Slow Flower, pourquoi boycotter les roses rouges de la Saint-Valentin ?
Rédigé par Victoire Satto
Le 10 févr. 2023
Minutesde lecture
A quelques jours de Saint-Valentin, on vous propose de refaire le point sur la situation de la filière horticole en France. 90% des fleurs commercialisées sont importées, principalement par avion, du continent africain ou d’Equateur, ou cultivées sous serre chauffée en Hollande. La mondialisation du commerce de la fleur est le pendant de la fast-fashion depuis les années 90 : une production massive expatriée, des conditions sociales et environnementales de culture désastreuses et une concurrence à prix cassés qui met en péril les producteurs locaux, de moins en moins nombreux. Un mouvement militant et alternatif existe : le Slow Flower [1], qui prône une consommation florale locale, de saison et équitable. On vous présente une alternative durable pour faire fleurir les relations, l’éthique et notre économie à l’approche de la fête des amoureux·ses !
Les conséquences environnementales du commerce des fleurs
30 roses importées produisent autant de CO2 qu’un Paris-Londres en avion [2].
L’éthique des fleurs, qui en parle ? Qui s’interroge sur l’origine géographique de nos bouquets, la quantité de pesticides qu’ils contiennent, les émissions carbone des fleurs coupées puis transportées dans des avions réfrigérés depuis l’Equateur ?
Dans une étude parue en 2017 [3], la chercheuse Rebecca Swinn compare l’impact des fleurs venues des Pays-Bas, d’Angleterre et du Kenya, selon leur AVC ou Analyse du Cycle de Vie. L’étude mesure l’utilisation de l’eau, l’utilisation d’engrais et des paramètres liés aux conditions de travail dans la culture et le transport de sept fleurs coupées disponibles chez les fleuristes conventionnels. Les résultats, en kg de CO2 émis par tige, sont les suivants : un lys hollandais cultivé en décembre dans une serre chauffée est plus impactant que du gypsophile cultivé au Kenya, suivi de près par les roses hollandaises et kényanes.
Les principales sources de consommation d’énergie sont le transport, le chauffage des serres et la consommation d’électricité globale (éclairages artificiels etc). Les résultats sont aussi évidents que terrifiants : un bouquet mélangé de fleurs locales et de saison est 10 fois moins polluant qu’un bouquet importé. L’étude ne tient pas compte des emballages, majoritairement composés de plastique à usage unique.
Crédits Géo®
Le business de la fleur est sale
Parce que 9 fleurs sur 10 sont importées de pays émergents, 9 horticulteurs sur 10 ont disparu en 40 ans. La concurrence est rude et la majorité des fleurs transitent par les salles des marchés, vendues en gros puis au détail. Ainsi, des roses kényanes coupées, transportées dans les 24-48h par avion réfrigéré à Amsterdam où elles sont mises aux enchères par Royal FloraHolland, coopérative néerlandaise surnommée le « Wall Street des fleurs ». [5], par exemple acquises par le marché new-yorkais.
De là, elles seront envoyées à nouveau en avion pour être réparties à des fleuristes sur l’ensemble du continent américain. 28 millions de roses, mais aussi des lys, des chrysanthèmes, des tulipes… sont vendus ainsi chaque jour.
La main d’œuvre dans les filières horticoles est manuelle, pas mécanisable. Ainsi pour obtenir les plus bas coûts d’exploitation, l’emploi de personnes précaires dans des pays au développement moindre est l’option privilégiée des grands groupes exploitants floricoles.
La réglementation concernant l’usage des pesticides et le salaire minimum n’est pas la même partout, encadrée uniquement dans les sites labellisés “commerce équitable”. “Au Kenya, le succès du commerce de la rose doit beaucoup à la main-d’œuvre, féminine et peu coûteuse. A Nini Farm, 550 ouvrières travaillent six jours sur sept, à un rythme effréné”. [5] A cette concurrence rude pour les fleurs locales françaises, s’ajoute la pandémie. Les producteurs et fleuristes ont perdu 40% de leur chiffre d’affaires pendant le premier confinement, 15% des fleuristes ont fermé en 2020.
Crédits Géo®
Quelles sont les alternatives durables et responsables pour (s’) offrir des fleurs ?
Le mouvement Slow Flower & le Collectif de la Fleur Française
Le Slow Flower est le pendant de la Slow Fashion : un mouvement professionnel et citoyen engagé pour une consommation de fleurs locales, de saisons, cultivées dans des conditions saines et équitables et le respect de l’environnement. Il existe aux Etats-Unis et dans divers pays d’Europe. En France depuis janvier 2017, un autre collectif présente des engagements similaires : le Collectif de la fleur française est une association de loi 1901 qui cherche à sensibiliser les Français·e·s à la question de la provenance et de la saisonnalité des fleurs. Il prône une consommation auprès d’horticulteur·ice·s solidaires de la cause, référencé·e·s dans un annuaire de marque et une cartographie qui les géolocalise.
Les slow flowers de chez @Fragrances-Paris
Pourquoi acheter des fleurs engagées pour la Saint-Valentin ?
50% du chiffre d’affaires et de la trésorerie réalisés au printemps, notamment lié aux fêtes calendaires (1er mai, fête des mères, etc.). Les fleurs françaises comptent sur nous !
– Parce qu’on aime l’idée que nos portefeuilles soutiennent l’économie locale ;
– Parce qu’on préfère les fleurs naturelles aux pesticides retrouvés (dont des substances chimiques interdites en France !) dans des roses d’importation [5] ;
– Parce que les fleurs locales respectent la biodiversité ;
– Parce qu’il est plus que temps de se défaire des clichés et de retrouver notre indépendance, celle d’un choix raisonné ;
Boycottons les roses rouges de la Saint-Valentin.
L’annuaire des fleuristes du Collectif de la Fleur Française
Les slow flowers de @Désiré-Fleurs
Les slow flowers de @Fleursdici
Références
- [1] Masami Charlotte Lavault, Floricultrice à Paris
- [2] Enquête PwC pour Valhor et FranceAgriMer- 16/09/2020
- [3] A comparative LCA of the carbonfootprint of cut-flowers: British, Dutch and Kenyan, 2017
- [4] Roses du Kenya : notre enquête sur un commerce… florissant, Géo, 2016
- [5] Des roses à la Saint-Valentin, mais pas des pesticides ! – 60 millions de consommateurs, 2017
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