Fibre d’ortie : cette matière oubliée fait-elle son comeback ?
Rédigé par Renaud Petit
Le 10 sept. 2022
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On connaît le lin, le chanvre, les tissus en fibres de bois… Mais saviez-vous qu’on peut également créer des vêtements à partir d’une plante bien courante qu’on trouve partout : l’ortie. Zoom sur une fibre oubliée issue d’une plante mal-aimée.
La fibre textile qu’on trouve dans tous les jardins.
Toutes les variétés d’orties ne donnent pas de fibres assez solides pour être filées et tissées. Néanmoins, les variétés qui le permettent sont historiquement présentes et utilisées depuis des siècles en occident et en Asie. Pour les variétés asiatiques, on parle plutôt de “ramie” bien que ces plantes soient bien de la même famille. En Asie de l’est, elle constitue même le tissu de base pour la confection des Hanboks, l’habit traditionnel coréen. Le tissage coréen de la ramie est d’ailleurs inscrit comme patrimoine culturel immatériel par l’Unesco.
L’ortie : une cousine du lin et du chanvre
Comme pour le lin et le chanvre, les fibres d’ortie sont longues, solides et extraites des tiges. Leur texture est aussi similaire à celle du lin et du chanvre, bien qu’elles puissent être tissées de plusieurs manières et ainsi obtenir l’aspect d’autres matières, comme celle du denim par exemple. D’ailleurs, comme le lin, le tissu d’ortie est respirant et absorbant. Il est donc adapté à toutes les saisons.
Une matière naturelle, durable, solide mais toujours rare
Si elle reste présente bien que peu fréquente, en Asie, la fabrication de textiles à base d’ortie a quasiment disparu en occident. On redécouvre donc petit à petit cette fibre mais la filière, autrefois florissante, reste à reconstruire. La preuve : les industriels ne savent plus vraiment l’utiliser et il faut, parfois, repasser par des projets de recherche et développement pour ré-apprendre à s’en servir : “En 2016, nous avons réalisé un essai pour évaluer la faisabilité d’un jeans conçu à 100 % en fibres d’ortie. Fabriquer localement des vêtements en ortie, c’est faisable mais avec pas mal de difficultés !” confesse Christian Didier, responsable du site Emanuel Lang, entreprise historique de tissage basée en Alsace.
Parmi les problèmes qui freinent le développement du textile à base d’ortie en Europe, il y a bien évidemment le fait que la plante n’est plus vraiment cultivée. Les quantités sont négligeables et les orties disponibles ne sont pas de qualité suffisante pour la production de textile.
Tous ces facteurs ne permettent pas à une filière totalement européenne d’émerger. “Au départ, nous voulions utiliser l’ortie européenne et nous avions pris contact avec des allemands qui la cultivent, mais l’ortie proposée à l’époque n’était pas travaillable. Finalement, on a donc dû se tourner vers des orties du Népal.” explique Christian Didier avant de résumer : “La filière européenne n’est pas mûre pour fournir des fibres suffisamment longues pour tisser”.
Heureusement, côté industriel, tout n’est pas perdu
On sait encore faire quelques petites choses. En testant la création d’un denim 100 % ortie, Christian Didier a pu constater les savoir-faires toujours présents, et ceux qui restent à reconstruire sur le vieux continent : « L’ortie vient du Népal où elle a reçu un premier traitement à la main puisque les outils pour effectuer un premier défibrage sur l’ortie n’existent plus, encore moins en France. La suite a pu se dérouler entièrement en Europe. La matière a été défibrée en Belgique, travaillée dans le nord, filée en suisse puis tissée chez nous en Alsace. » détaille Christian Didier.
Au cours des dernières années, le lin et le chanvre ont connu un regain d’intérêt considérable en Europe et les filières industrielles se restructurent petit à petit. Il n’est donc pas totalement fou d’espérer voir la culture de l’ortie et les savoir-faire textiles renaître. Affaire à suivre !
Alors, peut-on quand même trouver des pièces en ortie ?
En attendant qu’une filière totalement locale se reconstruise, il est déjà possible de trouver des vêtements en ramie asiatique.
Des chemises et des basiques en ortie chez Hast
Faut-il encore présenter Hast, marque de basiques masculins en matières naturelles fabriqués en Europe ? Hast propose plusieurs modèles de chemises composées d’un mélange de coton, de lin et de ramie.
Un vestiaire féminin complet tout en ramie chez Tressé
La marque parisienne de mode et déco Tressé propose une gamme très large de pièces féminines 100 % ramie. Robes, shorts, chemisiers, tops, ensembles et même accessoires pour cheveux, il y a de tout !
Des chemises légères en ramie chez Numéro 6
Numéro 6 est une marque française qui ne produit qu’à partir de matières naturelles et artificielles respectueuses de l’environnement. C’est d’ailleurs pourquoi la maison fait une croix sur le coton, même bio, trop gourmand en l’eau. On trouve donc chez eux quelques (trop rares) pièces en ramie.
Des tops basiques 100 % ramie chez Noumenon
Les néérlandais·e·s de Noumenon proposent un vestiaire féminin conçu en matières artificielles respectueuses de l’environnement, comme le tencel ou le cupro, ou en matières naturelles : coton bio, lin et bien sûr ramie. Chaque pièce est fabriquée en Europe.
Des chaussures en ortie chez Faguo
La marque française Faguo, qu’on ne présente plus, a conçu un modèle de tennis en coton recyclé et ortie qui prouve bien qu’on peut faire de tout avec des fibres d’ortie !
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