres minérales respirables telles que l’amiante, le flock synthétique est visible. Depuis 1975, plusieurs case reports alertent sur les potentiels dangers respiratoires associés à l’exposition professionnelle de fibres synthétiques, y compris le polyester, le nylon et la poussière acrylique. Les enquêteurs du NIOSH (Occupational Safety and Health) ont été les premiers à attribuer les symptômes respiratoires chez les travailleurs de fibres aux propriétés irritantes les voies aériennes supérieures (sinus, pharynx, larynx) [1], puis plusieurs cas ont été décrit par des équipes canadiennes, révélant l’existence de maladies pulmonaires interstitielles (les cellules de soutien des toutes petites voies aériennes dans les poumons – NDLR) chez des travailleur·euse·s du flock de nylon deux usines du Massachusetts [2], de polyéthylène en Espagne, de polypropylène en Turquie et de rayonne au Kansas [3].
La mode rend malade l’environnement et les travailleur·euse·s du vêtement.
Une problématique largement sous-estimée et des actions insuffisante
Nous sommes aux prémices des révélations des conséquences sur la santé des manipulations et de l’usage quotidien du plastique dans le textile. Pour autant, notre temps de réaction est trop lent pour protéger les travailleur·euse·s et les consommateur·ice·s efficacement.
Les scientifiques ayant enquêté sur les espaces de travail au sein de ces entreprises textiles ont découvert une poussière de nylon de taille inhalable jusque-là insoupçonnée dans l’air des lieux de travail du Rhode Island et du Massachusetts. Des épidémiologistes ont identifié des facteurs de risque chez les travailleur·euse·s exposé·e·s et les toxicologues animaliers ont démontré la plausibilité biologique chez les rongeurs, par instillation intratrachéale des poussières du lieu de travail et de leurs composants (autrement dit, en reproduisant les conditions de travail au sein de laboratoire et sur des animaux – NDLR), tels que :
- Travailler en production et maintenance, sur une gamme flocage ;
- Plusieurs jours et heures par semaine ;
- Procéder à des nettoyages à l’air comprimé ;
- Être exposé·e à l’inhalation de particules de poussière.
Ces critères, quotidiens pour les employé·e·s, étaient fortement associés aux symptômes de la maladie. Validant ces conclusions, plusieurs observations affirment que l’exposition précède systématiquement la maladie, que les symptômes s’améliorent avec l’arrêt de l’exposition et récidivent aux ré-expositions.
Ces rapports scientifiques incitent fortement à établir des mesures préventives réalisables sur les lieux de travail. A l’heure actuelle, dans les usines concernées par ces études, menées suite aux suspicions de médecins du travail sur place, aucune entreprise ne semble intéressée ni concernée par le suivi des expositions ou la surveillance médicale. Ainsi, l’identification d’une cause ou d’une nouvelle maladie professionnelle ne suffit pas en elle-même à empêcher une exposition et un risque continus pour les travailleur·euse·s. –
La mode rend malade l’environnement et les travailleur·euse·s du vêtement. La prévention primaire nécessite l’élimination ou le contrôle des expositions causales et passe avant tout par la réduction drastique de la quantité de textiles et vêtements produits, ainsi que notre dépendance aux matières d’origine pétrochimique.
Références
- [1] Cummings KJ, Johns DO, Mazurek JM, Hearl FJ, Weissman DN. NIOSH’s Respiratory Health Division: 50 years of science and service. Arch Environ Occup Health. 2019;74(1-2):15-29. doi:10.1080/19338244.2018.1532387
- [2] Kern DG, Crausman RS, Durand KT, Nayer A, Kuhn C 3rd. Flock worker’s lung: chronic interstitial lung disease in the nylon flocking industry. Ann Intern Med. 1998 Aug 15;129(4):261-72. doi: 10.7326/0003-4819-129-4-199808150-00001. Erratum in: Ann Intern Med 1999 Feb 2;130(3):246. PMID: 9729178.
- [3] Turcotte SE, Chee A, Walsh R, Grant FC, Liss GM, Boag A, Forkert L, Munt PW, Lougheed MD. Flock worker’s lung disease: natural history of cases and exposed workers in Kingston, Ontario. Chest. 2013 Jun;143(6):1642-1648. doi: 10.1378/chest.12-0920. PMID: 23699830.
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