Alexis fabrique des néons, un savoir-faire rare entre art et artisanat
Rédigé par Victoire Satto
Le 24 juil. 2021
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Connaissez-vous la différence entre un néon et une LED ? L’un est en plastique et industriel, l’autre en verre et requiert un savoir-faire d’exception. Seules quelques personnes en France sont des néonistes. Un néoniste est à la fois designer et souffleur de verre, maîtrise l’usage des gaz rares et des notions d’électricité. Cet article part à la rencontre d’Alexis Dandreis, néoniste à qui on a confié la création du logo de notre bureau. Entre artiste et artisan, il nous raconte l’histoire de cet objet et son cheminement vers un métier hors du commun.
Crédits Photos : Courtoisie Thomas Appert® & Pascal Nedjar®
Qui es-tu, Alexis ?
Je suis Alexis Dandreis, j’ai grandi à Vence, à côté de Nice.
Mon parcours est plutôt mouvant. J’ai obtenu un bac scientifique sans trop y réfléchir, puis un DUT Information et Communication qui m’a d’abord conduit à travailler une année dans le montage vidéo. À l’âge de 19 ans, j’étais perdu dans ma vie professionnelle. En feuilletant un livre sur le design Memphis des années 80, j’ai décidé reprendre mes études en classe préparatoire pour les grandes écoles d’art et j’ai intégré les Arts Déco à Strasbourg où j’ai étudié pendant 5 ans.
Je structure des images.
De la vidéo au néon, structurer des images en mouvements
J’ai tout de suite compris que je voulais faire de l’art plastique. J’ai commencé à travailler les volumes, des volumes in situ, créés spécifiquement pour un espace. Puis étape par étape, j’ai cherché à les déconstruire : structurer et déstructurer, ce qui comptait, c’était le mouvement. Une fois que les choses sont accomplies, elles ne m’intéressent plus, je passe à autre chose.
J’ai fait mon mémoire sur le basket-ball, un sport que je pratique depuis l’âge de 4 ans. Il représente une expérience du mouvement, la représentation vivante d’un volume. Pour l’occasion, j’avais créé une équipe aux Arts Déco, customisé toute une salle en terrain de basket et organisé un all star game lors de l’inauguration. Ce rapport au mouvement se retrouve dans mon attrait pour le manuel.
J’ai appris à travailler avec des logiciels de PAO (Programmation Assistée par Ordinateur, NDLR), mais j’avais intuitivement besoin d’engager mon corps dans la construction. J’ai complété ma formation par un CAP menuiserie, pour avoir des compétences techniques complémentaires et me confronter aux machines. Le fil rouge entre les disciplines, c’était le savoir-faire. Je pensais enchaîner les formations, jusqu’à ce que je tombe sur le néon.
Le site Alexis Néons
Qu’est-ce qu’un néon ?
La rencontre avec le néon
Le néon est une discipline exigeante dans laquelle j’apprends et me challenge en permanence. J’ai réalisé son existence au Canada, en mangeant une glace dans un glacier à l’américaine. Il y avait deux néons, un rouge et un bleu, j’ai tout de suite été frappé par leur lumière.
Il y a encore un CAP disponible dans le 20e arrondissement de Paris, « Souffleur de verre option enseigne lumineuse », je m’y suis inscrit, à 29 ans, la moyenne d’âge était plutôt 14/15. Puis j’ai cumulé les stages, d’abord à Pantin dans la plus grosse entreprise de néons en France (où ils sont 5 !), puis au Canada et à Berlin.
Chaque pays à son histoire avec le néon, sa technique et un type de verre. En France, on travaille le borosilicate, un verre dur, avec un type précis de chalumeau, de la technique et de la rigueur. Le reste du monde travaille le Murano, un verre tendre. À Montréal, j’ai appris pendant un mois aux côtés de Gérald chez Néon Family, une école beaucoup plus flexible, moins scolaire, où l’on apprend la patience, une qualité qui me manque !
Le verre ne répond pas à la contrainte.
De l’enseigne lumineuse à l’art, du néon à la LED
Le néon est un savoir-faire français. Il a été créé par George Claude en 1910. L’électroluminescence existait déjà, mais c’est le premier à en avoir fait une enseigne lumineuse. Il travaillait les gaz rares, obtenus en distillant l’air liquide et a eu l’idée de les associer au passage d’une décharge électrique dans un tube dont le conduit est couvert d’enduits fluorescents, ainsi sont nées les enseignes lumineuses. À l’époque, bien qu’artisanaux, les néons étaient fabriqués à grande échelle, principalement pour un usage extérieur.
Aujourd’hui, c’est une activité de niche, le néon est un objet de luxe principalement utilisé en intérieur pour décorer.
Dans les années 2000, la LED est arrivée, une alternative en plastique et qui consomme très peu. Elle est moins cassante, mais contrairement au néon dont la durée de vie est de 50 000 heures environ, la LED vit au maximum 3 ou 4 années et va rapidement présenter des nuances d’obsolescence que le néon n’a pas. La qualité de la lumière n’a rien à voir.
Le néon a une aura, diffuse à 360°, il imprègne, tandis que la LED éclaire dans un seul sens. C’est un objet luminescent beaucoup plus vide.
Designer, souffleur de verre, soudeur, électricien
Fabriquer un néon requiert plusieurs étapes, la première étant la discussion avec un·e client·e pour définir le projet, le choix d’une typo, d’une taille, de la pièce concernée, d’un support éventuel, d’une construction à plat ou en volume. Ensuite, je crée un patron du design qui me servira de guide pour courber le verre, anticiper les courbures. Le tube en verre mesure 3,20m et environ 1mm d’épaisseur, il est chauffé au chalumeau. La gestion des virages, du poids du verre font la complexité du néon.
Le néon se déforme à mesure que l’on chauffe le verre, il faut à chaque instant contrôler la lutte contre la gravité.
Dans un 3ème temps, je soude le verre au bâti de pompage, il est soumis à la chaleur puis au vide pour enlever les impuretés. Enfin, on y injecte un gaz (le néon, le krypton, l’hélium, argon…). Le “néon” est donc un abus de langage, ce gaz ne donne que la couleur rouge. Chaque tube a une référence couleur qui donnera le ton de la lumière émise, en association au gaz choisi. Une fois le gaz enfermé, je soude hermétiquement les électrodes et le néon est terminé. Je maîtrise l’ensemble du processus de création qui prend en moyenne 1 semaine, ce n’est que du temps humain.
Le site Alexis Néons
Le néon, art ou artisanat ?
Aujourd’hui, je vis de mon travail, je ne sais pas si je suis artiste ou artisan. Je réponds à des commandes donc je suis un artisan, je suis créatif donc je suis un artiste. Je viens de remporter une bourse des Métiers d’Arts de la Banque Populaire, pour travailler la 3D, la maîtrise des courbures sur deux axes en même temps. C’est impossible avec la LED qui est un morceau de plastique plaqué sur un autre.
Le néon va basculer dans la catégorie des Métiers d’Arts, parce que ce savoir-faire est rare, mais je crois qu’un artiste contemporain est aussi un entrepreneur. À l’heure actuelle, je n’ai aucun projet d’œuvre d’art, je continue de m’enrichir avant d’investir ce champ créatif. J’ai fait un prototype de ballon de basket en 3D que je ne trouve pas réussi, mais le seul fait de le réaliser était déjà un enjeu. J’aime l’idée que dans une source lumineuse se trouve le savoir-faire d’une vie, le tout contenu – et presque restreint – par un tube et un seul type de matériau.
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