Changement climatique : demain, boirons-nous encore de l’alcool ?
Rédigé par Renaud Petit
Le 19 oct. 2022
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Des fruits, des céréales, de l’eau fraîche… Pour produire de l’alcool, il faut des quantités importantes de matière première toutes menacées par le déséquilibre du climat et les catastrophes naturelles. Le changement climatique signera-t-il bientôt la fin de l’apéro ? Le risque est là, mais des pistes de solutions commencent à émerger.
Les vins et spiritueux : un secteur lourdement touché par le changement climatique
La France en sait quelque chose puisqu’un de ses fleurons agricoles et de son patrimoine culturel est menacé : le vin. La hausse des températures dérègle le calendrier des vendanges, augmente les degrés d’alcool et diminue la productivité de la vigne. Les cépages que nous connaissons, comme le Pinot en Bourgogne ou le Sauvignon en Provence, ont de plus en plus de mal à pousser sous leurs latitudes traditionnelles. Dans l’hexagone, on considère que plus de la moitié des régions viticoles pourraient disparaître d’ici 2050.
La bière et le whisky, respectivement les 2e et 3e alcools les plus consommés en France après le vin sont également bouleversés par les déséquilibres du climat.
L’eau est l’élément central de la production du whisky. Mélangée à la levure et à l’orge broyé, forme le liquide qui ira ensuite fermenter. Elle sert également à refroidir les distilleries qui se situent donc le plus souvent au bord de rivières. L’augmentation de la pollution et de la température de l’eau la rend moins bonne pour la production de spiritueux.

Le risque : une production sous respirateur artificiel encore plus néfaste
Dans la production de bière ou de whisky, l’utilisation intensive des eaux et les rejets dans les rivières contribuent à les assécher et détruisent les écosystèmes aquatiques.
Les sécheresses à répétition font également qu’il devient difficile d’avoir de bonnes récoltes. Résultat : les fabricant·e·s de spiritueux sont de plus en plus contraint·e·s de sourcer leurs matières premières loin de leurs lieux de production. C’est particulièrement vrai pour les boissons à base de céréales comme le whisky écossais, de plus en plus produit à partir d’orge cultivé à l’est de l’Europe (et notamment en Ukraine).
La vigne est habituée aux climats chauds et n’a normalement pas besoin d’être irriguée. Toutefois, pour continuer à la cultiver dans les régions jusqu’ici traditionnelles, plusieurs viticulteurs et viticultrices pourraient être tenté·e·s de l’arroser d’ici une poignée d’années, ajoutant encore un peu de complexité au stress hydrique dans les régions agricoles (nous avons pu voir les effets de la guerre de l’eau cet été entre les différents secteurs industriels, l’agriculture et les usages domestiques.).

Comment agir pour une production plus responsable ?
Qu’on parle de vin ou de spiritueux, de l’agriculture à l’usine, des initiatives vertueuses commencent à émerger. En Écosse, la distillerie Aberlour du groupe Pernod-Ricard fait figure de cas d’école et met en place des règles pour préserver l’environnement naturel dont elle dépend. La distillerie profite donc de l’extension de son site pour construire de nouvelles unités de production plus durables.
Un exemple en la matière, Aberlour se fournit dès à présent en énergie renouvelable à 100 % (un mix d’énergie éolienne et hydroélectrique). Pour préserver le cours d’eau qu’elle exploite, l’usine se dote de deux unités de polissage de l’eau, un système de filtration naturelle réalisé à la pierre de basalte qui lui permet aujourd’hui de purifier 96 % de l’eau qu’elle renvoie dans la rivière.
Et puisque la production du whisky est menacée par le changement climatique, la marque s’engage également à réduire ses émissions de CO2, notamment en supprimant ses emballages non-recyclables. Elle affirme pouvoir ainsi économiser 129 tonnes de CO2 (et 1,4 million de litres d’eau). Un effort qui s’inscrit d’ailleurs dans un plan la maison mère, Chivas Brothers, qui prévoit d’atteindre une distillation neutre en carbone d’ici 2026.

D’autres exemples similaires existent aussi en France. Chivas Brothers teste notamment de nouvelles techniques pour réduire la quantité d’énergie nécessaire à la production de chaleur dans ses distilleries. Le groupe affirme avoir déjà mis au point une technologie de ventilateur qui, par la compression des vapeurs de distillation, permet de chauffer les unités en utilisant 90 % d’énergie en moins que les méthodes traditionnelles.
De son côté, la maison Cointreau, productrice de la liqueur d’orange éponyme, a également revu ses méthodes de production pour optimiser son utilisation de l’eau. La marque affirme avoir réduit de 45 % sa consommation d’eau depuis 1997. Depuis 2021, elle alimente également ses chaudières à gaz (nécessaires à la distillation) en biogaz, réduisant ainsi ses émissions de CO2 d’environ 90 %.

Cette adaptation se joue aussi au niveau de l’agriculture
Les cultivateur·ice·s ont indéniablement un rôle à jouer, notamment dans la production du vin. Toutefois, cette révision des méthodes agricoles n’aura de sens que si elle suit un chemin raisonnable et responsable, sans faire appel à des méthodes artificielles comme l’usage d’engrais, de produits phytosanitaires ou l’arrosage intensif. Dans le cas de la vigne française, la formation de cépages hybrides, « des croisements entre les cépages que l’on connaît (Chardonnay, merlot, etc.) et des vignes américaines » qui ont « le gros avantage d’être résistant aux maladies, donc ces cépages permettent de réduire drastiquement les traitements » comme l’explique Aurélien Berthou, vigneron basé en Bretagne au micro d’Emmanuel Laurentin sur France Culture.
Pour aller plus loin et mieux comprendre la situation des vignes françaises et leurs possibilités d’adaptation, nous conseillons la lecture de l’ouvrage Le jour où il n’y aura plus de vin de Laure Gasparotto et Lilian Bérillon (Grasset – 2018)

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