La tendance healthy, un juicy business qui ne vous veut pas que du bien
Rédigé par Hélène Kaufmant
Le 10 oct. 2022
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Peu importe l’endroit (virtuel ou réel) au sein duquel nous évoluons, il est devenu impossible de passer à côté de la promotion d’un mode de vie sain, que l’on nous vend à grand coup de messages empreints d’anglicismes censés nous pousser à la conversion à la religion “healthy”. Mais si nous revenons aux racines de ce mouvement, la healthy life autrement dit, la vie saine est un mode de vie vertueux pour la personne qui l’a pratique comme pour celles qui l’entourent, par effet de domino. Enfin, oui. Mais ça, c’est la théorie, en pratique pour alimenter notre temple sacré, nous sacrifions quelques âmes au passage. Manger, c’est aussi militer (ou cautionner).
Cas n°1 : l’Or vert des cartels du Mexique pousse sur des terres rouge sang
Nous les voyons partout, l’avocat, c’est le fidèle allié vert des influenceur·ses healthy.
Et pourtant… sous sa forme ronde et charnue, terriblement appétissante se cache une véritable arme de guerre doublée d’une arme chimique.
État des lieux du marché de l’avocat
L’avocat c’est d’abord l’affaire d’un seul pays : le Mexique – même si en Europe, les pays de la méditerranée en produisent une infime partie. Ce producteur mondial héberge 40 000 fermes, presque toutes situées au sud du pays. Au total, ce sont 300 000 personnes qui vivent de sa culture et génèrent un chiffre d’affaires avoisinant les deux milliards de dollars par an. On estime qu’au Mexique, l’avocat est un commerce aussi juteux que celui de la drogue…
L’avocat représente une menace pour celles et ceux qui le cultive
Ce secteur possède donc un grand pouvoir de séduction et a vite attiré l’attention des cartels et notamment un : celui de los Caballeros Templarios (les Chevaliers Templiers). Depuis lors, les producteur·rices se sont retrouvés coincés et vivent sous la menace permanente de ces Chevaliers de la drogue.
Pour faire simple, si ces derniers cessent de payer les taxes – qui s’élevaient en 2013 à 100 $ par hectare de terres cultivées et à 10 centimes par kilo d’avocat vendu – ils s’exposent à leur assassinat, à l’enlèvement de leurs enfants, … Sans aucun autre moyen de se défendre, les autorités locales entretenant des liens étroits avec les membres des cartels.

L’arrestation en 2015 du chef de los Caballeros templarios surnommé “La Tuta” Source : EDUARDO VERDUGO / AP
L’avocat nous consume à petit feu
Devenu le premier producteur mondial, il a fallu suivre la demande constante et croissante d’avocats, alors symbole de la nourriture healthy. Rien qu’en France, nous ingérons trois kilos d’avocat par an et par personne. Sachant que ce fruit délicat met entre quatre à six ans à pousser, un temps particulièrement long, il est devenu nécessaire pour satisfaire la demande, d’augmenter les espaces de culture ainsi que les pesticides utilisés (autant d’années à pousser, rend les avocats particulièrement fragiles face aux parasites et aux maladies).
Ces champs finissent par manger peu à peu les villages, jusqu’à les entourer complètement, ainsi, une école s’est retrouvée entièrement encerclée de champs. Au fil des années, les taux de leucémies infantiles ont grimpé et les institutrices sont devenues inaptes à la procréation, les foetus qu’elles portaient étaient tous malformés. Suite à ces découvertes, une analyse a été menée sur plusieurs lots et les résultats sont tout aussi inquiétants. Selon le spécialiste de la pollution chimique, François Villerette : “Pas besoin d’ingurgiter des dizaines d’avocats pour être exposé à un risque : ces substances sont dangereuses dès la première ingestion”.


Extraits du certificat d’analyse réalisé le 5 mai 2017 – Source : France Télévision
Cas n°2 : La purée mauve, un dangereux jeu d’équilibre
Ces fruits ont envahi nos feeds sur Instagram ou sur TikTok, et en une seule recherche Google, les promesses du meilleur petit déjeuner pleuvent.

État des lieux du marché de la baie d’açaï
Cultivée au Brésil et plus particulièrement en Amazonie, la baie d’açaï est représentative de la culture culinaire brésilienne. Mais ces dernières années, avec l’engouement occidental pour les super aliments et la healthy food, l’açaï a subi une augmentation exponentielle de sa consommation mondiale.
En 2019, cela représentait un marché de 720 millions de dollars, avec un taux de croissance annuel dépassant les 12 %, dont l’Amérique du Nord représente la plus grande part de consommateur·rice·s, talonnée par la Chine, qui a une préoccupation culturelle pour la nourriture saine et diététique. D’ici la fin de l’année 2026, il est prévu que nous atteignons même le million de tonnes de baies consommées dans le monde. Malheureusement, les récolteurs de l’Or Mauve n’obtiennent qu’une gratification financière moindre, puisqu’au kilo, ils reçoivent une somme inférieure à trente fois son prix d’achat.
Derrière votre bowl vitaminé se cache un enfant qui travaille
Ces précieuses baies violettes poussent sur de longs arbres fins qui peuvent aisément atteindre vingt mètres de hauteur. La récolte ne peut donc se faire qu’en grimpant à leur cime pour y cueillir une grappe de fruits. Pour de simples raisons physiques, il est impossible à un adulte de s’y glisser sans tordre l’arbre. C’est donc à partir de l’âge de huit ans que les enfants commencent leurs premières récoltes, les chutes sont fréquentes et pour certain·es elles sont un aller sans retour.

Prendre soin de sa santé et opter pour un mode de vie healthy est évidemment recommandable, loin de nous l’apologie à la junk food, qui est aussi mauvaise pour vous que pour l’environnement.
Ce qu’il faut plutôt en retirer, ce sont ses principes : végétaliser notre assiette et doper notre organisme en variant les apports nutritifs des différents aliments. MAIS en privilégiant toujours une alimentation locale.
Il est tout bonnement impossible de copier-coller le menu de votre influenceur·se préféré·e, parce qu’il ou elle vit et occupe un espace géographique différent et des conditions climatiques menant à la culture d’espèces autres que celles de nos territoires. La globalisation d’une seule assiette ne mène qu’à la massification des cultures et à la mise en danger de leurs acteur·ices. Vive les lentilles vertes du Berry ou les salicornes bretonnes !
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